Au départ, on lui avait proposé une idée toute conne : nous raconter des choses qu’il n’aurait jamais dit à personne, et surtout pas sur son nouvel album « Les choses qu’on ne dit à personne ». En réponse, Bertrand « le meilleur d’entre nous » Burgalat a simplement envoyé 14 fichiers JPEG qui l’ont inspiré pour son nouveau coffret à bijoux. Il a beau ne pas pouvoir tout dire, au moins il peut écrire. Et c’est ce qu’il a fait.

Contrairement à « Toutes directions », et sans jeu de mot, pas facile de savoir comment on doit rentrer dans ce nouvel album. Le nombre de morceaux déjà (19) qui confirme que Burgalat n’a pas prévu de toucher les éjaculateurs précoces (sic). Et puis un choix, affirmé, de débuter par deux instrumentaux qui posent le ciment d’un disque qui envoie, en fait, un peu tout péter tout le monde (re-sic) : ceux qui désespèrent de le voir pondre un tube ; ceux qui continuent d’employer l’adjectif « dandy » pour qualifier une musique qu’il n’écoute qu’à la manière de Van Gogh, et puis tous les autres tant qu’on y est ; double razzia de Burgalat pour les cons. T’en voulais plus ? En voilà encore, vlan !

Inspiré par un texte de Laurent Chalumeau, « Les choses qu’on ne dit à personne » c’est donc un disque, en somme, pas facile. Un répulsif à zappeurs, dépouillé et sans aucun artifice, et où les premiers titres, pas les meilleurs, éloigneront les plus indécis. Disons-le, c’est très bien. Car « Les choses qu’on ne dit à personne » est sobrement ce qu’on appelle un disque pudique et qui, comme on enroule la serviette autour de soi pour se changer à la plage, ne se met pas à poil facilement mais quand même ; livre des chansons à l’os et sans gras et où l’on a vite fait de décrocher pour peu qu’on oublie les paroles. Burgalat, qui n’est jamais passé chez Nagui, n’a pourtant pas chômé ces 30 dernières années pour réconcilier tout le monde. Autant capable de citer Gina X Performance que Chrisma puis de travailler avec Marc Lavoine, celui qui est devenu chanteur sur le tard a fait bouillir soixante ans de culture pop dans un petit tube à essai et le meilleur exemple de cette infusion se trouve peut-être dans Son et Lumière, un titre qui comme le reste de l’album ne se donne pas facilement. Arrivé au quatorzième col de ce tracklisting escarpé, on trouve donc ce titre aux paroles lumineuses, avec l’impression d’un faux plat ; c’est un chef d’oeuvre d’introspection où rien que la césure claque plus que n’importe quelle punchline de rappeur du 16ième arrondissement :

« Comment faire pour inventer quand tout semble avoir été fait [….] je voulais être un bâtisseur, dédier ma vie aux biens publics, je fais DJ pour les winners, des ouvertures de boutiques »

Rien que ça, c’est splendide. On y croise le Chrysler Rose de son ami Dashiell Hedayat, des nababs écoutant New Order à Damas, toute la monotonie d’un monde souhaitant s’amuser à tout prix, à en crever. Burgalat, 53 ans, est toujours là. Pour paraphraser un ancien titre, voici donc venue l’heure de l’examen de conscience avec une auto-autopsie où l’on découvre, enfin, les influences cachées au fond du Burgalat cuvée 2017, disponible dès maintenant dans toutes les grandes surfaces.

Pochette de l’album : Guillaume Pinard 

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« J’ai rencontré Guillaume Pinard grâce à Philippe Ducat, graphiste et éditeur d’art, proche de Marc Desgrandchamps (qui avait fait la pochette du 45 tours avec Robert Wyatt). Grâce à Ducat nous avions pu utiliser une toile de Robert Combas pour le 25 cm que nous avions enregistré avec Joël Daydé pour Bertrand Tavernier. J’ai toujours cherché une continuité graphique qui ne soit pas figée, comme j’apparaissais sur la pochette de mon premier disque on a continué de diverses manières, y compris, pour l’album Portrait-Robot, avec un authentique portrait-robot réalisé par les services de l’Identité Judiciaire. Guillaume s’est investi avec beaucoup de générosité, il a fait beaucoup d’essais autour de mon visage, ils seront d’ailleurs exposés à la Galerie Anne Barrault (51 rue des Archives 75003 Paris) les 6 et 7 juin, et Philippe Ducat va éditer à cette occasion un incunable reprenant l’ensemble du travail réalisé par Guillaume pour cet album. J’aime particulièrement le portrait qui figure en couverture, car il me semble positif, plein de promesses ».

