C'est un mec qui gagne les Victoires de la musique avec du reggae trop français, et qui trimballe depuis une réputation de type violent passé par la case skin. Ça, c'est ce que l'histoire a bien voulu retenir. En vérité, Pierpoljak a un peu plus de trucs à raconter.

Pierpoljak sur Gonzaï, c’est aussi improbable que DiCaprio dans Rihanna. Et pourtant. En vérité, c’est surtout parce que j’avais déjà vendu ma phrase d’accroche au boss que j’ai pu négocier : « mec, c’est grâce à Pierpoljak que j’ai arrêté d’écouter les 2be3 ».  J’avais aussi envie d’éclairer tous ces mythes plus ou moins fondés autour du chanteur, notamment depuis un article de Stéphanie Binet publié dans Libération en 2001. Comment le mec qui m’avait fait me prendre pour un fumeur de beuh à 10 piges, tirant comme un demeuré sur les cônes d’encens au cannabis de ses parents, pouvait-il être un « connard violent et raciste » tel que le décrivait l’article ? Avait-t-il encore en lui les restes du skin Pierrot le fou qu’il incarnait il y a plus de trente ans ? On dit qu’il ne faut jamais rencontrer ses idoles, mais il y avait suffisamment prescription pour y aller sans craintes.

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Pierpoljak a sorti dix albums. Dans le lot, un premier disque éponyme (1995) loin d’être mauvais, un deuxième (« Jamaican Ride », 1996) pour confirmer l’essai, qui montre que le rasta blanc en connaît plus sur le reggae que son image ne veut bien le laisser croire, un premier succès (Kingston Karma,1998), puis un deuxième (« Je fais c’que j’veux », 2000), et enfin une flopée d’albums pas indispensables, qui prouvent surtout que le chanteur a ses obsessions (la famille, la drogue, le voyage, la société…) et qu’il a du mal à en découdre. Je réécoute toujours avec plaisir les quatre premiers albums de PK, quand les autres me laissent assez impassible. Le nouveau, « Général Indigo », renoue un peu avec les débuts. Entre temps, j’ai pris quelques années dans la gueule et l’impact est bien moindre. Ça n’enlève rien à l’intérêt qu’il y avait à le rencontrer. Finalement, mon seul regret dans tout ça, c’est qu’il n’ait pas fait tourner.

On peut peut-être commencer avec ton nouvel album.

Ma chanson préférée sur le nouveau disque j’crois que c’est Les Papas du weekend. Je les aime toutes mais j’aime aussi toutes les chansons de tous les autres albums. Je ne me dis pas par exemple que « Légendaire sérénade », c’était de la merde et que j’ai fait une erreur. Je revendique, je trouve qu’il est bien. Après… de toutes façons tu fais de la musique c’est pas pour toi, on est d’accord ? C’est pour les gens !

Tu dis que tu aimes toutes tes chansons, mais dans une interview avec Street Press il n’y a pas très longtemps…

J’ai dit qu’il y en avait que je ne pouvais plus chanter sur scène, c’est différent

Tu disais que ça te faisait surtout chier, parce qu’on t’attendait sur des morceaux alors que tu essayais d’en imposer d’autres et que…

Alors, ça c’est autre chose. Ça c’est quand j’ai fait « Légendaire Sérénade ». Sur le nouveau, « Général Indigo », je refais peut-être la même erreur, mais peut-être un peu moins. C’est-à-dire que pour « Légendaire Sérénade », j’avais treize ou quatorze morceaux, j’ai dit « Allez, on fait tout l’album sur scène ». Au bout la troisième nouvelle, le public en avait déjà marre. Et en fait on faisait toutes les chansons jusqu’à ce que je leur dise « Hey, vous aimez toujours la reggae music ? », et là ça partait en concert normal. C’est ça que j’ai voulu dire, j’ai compris que tu ne pouvais pas faire un concert sans chanter les classiques. Sinon, non je pensais que tu parlais des chansons comme Je blesserai personne, des chansons comme ça que j’aime toujours, mais que je ne peux pas chanter sur scène parce que je les ressens plus assez.

