A l'occasion du festival Villette Sonique, j’ai affronté Stuart Braithwaite et Barry Burns avec mon carnet, un stylo et quelques questions trop sérieuses et tout ce que j’ai ramené, c’est cette stupide interview.

Étrange phénomène que le post-rock. Un genre en devenir, continuation d’un style agonisant, reprenant ses codes pour mieux les bafouer. Tortoise, Talk Talk, Bark Psychosis ou encore Explosions in the Sky ont fait les beaux jours du genre sur fond de symphonies dissonantes, signatures rythmiques d’un autre monde et nappes aériennes 100% instrumentales…

En 1997, quatre petits gars de Glasgow fans de Slint, My Bloody Valentine et Sonic Youth s’inscrivaient dans cette mouvance en lâchant la bombe musico-atomique Young Team, devenu un classique du post-rock depuis. Leur nom : Mogwai. Une référence un brin flemmarde aux adorables petites boules de poils du film Gremlins. Accordons tout de même à ces chauves à casquettes de révolutionnaires cubains, devenus pionniers du genre, une certaine facilité à foutre des taloches soniques réverbérées depuis 23 ans déjà, toujours avec la même efficacité.

Après « Every Country’s Sun », leur neuvième album studio majoritairement salué par la critique et les fans, ces Gizmos de la musique n’ont plus rien à prouver à personne, d’où leur réputation d’interviewés dilettantes. Un confrère, traumatisé par l’exercice, m’avait conseillé de ne pas les nourrir de questions trop sérieuses avant un concert, ni de leur faire boire de paroles trop élogieuses.

Faisant fi de ces précieux conseils et avec une naïveté qui n’a d’égale que la bravoure d’un Don Quichotte s’élançant vers son trépas, j’ai retrouvé Stuart Braithwaite (guitare) et Barry Burns (guitare et claviers) dans leur loge du Villette Sonique quelques heures avant qu’ils ne montent sur la scène de la Grande Halle. Mes armes : un stylo, un carnet et quelques questions plus ou moins réfléchies. Après 15 minutes à lutter contre leur accent guttural et leur désintérêt manifeste pour cette rencontre, j’ai fui, emportant avec moi cette stupide interview.

Vous avez travaillé sur la bande originale de la série télé française Les Revenants, du film Zidane: A 21st Century Portrait et vous êtes également à l’affiche de Lost in France. Avez-vous un lien particulier avec ce pays ?

Stuart Braithwaite : Nous avons toujours aimé la France. Vivent les pierres de Carnac !  

Barry Burns : L’Entente Cordiale, ouais ! On est des grands fans de la France.

Vous aimez quoi en groupes français ?

Barry Burns : J’aimais beaucoup les groupes de cold-wave.

Stuart Braithwaite : Comment s’appelle celui qu’on aimait bien ?

Barry Burns : Ruth.

Stuart Braithwaite : Ouais, c’est ça. Ruth.

Barry Burns : Il y avait pas mal de groupes des années 1980 dont je n’arrive jamais à me souvenir du nom. Mais ils étaient tous sur les compilations de cette période. Je les adore.

Stuart Braithwaite : Ma petite amie a grandi en France et elle écoute beaucoup de pop française des années 1980.

Barry Burns : C’est bien ?

Stuart Braithwaite : Ouais, ça va…

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(C) Brian_Sweeney

Vous connaissez Marquis de Sade qui joue ici demain ?

Stuart Braithwaite :  Non, je ne connais pas. Ils sont bons ?

Si tu aimes le post-punk et la cold-wave.

Stuart Braithwaite :  J’irais voir, c’est l’un de mes genres préférés.

Barry Burns : « Genres » (se moque de Stuart)

Stuart Braithwaite : Non, c’est vrai… La new wave c’est vraiment mon truc.

Vous avez travaillé sur pas mal de bande originale de films, la dernière en date étant Kin. De quel film auriez-vous aimé faire la musique ?

Stuart Braithwaite : Pearl Harbour ou quelque chose du style. Peu importe tant que le film a beaucoup de succès (Ahah). La Plage.

B.B : C’est lequel celui avec les gens bleus, déjà ?

Stuart Braithwaite :  Avatar.

B.B : Oh oui, Avatar (ahah). J’aurais bien aimé. Titanic aussi, bien sûr.

Stuart Braithwaite : Je ne sais pas. Tant que le film est bon. Les gens posent souvent la question et on ne veut pas choisir un film avec une bonne bande originale, au risque de paraître arrogant. Je n’ai pas envie de répondre 2001 : L’odyssée de l’Espace, tu vois ? Comme si on pouvait faire un meilleur travail…

Barry Burns :C’est difficile d’en choisir un sans être offensant pour le compositeur, en fait.