Photos de paysages : Raphaël Dallaport

« Raphaël Dallaporta travaille avec Philippe Vasset sur un projet, Azimuth, dont sont extraites les photos de paysages qui figurent sur mon album. Ses photos au téléobjectif compriment les distances et il parvient ainsi, sans aucun trucage, à faire apparaitre sur le même plan des tours du 19e arrondissement et des avons sur la piste du Bourget. »

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Photos de Burgalat pour l’album : Serge Leblon

« J’ai rencontré Serge il y a plus de dix ans et j’admire sa façon de travailler, très organique et instinctive, qui me semble proche, dans son utilisation de la technique, de ce que j’essaie de faire avec la musique. Nous avons passé deux jours entre La Défense, Montigny le Bretonneux, et la Base Aérienne 110 de Creil. »

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Clip vidéo : Benoit Forgeard

« S’il y a bien un cinéaste à propos duquel on ne peut pas se dire qu’on pourrait faire la même chose, c’est bien lui. Il est impossible de deviner ce qu’il va faire, mais c’est toujours brillant, drôle, incisif, hyper construit et rigoureux derrière la désinvolture apparente. Il a réalisé le clip des Choses qu’on ne peut dire à personne. »

Le titre Diagonale du videMatthias Debureaux

carrefour2« Matthias Debureaux aime les itinéraires de délestage, l’insolite, et il sait mettre des mots sur des sentiments que nous partageons. Il a publié deux livres épatants : L’art d’ennuyer en racontant ses voyages, et Les dictateurs font très bien l’amour, dans lequel il reconstitue des rencontres qui se sont vraiment produites, comme Poulidor et Salvador Dali, ou Fidel Castro et Ava Gardner. Dans cette chanson, il cite un écrivain-peintre qui m’est cher, François Augiéras, et lorsqu’il évoque « un poing américain serti dans un néon », il fait allusion au logo des supermarchés Carrefour. »

Le titre Sur les plages de la vieHélène Pince

« Quand, dans cette chanson sur mon album elle écrit « on est solaires », elle parle d’elle bien évidemment. Hélène a fait beaucoup de paroles pour moi, mais maintenant elle écrit aussi pour des poids lourds style Fréro Delavega et je trouve réjouissant que le même genre de texte puisse connaitre des destins si opposés. »

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Le titre Les choses qu’on ne peut dire à personne : Laurent Chalumeau

« Je ne connaissais pas Chalumeau quand il a sorti Fuck. Je l’avais bêtement catalogué Esprit Canââl, avec tout ce que ça pouvait parfois supposer de rebellitude surpayée et d’autosatisfaction. Quand je suis tombé sur ses polars, tous mes préjugés se sont évaporés, c’est un type formidable et son écriture est remarquable. Le texte qu’il a publié cet hiver sur Philippe Manoeuvre quand celui-ci a quitté Rock & Folk est un monument, tout comme ses hommages à La Souris Déglinguée et à d’autres soldats perdus du rock. Je recommande tous ses romans, et notamment son dernier, V.I.P., tout à fait de saison dans les thématiques abordées. »

Le titre Tour des LilasPhilippe Vasset

« La Tour des Lilas, c’est cet émetteur, à Romainville qui n’est pas utilisé que par les stations de radio ou de télé. Le texte a été écrit par Philippe Vasset, écrivain et journaliste qui sait si bien décrire la poésie et le mystère de ces installations. »

