Visiblement, à part trois ou quatre fidèles, tout le monde semble n'avoir cure de la sortie de la "Banjo Tape" de Kim sur Équilibre Fragile. C'est con, c'est sûrement son disque le plus dingue.

Si le nom de Kim ne vous dit rien, c’est étrange : après 25 albums ou quelque chose dans le genre, ce marathonien de la pop est une figure plus ou moins vague dans le paysage, mais même le pire fan de noise slovaque devrait pouvoir approximativement situer.

Depuis les années 90, le garçon enchaîne inlassablement les disques, se rappelant ainsi très régulièrement à notre bon souvenir à l’occasion de telle ou telle collaboration, tel article dans telle revue, blog ou magazine. Après un album de reprises d’homonymes et un autre de balades avec des artistes (souvent injustement) conspués dans ces colonnes ces six derniers mois, voilà qu’il propose aujourd’hui une cassette banjo-voix.

Avant de refermer cette page, sachez pourtant que la formule n’est qu’un grand cheval de Troie. En effet, il vient de commettre la plus grande tricherie sonore de ce début d’année en présentant ainsi son dernier essai. Trêve de présentation, rentrons dans le vif du sujet.

La cassette qu’il sort chez Equilibre Fragile a été enregistrée sur deux pistes : le banjo et la voix. Certes. Les morceaux sont composés d’arpèges et de lignes de chant tristes, évitant malgré tout le cliché du banjoman en santiags. Certes. Mais s’arrêter là serait céder la facilité et passer à côté d’une pièce essentielle.

Dans un vieux château, l’évocation d’un ectoplasme peut vite virer à l’obsession.

C’est exactement ce qui se passe dans cette cassette. Kim a crée, au fil de ses chansonnettes, un fantôme discret, apparaissant dans le recoin d’une résonance peu naturelle, dans le grain d’une saturation de la bande, dans un faux silence. En effet, il semble qu’il ait utilisé un compresseur et un écho pour traiter en direct, façon dub, son album. C’est là qu’il a planqué le cœur de son propos.

Une fois le poltergeist repéré, il n’est alors plus possible d’entendre autre chose. Les bluettes tristes disparaissent, il n’y plus que cet esprit, informe et taquin, mystique et discret, qui occupe l’oreille. On le chasse à chaque instant, on s’inquiète de ne plus le retrouver quand les mélodies viennent gêner les sens. Mais il revient, translucide, comme au détour d’un regard. Cet écho, ce compresseur, encore.

kim and then

Comme pour une image sur paint, la « Banjo Tape » s’apprécie en inversant les couleurs.

Le disque correspond à des choses qu’on entendrait sur des labels post-techno, noise, expérimentaux, qui serait allés au bout d’eux-même. On se prend à relier la « Banjo Tape » aux pires bizarreries des anglais Berceuse Héroïque. Ce n’est plus la chanson qu’on apprécie, mais la façon dont les fréquences s’écrasent les unes contre les autres. C’est l’ombre du morceau qui fascine.

On meta-écoute encore et encore, trouvant à chaque fois un nouveau souffle, une nouvelle réflexion sonore surnaturelle qui nous tiendra en haleine. Kim, à travers son processus pourtant simple de traitement des pistes, a littéralement hanté son œuvre.

Jusqu’ici, les camarades à qui cette pièce a été proposée n’ont pas repéré l’apparition, se pensant de bon conseil en me confiant que la cassette était déjà disponible dans une nouvelle boutique située au 1 rue Cabanis, à Paris.

La fusion parfaite qui sera obtenue une fois la version sur bande reçue nous en dira sûrement plus. Dans la dégradation, certains éléments remonteront peut être, d’autres s’effaceront sans doute, mais vivront dans l’oreille comme une persistance rétinienne. Kim signe ici son disque le plus mystique, le plus énigmatique et, certainement, le plus beau. Sûrement lui-même n’avait-il pas l’intention d’abriter ce monstre. L’œuvre a dépassé son auteur. I want to believe.

KIM // Banjo Tape // Equilibre Fragile
http://equilibrefragilerecords.tumblr.com/

Kim-banjo-tape-cover

5 commentaires

  1. La cassette est aussi dégradable (mais c’est moins grave et plus intéressant) que le CD-R. Ce sont les deux seuls formats dans lesquels on peut sortir un disque long à un volume allant de 1 à 100 exemplaires. Impossible avec le vrai CD et le Vinyle. Voilà pour l’aspect pratique. Après, il y a l’aspect sonore, le « dialogue » entre l’oeuvre, composée en connaissance de cause, et le support « en mouvement ». D’autres – Celebration Tapes pour ne citer qu’eux – en parleront mieux que moi.

    J’espère t’avoir renseigné 🙂

  2. Hmmm ok, j’entends tes explications. Il n’en reste pas moins que je n’ai plus de lecteur K7 depuis longtemps, que j’aime bien acheter des disques et que je suis frustrée des versions digitales… et là du coup ben… je ne peux rien faire 🙁 merci anyway !

  3. Bonjour. Si tu n’as pas de lecteur cassette, l’album est aussi disponible en digital et streaming dans 240 pays chez 90 services de ventes.
    Pour ce qui est du format cassette, c’est un choix de traitement de son, au même titre que d’avoir choisi de jouer du banjo. C’est un choix, c’est le mien, au même titre que tu as choisi de commenter.
    Kim Giani

  4. Je relis ton commentaire et je vois que tu n’aimes pas le digital. Alors je te donne rendez vous en avril, je sors un nouveau disque chez Midnight special, en vinyle, dg et cd
    , ce coup ci. Toujours pour des histoires de son, et aussi des histoires d’adresses. « Banjo tape » s’adresse, dans l’idéal, à des gens qui aiment le banjo et les cassettes. Pour mon prochain album, ce sera encore différent. Je ne souhaite pas parler à tout le monde à la fois. Chaque disque vit sa vie avec les hasards des rencontres ou non. On verra bien. J’en parlerai mercredi prochain à 22h30 sur RTL si tu veux.

    Kim Giani

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