« Quand tu as, ne serait-ce que la moindre idée de ton son, soit tu es brillant, soit tu te répètes et ça devient naze. »

On parle souvent du post-rock comme une bande originale de film sans film. Vous êtes d’accord avec ça ?

Stuart Braithwaite :  Je vois bien pourquoi. La musique a beaucoup d’espace et les gens peuvent utiliser leur imagination… pour imaginer quatre mecs en train de regarder un film et faire du son.

Le processus de composition est-il le même lorsque vous travaillez sur un film et sur un album studio ?

Barry Burns : On écrit des chansons individuellement. Mais je trouve qu’il y a plus un esprit de collaboration lorsqu’on travaille sur une bande originale, parce qu’on doit travailler tous ensemble, avec les producteurs notamment. C’est différent, et ça doit être fait plus rapidement. Stuart, tu peux nous illuminer avec ta sagesse là-dessus ?

Stuart Braithwaite : Euh… Je pense qu’il y a aussi le moment où nous sommes tous ensemble et nous décidons du son qu’on veut avoir. C’est important parce qu’il faut s’accorder sur la manière dont nous allons habiller le film. Je pense que la musique d’un film est plus éparse. Tu ne veux pas que ça sonne épique, sinon ça risque de diminuer l’intensité de l’image. En fait, c’est vraiment différent d’un album.

À quel moment décidez-vous d’utiliser telle pédale, tel effet sur tel instrument ?

Stuart Braithwaite : Au milieu (Ahah). Habituellement, quand la musique est déjà écrite, tu essayes de l’améliorer.

Barry Burns : Nous ne sommes pas très bons à ça. On ne sait pas à quoi vont ressembler nos morceaux avant de les avoir terminés. On essaye des choses. Je pense que c’est aussi le cas pour la plupart des groupes. Il faut essayer, essayer jusqu’à ce que ça sonne.

Quel est le matériau brut qui vous sert de base sur un morceau ?

Stuart Braithwaite : Ça peut être des accords ou des notes. Souvent, j’utilise un drone et je joue par-dessus. Ça dépend vraiment du morceau.

Barry Burns : Oui, c’est vrai. C’est différent en fonction du morceau. Il n’y a pas de « formule magique » (Ahah).

Stuart Braithwaite : On l’a toujours pas découverte.

Barry Burns : (Dans sa barbe) C’est des conneries tout ça.

Vous avez-vu le genre évoluer. Depuis le post-rock des années 1990 avec des groupes comme Slint, qui souhaitaient casser le rythme et la structure des morceaux et plus généralement les codes du rock, vers le post-rock atmosphérique à la Explosions in the Sky. Voyez-vous Mogwai comme un pont entre ces deux tendances ?

Stuart Braithwaite : Ce que je vais dire va paraître très cliché, mais on n’imagine pas notre musique comme faisant partie d’un genre particulier. Pour moi, c’est plutôt une bonne chose. Certains groupes essayent de ne pas trop s’éloigner de ce qu’ils font habituellement. Nous, on essaye de faire ce qui nous plaît sans trop penser à ça. Quand tu as, ne serait-ce que la moindre idée de ton son, soit tu es brillant, soit tu te répètes et ça devient naze (Ahah).

Comment rester pertinent avec une carrière de plus de 23 ans ?

Stuart Braithwaite : Je pense qu’on n’a pas envie de s’ennuyer à faire toujours la même chose. On est conscient qu’il faut essayer des choses différentes. J’imagine que nous avons été chanceux d’avoir travaillé sur tant de projets différents et ne pas avoir fait album sur album. Heureusement qu’il y a eu des projets sur des films, à la télévision, des documentaires, des collaborations avec des artistes…

Barry Burns : Si on ne nous avait pas demandé de faire toutes ces choses, peut-être que nous ne ferions pas de nouveaux albums. Il y a des chances pour que sans ces expériences, nous soyons probablement en train de travailler dans un supermarché en ce moment. Le rêve.

Ça m’est arrivé. J’écoutais un truc qui me plaisait vraiment et Rachel (sa femme, NDLR), m’a dit “tu sais que c’est Mogwai, hein ?”.

Vous changez souvent d’avis quand on vous demande quel est votre album préféré. Lequel serait-ce si on vous demandait maintenant ?

Barry Burns : Oh, mec…

Stuart Braithwaite : J’aime beaucoup le dernier. Je sais que ce naze à dire, mais je l’aime vraiment.

Barry Burns : On ne dit pas ça en général mais on l’aime beaucoup. On aime encore jouer ces chansons. Mais ça change. Si tu les joues tout le temps, tu finis par en avoir marre.