Donc finalement ça ne te fait pas chier de rejouer tes « classiques » ?

Du tout ! Oh, ça a dû m’arriver ! Mais des fois je vais juste prendre du plaisir aussi à chanter Je sais pas jouer. Mais bon… quand tu l’as fait depuis, je sais pas combien de milliers de fois, bon…

Elle n’a plus le même impact pour toi ?

Si, Si ! Mais tu as l’impression de rabâcher quoi ! Alors que j’en ai plein d’autres chansons qui sont supers que je ne peux pas faire. Je ne pourrais pas faire toutes mes chansons en concert, il faudrait faire un concert de cinq heures. Mais ça, c’est celles que je ne pourrais pas enlever, des trucs comme Maman, Dépareillé, J’sais pas jouer, Pierpoljak et peut-être encore une ou deux que je ne peux vraiment pas enlever.

Il y a vraiment quelques thèmes qui sont très, très présents dans ta musique dont notamment la famille, l’amour, la société…

Je ne calcule pas quand j’écris une chanson. J’ai le truc qui me vient… Je n’écris pas vraiment ma vie en chansons, mais… un petit peu quand même. Le Papa du weekend, j’en suis un évidemment. Je ne vais pas écrire une chanson si je n’ai pas des gros problèmes avec la garde des enfants…. Et je me suis pas dit non plus, tiens, il y a plein de mecs qui sont dans ce cas-là, donc je vais faire ça. C’est venu comme ça. Ce n’est pas la première, dans l’album d’avant j’avais déjà Jaïd, j’ai fait Bébé Damia, et les Papas du weekend. J’ai cinq enfants donc c’est toujours la même histoire. Bon et puis toujours un peu les trucs de weed. Gilbert Pytel (journaliste, rédacteur en chef de plusieurs magazines de reggae) m’a dit « mais tu n’en as pas marre de chanter sur la weed ? », je lui ai répondu « Tu sais, c’est mon dixième album et c’est ma troisième chanson sur la weed donc ça va… ». Les thèmes sont souvent un peu les mêmes. Ce sont mes thèmes…

Pour toi sur ce nouvel album, qu’est-ce qui a changé fondamentalement ?

D’abord, ce sont les musiciens. Quand on part faire des concerts, à chaque fois on se dit que pour continuer, il faut absolument sortir un album. Ça commence comme ça, avec les musiciens dans le bus. Alors je commence à faire des maquettes, des maquettes et encore des maquettes. Ça prend du temps parce que je n’ai pas trop de structure, et puis je n’ai pas trop de thunes. Et puis y a un moment quand j’ai plus de cinq titres, je me dis : « tiens ça y est, t’es en train de faire un disque ». Au départ c’est pour continuer à faire des concerts. Parce que la vie est dure dans l’industrie musicale. Si tu fais un disque pour espérer en vendre plein tout de suite….

Tu parlais justement de la weed. Ta chanson Pour moi c’est déjà légalisé est relativement actuelle. On parle de plus en plus de la légalisation.

Ouais mais c’est pas nouveau.

Aux Etats-Unis, ça a quand même pas mal changé.

Oui, mais on n’est pas aux Etats-Unis. Et en France, avant chaque élection, on en parle, mais il se passe jamais rien. Les Etats-Unis, et la Californie, et avant le Colorado c’étaient déjà des bons producteurs de cannabis dans le monde. Bien avant la Hollande et tout ce que tu veux. Même la Pologne ils produisent plus que la Hollande à l’heure actuelle, faut le savoir ça. Amsterdam ça coûte cher. Je dis ça parce que ça fait très longtemps que je fume. Bon, maintenant, ça fait des années que je ne fais plus de plantations, mais dans ma vie j’ai fait pas mal de trafic d’herbe. Donc pour moi c’est déjà légalisé depuis longtemps. C’est beaucoup plus teenage que Les papas du weekend

Tu as touché à d’autres drogues, mais la weed est la seule que tu as vraiment défendue d’une manière politique.

