Fervent amoureux du cinéma et habitué de la Closerie des Lilas, “aristocrate échoué” et jeune auteur du Paris débranché - Arnaud Le Guern consacre aujourd’hui un essai biographique passionnant sur l’homme de l’ombre le plus punk de la Nouvelle Vague: Paul Gégauff. Décrit comme le “Brian Jones de la Nouvelle vague” par Bernadette Lafont, héroïne Chabrolienne des débuts, le scénariste, écrivain et dialoguiste est aujourd’hui mis à nu dans « Paul Gégauff une âme damnée ». Un récit ô combien admirable.

19_49-paul-gegauffC’était un salaud et un dandy lumineux, un séducteur et un scélérat, un romancier dilettante qui avait tapé dans l’oeil du hussard Nimier, un anarchiste de droite piqué de cinéma, une belle gueule de la Nouvelle vague qui crachait sur Truffaut, inspirait Rhomer, écrivait pour Chabrol…
“Jusqu’à 33 ans Paul Gégauff n’a pas fait grande chose de sa vie”, raconte Arnaud Le Guern. “Comme Jésus” ricanait l’intéressé. Né en 1922 à Blotzheim en Alsace, près de Mulhouse, Gégauff est un fils de famille désœuvré de naissance. Son père est un flambeur désabusé. Sa mère le couve. Paul lui n’a aucune envie de reprendre les rênes de l’entreprise textile familiale. Jouer au petit capitaine d’industrie alsaco comme grand-papa ou au glandeur fin de race comme papa ne l’amuse pas. Il rêve d’ailleurs. Paris bien sûr. Mai 1940, la drôle de guerre n’en est plus une. La “Blitzkrieg”, va lui offrir un billet sans retour. En fait de mains dans les poches crevées de son paletot, maman Gégauff, qui a du bien, embarque fiston dans un train direction Saint-Tropez pour lui éviter de chanter le  “Horst Wessel Lied” en culotte courte avec les Hitlerjügend de tonton Adolf. Bonne idée. Paul n’ira pas se faire trouer la peau sur le front de l’Est comme des dizaines de milliers de jeunes alsaciens enrôlés de force dans la Wermacht ou les SS. Pas son style, la tenue Feldgrau.

Le jeune Gégauff biche déjà la sape et les belles nanas.

A Saint-Trop, la guerre est douce, les filles se laissent reluquer, mais le farniente l’ennuie. A 18 ans, il écrit un premier roman vaguement antisémite: Burlesque. Mais n’est pas Céline qui veut. L’encre à peine sèche, direction le tout Paris occupé, le Fouquet’s et le Lutetia où il croise sans complexes le littérateur fasciste Brasillach, l’écrivain trouble Maurice Sachs, l’acteur Raimu, et beaucoup d’allemands. “Il tâte du marché noir, file jusqu’à Saint-Malo pour acheter de la viande qu’il ramène en fraude. Du sang suinte de sa valise, il se fait piquer, se défend en Teuton, évite la prison en rappelant son origine alsacienne” ellipse Le Guern. Fils de famille, pas résistant ni collabo, un peu voyou déjà. A la Libération, il s’agit quand même de reprendre des études : en bon bourgeois décadent, ce sera du droit et la corpo qui va avec. Celle où plus tard, un certain Jean-Marie Le Pen perdra un œil en faisant le coup de poing contre les communistes. Gégauff y rencontre Chabrol et Rohmer. Ecoute Wagner, va swinguer sur l’orchestre de Boris Vian au Tabou, publie un autre roman en 1951,  Les Mauvais Plaisants, aux Editions Minuit. Le Figaro salue son style vif. A la sortie du Toit des autres en 1952, Roger Nimier salue les qualités de Gégauff : “le cynisme, le sens de la drôlerie, la pensée qui saute d’un mot à l’autre comme une puce”. Mais la littérature ne paie pas les virées alcoolisées et les petites pépés à Saint-Germain. Lui qui ne sait rien faire et ne veut rien faire, va au cinéma. Le ciné-club l’ennuie, exception faite de Renoir, Audiard et Cecil B De Mille. Qu’à cela ne tienne il fera l’acteur pour son pote Rohmer qui kiffe sa gueule de playboy autant que son insolence. Le premier court-métrage qu’il tourne avec le “grand Momo” lui va comme un gant : Journal d’un Scélérat. “Je suis un écrivain François, un écrivain qui ne croit plus à la littérature et qui va chercher un salaire sur grand écran, écrira-t-il plus tard à Truffaut. La Nouvelle vague est en train se former. Elle va déferler avec Les 400 coups de Truffaut (1959).