Barry Burns : Aussi, on n’écoute pas vraiment notre propre musique, à moins d’avoir à l’apprendre. Je me suis déjà retrouvé à écouter des chansons que j’avais complètement oubliés chez un disquaire ou ailleurs et me dire “Ce truc est vraiment bien”.

B.B : Ça m’est arrivé aussi. J’écoutais un truc qui me plaisait vraiment et Rachel (sa femme, NDLR), m’a dit “tu sais que c’est Mogwai, hein ?” (Ahah).

Stuart Braithwaite :  Sérieusement ?

B.B : J’avais une petite idée de ce que c’était mais je n’étais pas vraiment sûr.

Avant de partir en tournée vous devez réapprendre vos chansons ?

Les deux ensemble : Ouais.

Ça vous arrive souvent ?

Stuart Braithwaite :  Si c’est une chanson qu’on ne joue pas souvent, on la réécoute plusieurs fois pour se rappeler. Pour certaines chansons…

Barry Burns : On ne pourra plus jamais les jouer.

Stuart Braithwaite : C’est trop difficile de s’en souvenir. C’est le point négatif quand tu es dans un groupe depuis vingt… trois ans, aha.

« C’est dommage que le rap d’aujourd’hui ait abandonné l’écriture. Tout ce dont les rappeurs parlent, c’est de l’argent qu’ils ont. C’est un peu chiant. »

Cherchez-vous à créer exactement la même sensation chez l’auditeur en live ou sur disque ?

Stuart Braithwaite : Pour moi, c’est la même chose. Sauf qu’on est debout et pas assis.

Vous avez l’air de plus vous soucier de politique que des titres de vos chansons. 

Stuart Braithwaite : Je pense que c’est important d’être toi-même. Si tu as des opinions… Et qu’elles ne sont pas épouvantables, c’est important de les partager. On parlait de la chanson de Childish Gambino (This Is America, Ndr) tout à l’heure. Elle est vraiment bien. Mais parfois, quand les gens essayent de s’exprimer politiquement, ils peuvent être maladroits. C’est encore plus difficile aujourd’hui puisque les informations vont tellement vite… On n’est plus dans les sixties, où il fallait attendre six mois avant d’apprendre quelque chose. Maintenant le monde entier sait tout dans l’heure. C’est difficile de traiter l’information et de s’en servir pour en faire de la musique et d’être pertinent dans ce que tu fais.

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(C) Brian_Sweeney

Stuart, tu parlais de Childish Gambino. Tu écoutes beaucoup de hip-hop et d’autres styles de musique que le post-rock ?   

Stuart Braithwaite : J’écoute probablement plus de hip-hop que n’importe quel autre genre de musique. Ma petite amie est vraiment branchée rap.

Quel genre de hip-hop ?

Stuart Braithwaite :  Surtout du hip-hop des années 1990. Des trucs du style Mobb Deep, le Wu Tang-Clan… J’écoute aussi des choses plus modernes. Mais c’est dommage que le rap d’aujourd’hui ait abandonné l’écriture. Tout ce dont les rappeurs parlent, c’est de l’argent qu’ils ont. C’est un peu chiant. Je n’ai pas envie d’écouter un mec qui a plus d’argent que moi me dire combien il a. C’est littéralement la dernière chose que j’ai envie de savoir.

Votre label Rock Action s’attache à la découverte de nouveaux groupes.

Stuart Braithwaite : C’est important pour nous. On est assez fiers de ce label, on essaye de faire au mieux. Nous avons toujours été sur des labels indépendants, alors on rend la monnaie de la pièce en poursuivant la tradition pour des jeunes groupes.

Un conseil pour les jeunes qui voudraient se lancer dans le post-rock ?

Stuart Braithwaite : Monte la reverb à fond, joue toujours en ré, aha !

B.B : Travaillez dur.

Stuart Braithwaite :  Évitez le jazz. Restez dans les gammes majeures et mineures (regarde Barry).

B.B : Et surtout, ne changez jamais de gammes (il regarde Stuart). On n’a jamais fait ça, hein Stuart ?

Stuart Braithwaite : Non. Jamais.

B.B : Tu ne peux pas changer de tonalité. C’est un affront. C’est réservé aux comédies musicales.

Ok, merci les gars, je crois qu’on va s’arrêter là.

B.B : Ouais, c’est l’heure d’aller boire un coup. Un petit whisky.

6 commentaires

  1. je leur ai fait arrêter leur infâme lourdingue show rue des martyrs le club du bas & 1 coup de skate dans la chetron du ‘lidl’, puis même semaine au rex stoppé la 1ére partie des S.Y, fuck les ‘americanos’

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