C’est la seule qui est défendable.

A 13 ans déjà, je sniffais de la colle, de l’eau écarlate et toutes les conneries.

Mais t’as pas non plus trop fait de morceaux sur comment les autres drogues sont dures.

J’aurais eu bonne mine ! Je vais te dire franchement, je ne suis pas un mec qui ment dans ses chansons. Et d’ailleurs je l’ai dit en parole dans une chanson, Petite luminosité : « Je n’ai jamais menti dans mes chansons, c’est tout ce que j’ai de bon ». J’ai pris d’autres drogues. Comme tous les connards dans le…. rock’n’roll ! Et donc je me voyais mal faire des big up à ce propos. Le crack, l’ice (surnom de la crystal meth, ndr) ou la cc (cocaïne)… tu vois ce que je veux dire ? C’est pas possible. Sachant très bien que je fais de la merde. Mais bon c’est du vice. Je ne peux pas big up ça.

Aujourd’hui comment tu considères ce passé avec la drogue ?

Quand je dis ça, il ne faut pas que tu t’imagines…. Déjà je ne me suis jamais fixé à l’héroïne, et tout. Faut pas que tu t’imagines que je me suis drogué comme un malade toute ma vie. C’est vrai qu’à 13 ans déjà, je sniffais de la colle, de l’eau écarlate et toutes les conneries. Les trucs qui te grillent le cerveau. Le reste c’est venu plus tard.

Mais ça fait partie de ta vie.

J’ai 50 ans et, en tout et pour tout, j’ai dû passer 3 ans ou 4 ans à me défoncer. Et c’est déjà beaucoup trop. J’ai passé beaucoup de temps en Jamaïque, j’ai fait plein d’albums là-bas et j’ai fini par tomber dans le Que-cra (le crack). A un moment, ouais… c’est comme ça ! Parce qu’à un moment c’était trop quoi ! Cela dit, il y a plein d’Américains qui n’en prennent pas.

C’est marrant, j’ai l’impression que médiatiquement les gens renvoient une image de toi qui est un peu affabulée. Tu vois il y a eu beaucoup d’articles qui sont parus sur toi, notamment dans Libé...

Le fameux article !

Sur les forums aussi. Même quand MC Jean Gab’1 parlait de toi… C’est aussi pour ça que j’ai eu envie de te rencontrer.