Gégauff y participe à l’insu de son plein gré. Il ne lit pas “Les Cahiers”, se fout éperdument de révolutionner le cinéma. La Nouvelle vague ? Un mouvement attrape-tout” selon lui, un pétard mouillé sur le gâteau d’anniversaire, un héritage superficiel. Gégauff est malin. Il se place tout en moquant l’œuvre des Jeunes Turcs  ni jeunes ni turcs” du septième art.

Paul Gégauff_1

Chez Rohmer, il inspire Pierre dans le Signe du lion, Guillaume dans La Carrière de Suzanne, Adrien dans la Collectionneuse, Jérôme dans Le Genou de Claire et Henri dans Pauline à la plage. Chez Godard, il inspire le personnage de Michel Poiccard dans A bout de souffle. Bon, très bien. Mais Paul Gégauff critique, insulte, se heurte, se moque ouvertement. Jugez sa fulgurance lorsqu’il parle d’Eric Rhomer, qu’il surnomme le “Dostoïevski de Lausanne”: “Qui était le grand Momo? Une pourriture, on peut le dire. Il adorait racoler des nénettes pour leur raconter des histoires cochonnes. Il s’énervait souvent contre les négros et les chinetoques. En même temps, il était d’une grande intelligence. C’est sans doute le seul être que j’aie profondément respecté même s’il vivait comme un ascète dans une chambre de bonne”. Et le mauvais coucheur de poursuivre en allumant Godard : “Vivre sa vie”, c’est flagrant, si on décortique, c’est un vieux roman de Françis Carco avec une bonne pute qui se fait buter à la fin”. La manière et le style destroy. Un punk avant l’heure ce Gégauff. Sa définition du septième art ? “Le cinéma doit être un glacial reflet de la vie”. Pour lui Godard, Rohmer et Rivette sont de pauvres “obsédés sexuels” frustrés, petits grivois excités par les mollets dodus des fillettes en jupette du jardin des Plantes. Gégauff moque Godard qui bande pour Anna Karina mais qui bégaye quand il s’agit de la séduire : Jean-Luc était toujours épris des plus stupides midinettes, il leur faisait livrer des fleurs et des chocolats alors qu’elles rêvaient de caresses. Truffaut ? Les deux hommes se détestent cordialement. Tu n’existes pas François, tu t’excites, tu t’énerves, tu trépignes sur place mais tu n’existes pas lui écrit-il. Gégauff est méchant, injurieux, mais le tombeur de filles fascine les binoclards des Cahiers et de Positif, qui en loucedé le traitent “d’alcoolique”, de “sadique”, de “salaud dégeulasse” avec le “Requiem pour un con” de Gainsbourg en toile sonore.

Arnaud Le Guern en convient: “Plus que jamais, Gégauff est un facho, un misogyne, un salaud”. Spectateurs, on peut détester sa pathétique méchanceté comme on peut rendre un culte au dialoguiste sadique dans des films mémorables, parmi lesquels Docteur Popaul ou les Cousins. On l’aime rien que pour ces mots qu’il met dans la bouche de Belmondo : “La beauté morale tu ne la trouves que chez les moches, c’est un des grands paradoxe de l’humanité” (Docteur Popaul). Ou quand il fait dire à Jean Yanne : “Eh bien ce ragout est tout simplement dégueulasse” (La bête qui meure). Exit les bonnes manières et les coquetteries. Paul Gégauff se voit mais surtout s’écoute. La construction de ses histoires tout comme l’écriture de ses dialogues relèvent d’une maîtrise rarement égalée par les gentils toutous accrochés aux espadrilles des Jacques Demy & Cie.

Mais l’habit fait le dandy autant que les mots.