Le titre Coeur défenseCatastrophe 

« Le texte est écrit par Blandine Rinkel et Pierre Jouan, de Catastrophe, qui prêtent aussi leurs voix et leurs idées, avec Alice Lewis et Arthur Navellou, tout au long du disque. Nous avons à peu près le même écart d’âge que Brigitte et Emmanuel Macron et c’est très stimulant pour moi de travailler avec des jeunes gens aussi brillants. »

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Le titre Musées et cimetièresMusée des Arts et Traditions Populaires

« Yattanoël Yansané, qui a écrit les paroles, et moi nous avons le même âge, nous avons partagé le même itinéraire de jeunesse et les mêmes rêves. Il dessinait et peignait, j’essayais de faire de la musique, on vivotait en travaillant comme chauffeurs de Grande Remise, on convoyait des vedettes du Top 50 ou des familles saoudiennes. Puis Yatta-Noël est parti aux Etats-Unis dessiner des logos et du merchandising pour Scott Page, un saxophoniste qui jouait avec Supertramp et Pink Floyd. Quand il est rentré en France il a eu du mal à rentrer dans le moule. Il ne fait plus ses BD géniales avec de la trame au Letraset. Mais il y a les textes qu’il écrit de temps en temps. Il en avait déjà interprété un (Sans titre) sur Portrait-Robot. Pour celui-ci, Musées et cimetières, il me semble que tout est déjà dans le titre, d’ailleurs il y a aussi des musées qui finissent au cimetière, comme le magnifique bâtiment des Arts et Traditions Populaires, construit par Jean Dubuisson au Bois de Boulogne, qui vient d’être offert par la Ville de Paris à Bernard Arnaud, qui va pouvoir massacrer à sa guise ce bien commun. A ce sujet, je recommande le texte publié par Eric Hazan dans Libération récemment. »

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Le titre HologrammeMaurice Lestieux

« J’ai connu Maurice Gravaud Lestieux il y a… 53 ans. Nous habitions au-dessus de chez lui porte d’Asnières, et la famille Gravaud sont donc mes plus vieux amis. Maurice était un haut fonctionnaire délicieux qui, comme Le Sous-prêfet aux champs d’Alphonse Daudet, était aussi un poète. Il a publié de nombreux recueils, et d’autres musiciens, comme Étienne Champollion, un jeune compositeur très talentueux, ou la chanteuse Émilie Marsh, ont également mis en musique ses textes. j’ai composé Hologramme pour un hommage qui lui a été rendu à la Sorbonne peu après sa mort en 2013. »

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Le titre Un ami viendra ce soirOlivier Carré

« Il y a longtemps j’avais fait une interview croisée avec Robert Wyatt, nous parlions de nos parents morts et il me disait qu’il lui arrivait de rêver qu’il rencontrait à nouveau son père, et qu’il se réveillait en pleurant. Je connais bien ce genre de situation. Je suis à un âge où la plupart des personnes que j’ai connues et aimées ne sont plus là. Parmi les amis qui me manquent je pense souvent à Olivier Carré, peintre et sculpteur d’une intensité rare. il s’est tué à moto sur le périphérique en 1994, chaque fois que je vois un rail de sécurité je pense à lui. »

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Le titre Étude in BlackBilly Goldenberg

« Le nom de ce morceau, qui clôture mon disque, vient d’un épisode de Columbo. L’été dernier je les ai tous vus car ma femme, qui les adore, les a fait découvrir à notre fille de 6 ans. Parmi tous les compositeurs fantastiques qui ont travaillé sur cette série il y en a un qui m’éblouit à chaque fois, c’est Billy Goldenberg. Il parvient à créer des textures, des choses tout à fait uniques, le plus souvent avec des instruments naturels. C’est très audacieux, en particulier les ambiances sonores et harmoniques qu’il crée sous les dialogues. Il est toujours en vie, il n’y a aucun disque qui lui est consacré, on retrouve ses compositions par ci par là, j’aimerais beaucoup lui rendre hommage comme j’ai pu le faire avec David Whitaker et André Popp. »

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13 commentaires

  1. Bonjour, le titre de l’album est « Les choses qu’on ne peut dire à personne » et non « Les choses qu’on ne dit à personne ».

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