Pour voir si j’étais un nazi ou pas ? Il y a un truc qui est terrible dans la vie, c’est la rumeur. Quand quelqu’un a lancé la rumeur qu’Isabelle Adjani avait le sida. Et même si ça restait la grande Isabelle Adjani, ça lui a cassé la vie. Alors qu’elle ne l’avait pas du tout. Ça a été démenti 3000 fois mais c’est resté ancré dans la tête des gens. Moi mon truc, c’est l’histoire des skins. Le nœud est là. J’étais dans un gang de skin quand j’étais petit, ici (à Paris, ndr). Mais on n’a jamais été des nazis. On n’a jamais été des fafs. Le chef de la bande il s’appelle Fareda Jussef, c’est toujours mon pote, c’est un reubeu de Nanterre. On avait Albert, différents Feuj, chinois, renois… Nous notre truc c’était les geoi-bour. « On va casser du geoi-bour », « tout casser le mobilier, les trains »… Et on se battait tout le temps avec les autres bandes. Et Charles (MC Jean Gab’1) à ce moment-là, il n’était pas là. Il était plus jeune que nous, il n’était pas là. Je le connais, depuis, Charles. T’inquiète, lui il a blablaté mais un jour… Moi dans ma famille j’ai le chef des Black Panters : Le grand Jack.
Si tu t’intéresses aux gangs de Paris tu verras qui est le grand Jack, c’est suprême. Lui, il se trouve que c’est le parrain de mon fils aîné, parce que ma première femme est antillaise. Enfin bref, déjà tout ça c’est pas des trucs de nazis. Et lui, si tu veux c’est le « chef des blacks » à Paris, avec tous les gangs qui descendent. T’as les Rasneck. Et après tu as les Requins vicieux, les Fox, les machins… Lui, Charles, il est des Requins vicieux, comme Gyneco, d’ailleurs. Donc ils sont plus jeunes que moi, je les ai très bien connus à une époque. Dans cette chanson où Gab1 dit des trucs (J’temmerde, dans laquelle il attaque de nombreux artistes de rap, ndr), il raconte que des conneries. Il dit que je baise le comble du racisme parce que ma femme est noire et que je baise ce qui me rebute. Le mec est parti loin. Il y a des gens, grand Jack et tout ça, ils ont envoyé des gens le calmer. Lui donner une parole hein, pas lui mettre de pression. Pour lui dire « Allez là, ferme tes fesses t’étais même pas là ! ». Moi, j’ai sorti aussi un truc qui s’appelle Poisson pas né, une chanson qui est moins connue que la sienne. Je lui dis qu’il porte le nom de la mort, que c’est un pointeur parce que lui, si on fait son CV, son vrai CV hein…. Il peut dire quoi sur moi ? Il suppose, il suppute que je suis un raciste super tordu parce qu’en plus je me marrie avec une noire quoi… Oh ! Faut être un super tordu, non ? La mauvaise réputation vient essentiellement de là. De cette espèce d’histoire de skins colportée alors que personne n’était là à l’époque. J’avais 14 ans. À 17 ans, j’avais fini avec ça, donc tu vois ça a duré 2 ans. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’est rien ! Et y a une légende autour de ça. Bon c’est vrai qu’à l’époque on faisait parler de nous quand même, parce qu’on était les plus jeunes de toutes les bandes parisiennes. Et puis on était des oufs, on désossait bien, donc on faisait parler de nous. Mais voilà rien de plus. Et surtout qu’ en plus, quand on faisait ça on allait massacrer les mecs à Assas et on passait notre temps à taper des fafs. Ça, c’est la vérité. C’est ce que je lui ai dit dans la boite à Gabin. Et il m’a dit : « Ouais mais je sais, je sais ! »… Je lui ai répondu : « Tu vois comment tu t’es fait manger le crâne là ! ». Bon bref, c’est pas grave !

Revenons sur le papier de Libération, « La face cachée de Pierpoljak » (écrit en 2001, ndr)

Le truc de Stéphanie Binet ça c’est géant. Parce qu’elle a fait la salope la dessus. Elle a commencé en même temps que le reggae en France, tu vois. Et la meuf, elle a fait un putain d’article dans Libé qui m’a descendu, et devenu une référence pour tous les mecs dans les médias. Là-dedans ils ne parlent pas des ned-ski et tout. Ils parlent de quand on est en tournée, comment c’est chaud tout ça, qu’on frappe les gens et tout. C’est vrai que c’est arrivé. Tu sais ce qu’elle dit, c’est pas tout à fait faux. Mais c’est très mal expliqué ! Elle nous présente comme des mecs qui arrivent, qui débarquent, des barbares quoi : « Vas-y on éclate tout le monde ! ». C’est pas du tout ça. C’est que le groupe de première partie nous jette des canettes par derrière comme des lâches. Et à l’époque j’étais avec Leroy «Horsemouth» Wallace, des bâtards jamaïcains et tout. Et lui, il est là et puis ils lui lancent des bouteilles sans un mot, bah lui il part avec son couteau hein : « Tu veux faire du reggae vas-y ! ». Voilà.

