On ne devrait plus avoir à présenter les catalans Limiñanas et Pascal Comelade, qui s'organisent une petite psyché fest des voisins à trois avec "Traité de guitarres triolectiques" (à l'usage des portugaises ensablées). Même si ceux qui ont déjà entendu fuzzer les Limiñanas doivent avoir lesdites portugaises déjà bien débouchées, c'est vrai. Qu'à cela ne tienne, en camí a un nou viatge psicodèlic.

pascalcomelade-liminanasEn fait de présentation, on vous a déjà considérablement mâché le boulot lors d’une chronique publiée ici même il y a « 1 année ago » à l’occasion du précédent album du duo perpignanais, « Costa Blanca« . Et Pascal Comelade est passé faire un tour à plusieurs reprises lui aussi. Inutile d’encore se farcir des « enchantés », d’autant que si j’avais dû vous faire le topo moi-même, je vous aurais brisé les noix avec ma frustration pleurnicharde de n’avoir pu entendre chanter Grace Slick au Matrix en 67, enfoncer le clou avec mon soulagement à peine grandiloquent d’avoir déniché avec les Limiñanas un produit de substitution plus acceptable qu’un médoc générique à la con. Et si Cours Lazare Escarguel sonne moins bien que Fillmore St, là au moins je suis déjà né et à seulement deux heures d’autoroute A9 de la bonne adresse.

Et j’aurais pu continuer cette partition avec de l’ad lib en pagaille, finir par m’épancher sur la difficile condition de bouseux en terre FN et le besoin d’être rassuré comme un enfant abandonné à la naissance au rayon Toto de la FNAC : c’est pas grave petit, il est tout à fait possible de croupir dans la cambrousse et se démerder malgré tout pour bosser avec PJ Harvey et conquérir l’Amérique (ou sans aller si loin, un studio de France Inter). Car en effet ces trois frenchies qui ne la ramènent pas large s’exportent si bien qu’ils agiraient sur Montebourg comme une rafale de tramontane de poppers à 140 km/h. Autant le dire clairement, pour moi cette collaboration Limiñanas Vs Comelade s’annonce à première vue tout aussi excitante qu’une collaboration Marc Dorcel contre (sic) Scarlett Johansson.

« Traité de guitarres triolectiques » est un album presque exclusivement instrumental. Et je dois bien avouer que la première écoute a été dominée par la frustration de ne pas entendre Marie Limiñana égrener ses vers de poésie pop aux relents beat, qui donnent à son groupe cette allure d’Airplane qui se serait gouré à l’atterrissage et aurait confondu la piste du San Francisco Airport avec la rue Gît-le-Cœur à Paris, en pleine invasion beatnik, pour finir sa course dans la barbe épaisse de Ginsberg. La frustration disparaît comme elle est venue grâce à Pascal Comelade qui distribue ses freakeries à tout vent. L’absence de paroles cesse d’être un problème dès lors qu’on réalise être jeté dans ce qui ressemble à la B.O d’un film sauce hallucinée. Pas de texte pour te guider, libre à toi de te faire le scénario comme ça te chante, même si je te recommande chaudement Yesterday Man pour ta scène de baiser sous une lumière orange blafard à la In the mood for love qui menace à tout moment de dégénérer en galoche Yellow Submarine feat. Yoko.

Tout au long de ce disque, effectivement, les portes de le perception s’ouvrent très très grand jusqu’au format cinémascope. De la péloche qui passe du noir et blanc au rainbow braillard titre après titre, quand le tout ne se mélange pas en songe d’une nuit d’éther. Cela dit, pas besoin de s’envoyer son poids en LSD pour s’enquiller des visions qualité blu-ray. Marie disait « je ne suis pas très drogue » sur le premier LP des Limiñanas, et il apparaît bien que la musique elle-même joue le rôle de la substance plus ou moins licite. Une cuillère suffit, ce n’est pas la peine d’en rajouter.

pascal-comelade-liminanas-2015

Ça commence très fort avec un rythme de batterie pied lourd au plancher à la Spencer Dryden sur Stella Star, un morceau qui aurait fait un bon générique de fin si les frères Coen avaient décidé de tourner un film intitulé « Inside Signe Anderson ». Autre exemple, le titre Green Fuzz évoque un Emir Kusturica en plein désert du Nevada, une histoire de gens du voyage attirés par le foutoir de caravanes du Burning Man. Et que dire alors du magnifique (They call me) Black Sabata ? Comme si Rohmer revenait d’entre les morts en pleine déchire lysergique filmer un remake de Conte d’été à Argelès-sur-Mer avec Janis Joplin et Neal Cassady en guise d’Amanda Langlet et Melvil Poupaud. Et ainsi de suite pendant trois quarts d’heure et seize scènes sans aucune baisse de régime. Et après des dizaines d’écoutes en boucle je ne sais même plus s’il faut dire Comelade + The Limiñanas ou The Limiñanas + Comelade tant les deux univers jouent si bien la carte pâte à modeler qu’on ne distingue plus qui fait quoi avec qui, à la fin.

Si la discographie de Comelade et des Limiñanas (et inversement) était un trip d’acide ou de quoi que ce soit d’autre, ce « Traité de guitarres triolectiques » serait le high planant, le moment où on s’avachit dans un coin pour se sentir ne faire qu’un avec la voûte céleste les galaxies et autres bricoles extra-terrestres à longs mentons et consonances russes. Et le I’m dead final des Limiñanas revisité en comptine euphorique par Comelade promet de ne pas avoir à penser à descendre de sitôt.

Pascal Comelade + The Limiñanas // Traité de guitarres triolectiques // Because Music

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