Le corps svelte et musclé, l’iris bleu azur et les dents blanches, le bronzage lissé et l’allure racée. Presque trop beau, trop parfait, trop mufle pour les donzelles du quartier latin qui rêvent de s’encanailler dans ses draps. Paul Gégauff est un “libertin du XVIIIème siècle” dira de lui Jérôme Lindon. Mais il est de la Nouvelle vague quand ça l’arrange. Il s’entend avec Chabrol, à qui il donne les scénarios et dialogues de ses premiers films, Les Cousins en 1959 et Les Bonnes Femmes en 1960. Deux chefs-d’œuvre Gégauvien. Si le duo frappe juste, c’est parce qu’ils s’appuient sur leurs souvenirs de leurs années étudiantes à la “corpo” dont ils restituent les comportements provocateurs dans des films jugés trop en avance sur l’évolution des valeurs morales. Ils préfigurent les farces de Jean-Pierre Mocky et Bertrand Blier dans l’esprit d’Hara-Kiri. D’où les contresens commis à l’époque par la critique, qui a une lecture politique : Les Bonnes Femmes  est jugé misogyne, Les Cousins complaisant avec ses nazis de carnaval. Chabrol et Gégauff s’amusent comme des fous, au point de s’installer ensemble dans l’appartement du premier à Neuilly.

paul-gegauff-arnaud-leguernSire en chemise bariolée, séducteur décadent aux faux airs de Jay Gatsby, Gégauff connaît donc à l’orée de ses 40 ans une carrière émérite auprès des brillants imposteurs qui ont fait la Nouvelle vague en dix films seulement. Claude Chabrol qu’il appelle « le dormeur », René Clément, Eric Rohmer Aka le Grand Momo… Jusque là, il n’avait pas fait grand chose, comme nous raconte Arnaud Le Guern. Dans un long entretien réalisé par André S. Labarthe et Jean Eustache en 1968, Paul Gégauff explique: “Je ne me suis jamais intéressé à rien, je n’ai jamais rien fait, du moins rien qui vaille, avant le cinéma”. Mai 68 justement hérisse celui qui se dit fasciste pour emmerder les curés de gauche : “j’ai le plus grand mépris pour les mouvements qui avortent et comme je suis un peu un anarchiste de luxe, je n’aime pas beaucoup que les autres le soit”, dit-il à Radio Luxembourg qui l’interroge sur les “évènements”. Gégauff n’est d’aucun parti, à part le sien.

Au début des années 70, la Nouvelle vague s’est échouée et l’acteur graphomane est dégoûté du cinéma et des seconds rôles. Il picole et son couple avec Danièle, rencontrée en 1961 sur le tournage des Godelureaux de Chabrol, bat de l’aile. Elle s’en va avec un producteur, il veut qu’elle revienne. Elle ne revient pas. Gégauff se remarie par dépit avec une anglaise. Chabrol tourne Une Partie De Plaisir écrit par Gégauff qui raconte sa tentative de reconquête de la femme de sa vie. Paul et Danièle jouent leurs propres rôles. Le film est massacré par la critique, exécuté par Positif : “Gégauff a une tête de Claude François vieilli, il est coquet comme une fille, il a toujours l’air de sortir de chez le coiffeur, il porte des costumes de minet ringard…”Gégauff ne va plus au cinéma, crève de revoir Danièle, boit et drague encore et encore. 1978, Danièle ne reviendra pas, Chabrol s’est éloigné et les producteurs ne veulent plus de lui. Mais un soir, Arielle Dombasle lui présente Coco, une jeune et jolie métisse de père réunionnais et de mère norvégienne qui a joué son premier rôle dans Pauline à la plage de Rohmer. Elle lui dit “tu es trop vieux et je suis trop jeune”. Il la met dans son lit et l’épouse. Mais quand il lui parle de Beethoven, elle lui répond Bertignac et Téléphone. Veut le traîner au Palace… Et l’alcool est plus fort. Elle boit trop, comme Paul. Tout cela finira mal. Point final à la trajectoire du dandy polymorphe, Gégauff est poignardé de trois coups de couteau par sa toute jeune femme norvégienne le jour de Noël 1983. Coco n’en pouvait plus de ce vieux beau qui avait l’alcool mauvais et voulait se taper sa mère, qui ricanait “j’en ai assez d’être aimé pour moi-même, j’aimerais qu’on m’aime pour mon argent”. Sa dernière réplique vacharde à celle qui le surine est un épilogue parfait au film de sa vie : “Tue moi si tu veux, mais arrête de m’emmerder”.