Le reggae, c’est pas Yes et Genesis !

Tu dis souvent que le reggae est quelque chose de violent…

Oui et non. Parce que le reggae, c’est la musique jamaïcaine des ghettos, dans les villages. Donc ghettos en Jamaïque, moi j’ai bien sillonné, je peux te dire que c’est chaud. Et que ça shoote. Ça fait tout. Pauvreté, violence, comme ce que tu peux imaginer de la Jamaïque. Même si la Jamaïque, c’est pas un pays où tu vas te faire butter tout de suite parce que t’es blanc. Tu sais il y a des gens qui se font des films hein, ils hallucinent complètement ! Ça n’a rien à voir avec ça. La reggae music naît là-dedans, mais c’est pas une musique violente ! C’est une musique qui est issue d’un stress, tu vois ? C’est la musique des ghettos, ça coupe, ça se shoote, ça se bat, ça gueule, on jette les ordures par terre… ça vient de là. Donc c’est ça que j’ai toujours dit : c’est pas une musique de baba cool, c’est pas Yes et Genesis, genre on se met en rond « bah j’trouve ça chouette moi ». C’est pas les hippies ! Ça n’a rien à voir. C’est pas juste parce que les mecs ont des cheveux… Et puis les cheveux ça pousse, hein, je vais te dire ! Ca pousse, ça se coupe, ça pousse, ça se coupe ! Mais voilà c’est ce que j’ai dit : il y a beaucoup de violence, mais ça n’incite pas à la violence.

Le message de cette musique n’est donc pas un pousse-au-crime.

Normalement, parce que le dancehall, c’est encore autre chose. Le reggae n’incite pas, mais raconte. Même en commençant par Bob Marley. Toutes les chansons de Bob Marley, c’est pas de l’eau de rose. Ça parle de ça. À partir du moment où tu le connais en tant que chanteur Bob Marley et que tu le vois faire des concerts partout, ce n’est plus le Don de Trenchtown. Parce qu’il a été le Don de Trenchtown ! Je ne l’ai pas connu, évidemment, mais j’étais à Trenchtown, dans le crew. Le gang là-bas, c’est les Spranglers, pour toute cette partie de la ville, donc moi j’étais Spranglers. Et je connaissais bien évidement les Don, les grands chefs, les PDG. J’en ai connu deux, parce qu’il y en a un qui est mort entre temps. Bob était là dedans. Les Spranglers, aujourd’hui, c’est un gang où il y a 5000 personnes. T’en as Toronto, à Miami, à New-York, à L.A, à Détroit, Londres et à La Rochelle ! Non, je rigole ah ah. Moi je ne suis pas dans le gang, mais j’étais quand même protégé, parce que t’es obligé là-bas. Donc voilà, voilà pourquoi c’est chaud.
Mon producteur, Clive Hunt, si je ne l’avais pas rencontré, on ne serait pas là aujoufd’hui à faire cette interview. Parce que c’est lui qui a fait mon succès en fait. Quand j’étais en enfer en 2005, j’étais encore dans les guedro’. Lui, il a été shooté. Il a pris 8 balles là-bas en Jamaïque, dans une fusillade. C’est pas pour rien ! Tu peux prendre des balles perdues mais en général quand tu te fais fusiller, que t’en prend plein comme ça, c’est que c’était pour toi. Bref, le mec qui était avec lui, il est mort. 21 balles. Parce que les mecs ils vident les deux chargeurs, c’est des oufs. Clive n’est pas mort ! Et moi j’arrive en studio et je le vois et ça faisait 15 jours qu’il était sorti de l’hosto, il me montre ses trous de bastos et tout, malade quoi ! Il en a pris deux sur l’arête du nez qui ont ricochées sur l’os de sa pommette. La vérité ! Clive Hunt, le mec a 63 ans et il se fait encore shooter, pour te dire que le reggae c’est chaud. Et lui c’est un des plus gros producteurs de reggae en Jamaïque.

