Re-baptisés PVT pour de sombres histoires administratives (un groupe américain se nomme déjà Pivot), le rock païen de Richard Pike, Laurence Pike et Dave Miller s’écoute désormais comme un tournant, l’extrémité d’une péninsule mélodique où chaque chanson s’avère être un récif, un diamant dissimulé sous la crasse.

Dans la lignée des grands albums réalisés sans trucage, le deuxième album des australiens de PVT a l’envergure des cargos cultes et le doux son du métal caressé avec la paume des mains. Des albums comme ça, la Sainte Harmonie en expédie deux par saison, ne reste plus qu’à tendre les bras vers le ciel et fermer les yeux. Eviter le trop plein de lumière.

L’Australie n’était pas l’église la plus évidente. Des terres sèches comme un coup de trique, une culture faite de pick-up et de désolation du bout du monde, les chances de recevoir ici un disque venu de là-bas étaient bien minces . L’idée même d’une claque sonique, un pari intenable; tout au plus un challenge de fin de soirée à tenir entre rock-critics avinés, du genre à prophétiser une digne descendance à Midnight Oil, INXS et Silverchair. Clairement, le tour de magie ne pouvait tenir la route plus de deux bières. Et puis des routes en Australie… l’étendue des possibles était bien mince.
Là où il y a de l’aborigène il n’y a pas de plaisir, c’était bien connu, mais c’était balayer bien vite la singularité de ce pays vaste comme un continent. Envoyée rapidement aux orties sur leur premier disque (O sountrack my heart, 2008), la musique de Pivot renait de ses cendres, de sa poussière, sur Church with no magic. Re-baptisés PVT pour de sombres histoires administratives (un groupe américain se nomme déjà Pivot), le rock païen de Richard Pike, Laurence Pike et Dave Miller s’écoute désormais comme un tournant, l’extrémité d’une péninsule mélodique où chaque chanson s’avère être un récif, un diamant dissimulé sous la crasse en fer forgé.

Frais comme un déluge.

Tuer les distances, anesthésier le soleil, pleurer des larmes de neige; dans la chaleur de l’été où les visions se brouillent, il suffit de quelques instants en compagnie de Church with no magic pour se rapprocher de l’ailleurs. Quelques aurores boréales en guise d’introduction (Community), des rayons laser déguisés en riff de messe (Light up Bright fires), PVT fait chauffer le mantra-sutra sans paroles ou presque, s’esquissant comme une suite logique aux dernières odyssées flagrantes de The Horrors et Fever Ray. Mais délaissons la beauté froide des comparaisons visqueuses : Church with no magic n’est pas une suite logique au rock désincarné de The XX, encore moins un prolongement progrock aux expérimentations d’un Thom Yorke perdu dans le bush. Sur Church with no magic, troisième piste éponyme digne des meilleures bandes-son de télévangélisme pour épileptiques, l’idée d’une cathédrale sonique voit le jour, composition flirtant avec le rock en se délestant du poids des guitares. Vision éphémère d’un Alan Vega venu forger son épée à la lueur de l’aube, épopée novö-médiévale qui cristallise à sa façon l’idée d’un futur proche impossible, ce disque dépasse l’entendement et les vitraux tremblent sur chaque mouvement. Et Crimson Swan – le cygne cramoisi, en VF !, de débuter comme une cantique religieux avant de muter, le long des paroisses électroniques, vers un hymne à synthétiseurs soutenu par les chœurs angéliques, les tambours martelés et l’angoisse de fin de monde brassant le fond des océans et les pyramides de Blade Runner. Entre la lumière et l’asphalte, signal de détresse ou appel à la libération, Church with no magic reste un disque exemplaire, broyant finement ses références à la Sainte Trinité sous la couche de glace.

« Sèches donc tes larmes, Pénélope, l’avenir est droit derrière »

Disque pour les survivants ou messe funéraire pour les derniers hommes ? Les voix en canons grégoriens de Window, les envolées à la lisière des plages futuristes de Boards of Canada sur Waves & Radiations, tanguent entre les deux visions.  Si Church with no Magic détaille en pointillé-cicatrice les panoramas arides et la notion d’abandon, le tout s’imagine plus aisément comme une  ligne Maginot entre l’humain et son créateur. Droit comme une illusion, ce second album reste une ode au démaquillage, un exit pour rescapé embarqué sur un canot de sauvetage au milieu du désert, une ligne claire entre l’avant et l’après. Et au milieu, rien : un sentiment résolument contemporain.

PVT // Church with no magic // WARP
http://www.myspace.com/pvt

4 commentaires

  1. Bonjour Bester,

    Tu ne consultes pas wikipédia et je t’en félicites, mais « Church With No Magic » est le premier album de PVT, ou le troisième de Pivot, mais certainement pas le second. Le premier se nomme Make Me Love You.

    Pourriez vous m’indiquer les formalités a accomplir pour obtenir une photo dédicacée de toute l’équipe?

  2. C’est toujours le bordel ces changements de nom, merci pour la correction.

    Pour la photo dédicacée de l’équipe, nos bureaux sont ouverts aux horaires légales, du lundi au vendredi. Rendez-vous place des grands hommes, comme disait l’autre!

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