Aujourd’hui, qui se souvient de lui ? Qui peut mettre un nom sur cette belle gueule qui nous dit vaguement quelque chose ? Gégauff est un maudit, un perdant magnifique du cinéma français. Alors comment faire mémoire et aller contre l’oubli pour rendre justice à son talent de branleur mondain ? Dans Une Âme Damnée, Arnaud Le Guern reconnaît que le personnage est insaisissable : “Je n’écris pas sur Gégauff, je braconne autour de sa silhouette, de ses mots. De la Norvège à chez Castel, de Saint-Tropez à la banlieue Ouest de Paris, de Tahiti à la fin de la Terre, de Trouville aux terrasses du XIVème arrondissement je fais entendre sa voix”. Impossible d’enfermer le personnage dans une biographie, c’est entendu. Mais Gégauff avait peut-être écrit sa épitaphe dans Une Partie De Plaisir, faisant dire à Paul, son propre personnage : “J’aime la transcendance, ce moment où le dernier des médiocres devient un Dieu”.

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Arnaud le Guern s’est pris de passion pour Gégauff. Tant pour la personnalité borderline de ce franc-tireur oublié de la Nouvelle vague que pour son génie dilettante devant et derrière la caméra. Flamboyance, excès, frasques… Il raconte la trajectoire de ce damné du cinéma français.

Gégauff était-il un homme heureux?

Arnaud Le Guern : Il était heureux, il était triste, il était en colère, il était mélancolique, il était fatigué, il était flamboyant, il était exaspérant : selon les saisons, selon ses envies. Disons que, plutôt qu’à une chanson de William Sheller, Gégauff me ferait penser aux Paradis perdus ou à la Dolce vita, chantées par Christophe.

Quelle a été son influence aux côtés d’autres auteurs comme Jean-Louis Richard ou Marcel Moussy ? Existe-t-il une  « touche«  Paul Gégauff?

Arnaud Le Guern : Comme Marcel Moussy [qui a écrit Les 400 Coups et Tirez sur le pianiste pour Truffaut], Paul Gégauff est un écrivain. Avant le cinéma, pour lui, il y a la littérature : quatre romans publiés aux Editions de Minuit et salués, entre autres, par Roger Nimier, Georges Bataille, Alexandre Astruc. Parmi ces romans, un chef d’oeuvre, qu’il faudrait rééditer: Le Toit des autres, en 1952. La Gegauff’s touch, justement, c’est la certitude qu’une histoire, même filmée, doit être écrite par les seuls qui sachent le faire : les hommes de plume. En ce sens, il n’est pas du tout « Nouvelle vague » et « Politique des auteurs », même s’il leur a donné ses lettres foutraques de noblesse. Lors d’une conversation arrosée avec Jean Eustache, Gégauff a dit : « Il faut montrer les choses dans tout leur ennui, dans toute leur froideur. Ou alors, on fait autre chose. » Dans Les Cousins, Les Godelureaux, Les Bonnes femmes ou Les Biches, films qu’il a scénarisés et dialogués, on retrouve cette approche.

Quels rapports nouait-il avec ses « employeurs« , les réalisateurs pour lesquels il travaillait?

Arnaud Le Guern : Le plus souvent, il méprisait les réalisateurs : sa manière à lui de ne pas se laisser emmerder, de n’en faire qu’à sa fête. Il les méprisait moins, toutefois, que les producteurs. Le seul intérêt du producteur, pour Gégauff : le chèque signé qui, selon lui, dépendait de l’épaisseur de la moquette du bureau. Pour le reste, il les jugeait – à raison souvent – incultes, pensant que « quand les producteurs ont commencé à lire les scénarios, ils ont fait faillite. »

Dans ton livre, tu évoques son mépris pour François Truffaut et plus généralement celui des femmes, qu’il laisse aussi deviner dans les Bonnes Femmes. Etait-il un vrai misanthrope?