Slim Smith, les Heptones, Leroy Sibbles… Quand j’ai commencé à chanter, je pensais à eux.

Comment tu passes de ton enfance, adolescence, qui d’après ce que j’ai compris dans tes chansons, n’étaient pas forcément très gaies, à la violence de Pierrot Le Fou, puis a un besoin de changement total, radical ? C’est-à-dire que tu passes du punk à du reggae quand même.

Il te manque peut-être le chainon manquant : la prison et la délinquance. Entre 16 et 19 ans j’y suis allé 3 fois. Cette période-là, c’est une période de vols, de cambriolages… J’ai pris des petits trucs, puis un peu plus long, et c’est à ce moment-là que je vais faire co-cellule avec un guadeloupéen. Moi, j’étais déjà un gros fan de reggae, j’avais beau être un ned-ski j’avais plein de 45 tours chez moi. J’ai découvert le reggae vraiment en Angleterre vers 16 ans. Et ensuite je suis parti aux Antilles. Je suis resté là, j’ai fait des trafics, des machins. Je suis devenu rasta une première fois, la taille, tout la bebar’, pas d’alcool, pas de tabac, pas de viande. Puis après voilà différents styles. Après j’ai fait des rechutes aussi dans le vol là-bas. J’allais taper dans des hôtels aussi pour survivre, c’est pas une vie ça. Après j’ai eu mon premier enfant, et je continuais toujours la musique, faire des sound systems, essayer des maquettes, des trucs. Et puis j’allais faire les 3/8 à Bezons.

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Cette histoire dans les Antilles, c’est un peu une histoire de fou, non ?

Je suis revenu sans payer l’avion ! La première fois que je suis allé là-bas, je suis resté un an et demi, et donc les 6 derniers mois j’avais squatté l’île de la Dominique. Et puis voilà, un jour les keufs m’ont contrôlé sur la route, ça faisait 4 mois que mon visa était dépassé. Donc ils m’ont foutu dans la Jeep et dans un bateau pour la Martinique. En Martinique je suis allé roder près de l’aéroport. À l’époque c’était facile. Je passais le grillage. T’avais pas comme maintenant l’espèce de tuyau qui t’amène à l’avion, tu marchais sur la piste. Je vois des gens, c’était Nouvelles Frontières. Arrivé à Bruxelles, il y avait un bus pour l’école militaire à Paname et je suis arrivé là, en sandalettes, avec une barbe comme ça, cramé !

Ta voix a beaucoup changé dans tes albums, tu es passé de quelque chose d’assez vaporeux à un style plus brut.

C’est ma vraie voix, quoi. Quand je chantais dans mes premiers sound system, dans les premiers disques… franchement je me trouvais trop aigu et c’est vrai que je me suis efforcé de travailler ça. Et je préfère. Parce que je suis moins éloigné du truc. C’est là que tu apprends ce que me disait un bassiste hier :  « Non, moi je ne peux pas le faire parce que je ne pourrais pas le jouer sur scène ». Si tu chantes des trucs que tu ne peux pas chanter sur scène, il faut éviter. Quand tu écris la chanson, après tu y penses : les trucs avec trop de mots, durs à dire…. Même si j’ai ce défaut, ça m’arrive encore d’en avoir mais j’essaie d’éliminer le plus possible ce genre de problèmes. Pour être à l’aise sur scène et reproduire le truc quand même assez fidèlement.

Ce n’est pas lié du tout à la vie que tu menais à l’époque ? Il n’y a pas de changement de personnalité ?

Ma vie était beaucoup plus chaotique à cette époque-là. Slim Smith, chanteur de rocksteady, les Heptones, Leroy Sibbles… C’étaient des mecs qui chantent super haut et moi je kiffe ça. Quand j’ai commencé à chanter évidemment que je pensais à eux.

Après les Victoires de la Musique, je me suis acheté un château.

Quand tu arrives aux Victoires de la musique (il gagnera un prix en 2000 pour sa chanson Maman, ndr), à quoi tu penses ? Est-ce que ça t’a pas fait vriller un peu aussi ?

Ça ne s’est pas fait en 3 jours non plus hein… Si bien sûr comme tout le monde hein ! Personne n’échappe à ça : pognon, succès… Celui qui reste le même, j’y crois pas. Le mec qui dira ça, c’est un menteur.  Moi je me suis acheté un château… C’est vrai ! Je l’ai revendu après.

Tu gardes quels souvenirs de cette époque, de cette euphorie ?

Tu as quand même de bonnes séquelles qui durent jusqu’à aujourd’hui. À l’époque je suis allé au Mexique avec mes enfants. On a tout cramé comme ça, dans des vacances, des trucs. Je me souviens surtout de ça. Des trucs avec les enfants. Comme tous les couillons qui gagnent de l’argent, tu t’achètes une belle maison, une voiture et puis tu fais kiffer tes enfants si t’en as, voila.

C’est marrant parce que ton morceau Je sais pas jouer, qui était quand même assez moqueur vis-à-vis des labels et de la manière dont ça marchait, est un des titres qui a le plus fonctionné.

Ça ne les dérange pas eux… Si ça marche, bah c’est encore mieux ! Mais dis-toi qu’au début personne n’en voulait, hein. J’avais fait « Jamaïcan Ride » avant et je faisais beaucoup de concerts. Et donc il y avait beaucoup de bouche-à-oreille, les médias commençaient à… tu vois ? C’est pour ça, ils l’ont envoyée aux radios, et les mecs ont dit non. Et un jour c’est un autre titre, Pierpoljak, qui est rentré sur Skyrock. Parce que les gens la réclamaient. C’était pas encore les grosses messageries de maintenant, mais tu vois, ils envoyaient des trucs en disant qu’ils voulaient entendre la chanson Pierpoljak. Ça tombait bien c’était le nom du chanteur aussi ! Et là, ils ont dit :« ouais elle est bien et tout, mais faudrait faire un remix ». « Allo ? Clive ? Remix ! ». Et donc après, t’as la version radio remix que t’as entendue à la radio. Qui n’est pas la même. En plus elle est pas terrible la version du skeud… Celle-là, je l’ai faite vraiment sur un bout de papier vite-fait, parce que la musique elle était trop bad. Et je l’avais gardé quand même. C’est Sly & Robbie à la musique. Et je me disais : « Putain mais ce rythme est trop bad faut que je fasse un truc dessus ». Et Clive Hunt, c’est mon mentor.

Les brouilles avec Barclay, ça t’a fermé des portes ?

Ça s’est très bien passé, Barclay. J’ai passé 14 ans chez eux. On est parti bons amis, ils m’ont même fait un bon chèque de départ non recouvrable, non imposable. On s’est jamais embrouillés en fait. J’ai fait au moins sept albums là-bas. Quand t’en fais un qui commence à moins marcher, celui d’après il marche encore moins et celui d’après encore moins…Donc là on arrive à « Légendaire sérénade ». T’es en fin de contrat, les mecs te disent : « Bon, Pierrot, ça fait 15 ans qu’on est là et il va peut-être falloir se dire bye-bye ». Et ça s’est passé comme ça. Mais moi je suis cool, j’ai des supers rapports avec tout le monde là-bas. Jamais embrouillé ! Je ne suis pas parti fâché.

Le nouveau sort quand même en autoproduction, tu es content de cette formule ?