Arnaud Le Guern : Ne pas oublier que Le Mépris, c’est avant tout Godard (à partir, il est vrai, d’un scénario original de Truffaut). Godard, d’ailleurs, fut très influencé par Gégauff qui, pour un misanthrope, a toujours été très entouré: Rohmer, la bande à Vadim, Ronet, une nuée de jolies filles, Chabrol bien sûr.
Avec Truffaut, il y avait surtout une incompatibilité de caractère. Tous les deux étaient brillants et peu impressionnables: Truffaut protégé par sa timidité froide ; Gégauff au coeur de sa flamboyance et de ses excès. Quant aux femmes, Gégauff ne les méprisait pas, encore moins dans Les Bonnes femmes. Dans un beau papier, à la sortie du film (qui fut en effet très critiqué), Françoise Sagan explique que Gégauff et Chabrol ont montré les femmes, certaines femmes, telles qu’elles étaient. Il n’y a rien d’autres à dire, juste à regarder les personnages que Gégauff a écrit pour Marie Laforêt, Bernadette Lafont, Stéphane Audran, Romy Schneider, Jacqueline Sassard, j’en oublie. Les femmes: de belles apparitions, amoureuses, vénéneuses, attirantes, lointaines …

Qu’en est-il de son côté Hussard anar de droite ?

Arnaud Le Guern : Quand la gauche était à la mode, Gégauff se disait de droite. Il détestait l’encagement idéologique. Ca énervait les amis de Jean-Sol Partre et ça l’éloignait des crétins. Lui, ça le faisait rire. Tout comme ça faisait rire ceux qui trouvaient du style à Gégauff: Nimier, Jacques Laurent, Maurice Ronet. Mais aussi Françoise Sagan et Roger Vailland, peu suspects de fascisme. De la même manière, bien avant les punks ou Alain Pacadis, il se déguisait en officier nazi quand on l’invitait à un « bal de la provocation »: il ne fallait surtout pas la jouer « petit bras ». Une provocation qui marchait bien à en croire la tête des Jean-François Copé, Harlem-Shake Désir et autres Eva Joly-coeur de l’époque …

Le narrateur enseigne à une jeune inconnue prénommée Miss K l’art de vivre à la Gégauff. Est-ce une manière de rappeler à la mémoire des lecteurs la passion du scénariste pour les (très jeunes) femmes?

ALGArnaud Le Guern : Le narrateur n’enseigne rien à Miss K. Il n’y a aucune leçon de vie dans Une âme damnée, diable merci. Ce n’est pas un livre de professeur: c’est une flânerie. Il y a Paul Gégauff, ses joies, sa mélancolie, ses excès, ses oeuvres, sa mort. Et il y a ma quête romanesque pour le retrouver, l’approcher. Dans cette quête, Miss K m’accompagne, tout comme des personnages tels que Roger Vadim, Maurice Ronet et une poignée d’amis précieux. Tous, nous nous retrouvons dans des hôtels classieux, sur des terrasses ensoleillées, en bord de mer. Nous tchinons, nous badinons, nous faisons l’amour. Et c’est ainsi, il me semble, que Gégauff est là, aujourd’hui, très vivant. Je ne voulais surtout pas enfermer Gégauff dans le formol de l’unique nostalgie.

De quels matériaux t’es-tu aidé pour l’écriture de ton livre?

Arnaud Le Guern : J’ai laissé infuser mes souvenirs – de films, de lectures -, j’ai écouté la voix sublime de Danièle Gégauff, j’ai rencontrée Pierre-Théo- fils de Paul – et Coco – sa dernière femme, qui l’a poignardé après une dispute, j’ai lu et relu les poèmes inédits de Gégauff, j’ai passé des nuits dans des bars du XIVe, je me suis baladé, j’ai découpé des articles dans de vieux magazines de cinéma, j’ai passé des étés à ne rien faire sinon bronzer, lire, faire l’amour, boire de bons vins, nager. Les mots étaient là, Une âme damnée aussi.

Comment aimes-tu Paul Gégauff? A-t-il des points de ressemblance avec toi?

Arnaud Le Guern : J’aime Gégauff comme le souvenir très précis d’un art de vivre – petits luxes, style et volupté – que je n’ai pas connu, un art de vivre que, à ma guise, j’essaie – dans les bras de miss K et avec quelques amis précieux, autour d’une bonne table et de bonnes bouteilles – de réinventer. Quant aux points de ressemblance avec Gégauff, le jour où j’aurais écrit Plein Soleil, Le Signe du Lion, Que la bête meure ou Une Partie de plaisir, nous en reparlerons.

Arnaud Le Guern // Paul Gégauff une âme damnée // Editions Pierre-Guillaume de Roux

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