On a monté notre label et on a signé la licence avec Verycords, qui brasse quand même. Je suis très content. Ça se passe bien. Je ne vais pas cracher dans les majors, je suis pas dans ce genre-là. Ils ont une puissance de feu abominable, mais c’est pas parce que tu signes là que ça va marcher. Chez Barclay, par exemple je vais te dire les noms des mecs qui ont signé depuis 3 ans, t’en connais pas un seul ! Peut-être à par un qui est passé un peu mais les deux autres t’en as jamais entendu parler. Donc ça c’est la vérité tu vois. Ça veut dire que des fois tu peux être dans une major… Le premier disque que j’ai fait, ils ont dû en vendre peut-être 3000 à tout casser… En 1995, un artiste en développement qui vend 3000, c’est nul ! Moi j’ai eu de la chance de rencontrer Clive. Et en plus le mec qui m’avait fait signer ils l’ont viré 6 mois après, donc j’étais là un peu tout seul, je faisais aucun chiffre. Et comme j’avais à peu près la même gueule que maintenant, avec les cheveux et tout, les mecs se demandaient si c’était du reggae tout ça… Jusqu’au jour où Clive est passé, parce qu’il avait fait Melody Tempo Harmony avec Jimmy Cliff et Bernard Lavilliers… Et les mecs ont dit « Hey Clive alors toi t’es le grand Manitou de la Jamaïque, on a un gars, on sait pas trop ce que c’est. Alors dis-nous si c’est du reggae ». J’te jure ! Tel quel ! iI a écouté la chanson La Musique, avec un sample des Paragons, Owl John et d’autres trucs jamaïcains. Le mec a crié « Alléluia ». Il est parti en scooter depuis Universal – à Panthéon dans le 5ème – jusqu’aux locaux de répétition Hocco à Vitry sur Seine, dans la rue du 113. Pour me voir en vrai ! Il avait un avion le soir mais il avait tenu à me voir, sans que je demande rien. Clive Hunt. Le gros bandit quoi.

Pierpoljak // General Indigo // Verycords
http://pierpoljak.fr/

pochette

7 commentaires

  1. Il affirme qu’il était ned-ski (sic) mais qu’il écoutait quand même du reggae. Bien bien bien, mais le reggae c’est la musique du skin par excellence, en dehors de la oi.

  2. Oui j’allais dire la même chose que Volk; dire ‘qu’on écoute quand même du reggae’ en étant skin, c’est vraiment être à côté de la plaque musicalement… il a quand même pas grand chose à dire le Pierpoljak hein sinon.

  3. Bon, poupine, thierry et le chasseur, vous allez prétendre que ce n’est pas possible d’aimer de la musique qui ne « correspond » pas à votre « style » de vie? Donc, si je résume, l’idée c’est que il faut rester cantonné aux stéréotypes imposés par une société de consommation qui joue toujours plus sur l’image et l’à priori? Et bien, elle est belle là, la culture et l’ouverture d’esprit! Con-tinuez et surtout, ne vous arrêtez pas, car il faut des gens comme vous pour faire rire des gens comme moi!

  4. Hey les deux casse-bonbons Volk et Blandine, si vous ne savez pas lire autrement qu’en diagonale vous n’êtes pas obligés de fatiguer vos contemporains. Le bonhomme a dit « j’étais déjà un gros fan de reggae, j’avais beau être un ned-ski j’avais plein de 45 tours chez moi ». L’idée, c’est qu’il avait beau faire le con dans la rue, il avait quand même et malgré ça un petit chez lui où il avait des disques à écouter. L’opposition n’a rien à voir avec le fait d’écouter du reggae, mais plutôt avec le fait de posséder des disques alors qu’on a une existence de street-fighter. Vos moues blasées et vos suspicions wiki-scientifiques, on s’en tape un peu, le bonhomme est connu dans le microcosme parisien des 80s, depuis Samu92 jusqu’à Peterpan en passant par la bande à F&A. Il y a forcément un peu de telling-story, mais davantage pour les années 90. Correction dans l’interview : Rasneck = Asnays.

  5. cop’ 2 benalla & autres , en zonzon!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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