Si l'interview d'un groupe n'est certainement pas le sport de combat parfois décrit par des journalistes en mal d'auto-satisfaction, il est aussi très loin de la ballade bucolique qu'on pourrait imaginer. Il arrive que l'instant soit fluide comme la signature d'un chèque par Pierre Bergé. Et parfois, on fait de la merde. Au risque de finir Chocolat.

La plupart des pigistes te le dira : la presse musicale est un monde merveilleux. Un champ des possibles où tout semble impossible, une terre promise dénuée de promesses. Pour faire simple, un monde sans pitié où les tartes se perdent, et une certaine idée de la lose. Mais on s’en branle, car il reste le miel : la rencontre avec les musiciens.

Chocolat, si tu n’as pas suivi, est un groupe québécois qui sévit à Montréal. En 2008, ce « band » de rock (l’entretien que tu t’apprêtes à lire est truffé d’expressions que tu ne comprendras pas, sauf perfusion de sirop d’érable) avait sorti « Piano élégant », un premier album complètement passé sous mon radar. Je l’ai réécouté depuis, évidemment, mais le truc m’est tombé des mains. Pas fondamentalement mauvais, mais un côté « chanson française décalée » genre Bertrand Cantat meets Julien Doré qui ne m’a pas convaincu. Mais alors pas du tout.

Autant dire qu’avec « Tss Tss », le nouvel album du groupe, la surprise de taille. Le seul point commun de cet LP avec le premier? Le nom du groupe. Pour le reste, « Tss Tss » plane à 2000 années lumières du foyer initial, et se révèle assez bluffant. En 30 minutes, la durée idéale pour un album en 2015, le groupe de ces groquicks du Québec délivre un rock qui rappelle pêle-mêle psyché, pop, Tame Impala, Polnareff, Elliot Smith sous Mandrax, Led Zeppelin, etc…Voire la compagnie créole si vous aimez le Boogaloo. Cet enregistrement est fait pour être joué à un volume défiant les limites humaines.

Interviewer un groupe n’a jamais été une sinécure. Je ne suis pas passé par une école de journalisme, fût-elle privée et bas de gamme.

Alors quand je me lance, c’est souvent sans filets. Et c’est ce qui rend à mes yeux l’exercice très spécial, parce que comme toi, je suis un dingue de musique. Le rituel est immuable. D’abord, écouter avec attention les disques du groupe, s’appesantir plus longuement sur sa dernière production, celle qui souvent est prétexte à la rencontre. Se renseigner sur l’artiste en posant des questions à celles et ceux qui le connaissent mieux que moi, creuser ce que Google daigne offrir (puisque Bing est vraiment un moteur de recherche de merde et que la seule référence qu’il trouve, c’est…Google), voire lire péniblement les communiqués bourrés d’adjectifs des attachés de presse, choper des bouquins à droite à gauche (merci la FNAC et le réseau des bibliothèques municipales), prendre des cachets, et dormir.

Vient ensuite le temps de la préparation des questions. L’objectif? Définir une trame pour l’interview, tenter d’aiguiller le groupe vers une histoire, trouver un angle, une sorte de storytelling miniature qui rendra la lecture de l’entretien moins convenue, plus fluide.

Car entre nous, à part l’émission de Pascale Clarke, qui y’a t-il de plus casse-noisettes que la lecture de l’interview d’un énième groupe de rock ?

On se fout souvent de la gueule des footeux pour leur côté pilotage automatique, mais j’ai en mémoire quelques interviews de groupes qui ne valaient pas mieux. Des noms? Les mêmes que ceux auxquels tu penses. Rien de plus normal en vérité, car enchaîner 15 entretiens lors d’une journée promo, c’est inhumain. Les mêmes questions reviennent sans arrêt, et le groupe se répète. Alors quel doit-être le but du petit pigiste? Peut-être obtenir de la part de l’artiste les digressions les plus inattendues. Et donc les seules dignes d’intérêts puisque seules comptent les sorties de route.

Ces préliminaires remplis avec application, je vais enfin pouvoir passer à la suite : l’eargasm. Me voilà paré à affronter l’Apollo Creed du synthé, le Lance Armstrong du solo de guitare. Peu importe l’adversaire, je me sens prêt à capter les brillantes joutes verbales du rocker prépubère ou du reggae man en fin de vie. Ultime préparatif avant de me rendre dans les locaux d’un label ou dans un bar d’hôtel plus ou moins cossu: le matos. Il ne s’agit pas de poser mes couilles sur la table et de prendre des notes sur un carnet Rhodia, mais bel et bien d’enregistrer cette conversation d’anthologie, ce piece of shit que j’espère lingot. Alors je prépare ce matos. Sponsorisé par la marque à la pomme (en bon bobo de mes couilles), je dispose d’un Ipod nano de l’avant-dernière génération, ainsi que d’un Iphone 5 (oui, comme les Beatles je bouffe de l’Apple et je t’emmerde). Plus qu’à appuyer sur Rec, et c’est bon.

L’enregistrement, c’est le nerf de la guerre. Quand ca marche, c’est bien. Quand ça foire, c’est la merde. Avec Chocolat, rien n’a marché comme prévu. Une première plantade de dernière minute par son leader, le charismatique Jimmy Hunt, puis une deuxième plantade monumentale lorsque je me rends compte que mon enregistrement s’est volatilisé lors d’un transfert qui restera comme un mystère à soumettre d’urgence aux frères Bogdanov. Plus qu’à retenter l’affaire, et voir ce que ça allait donner.

GONZAI : Salut Jimmy. Merci à toi pour cette deuxième tentative. Désolé, j’ai été lâché par mon matos et mes rudimentaires techniques d’enregistrement.

JIMMY HUNT : J’espère que je vais être aussi volubile. Parfois, la deuxième fois, on se répète.

Ce deuxième album de Chocolat sort sur le label Born Bad records. C’est quoi l’histoire ?

Je ne connaissais pas beaucoup ce label, c’est d’autres membres du groupe qui m’en ont parlé. Il faut dire que je ne suis pas tellement au courant de l’actualité de la scène garage. Je ne fais pas vraiment parti des musiciens qui suivent les bands (en québecois dans le texte) obscurs ou underground. Je m’intéresse aux plus intéressants qui captent mon oreille un peu par hasard, mais c’est tout. Au Québec, Born Bad, c’est un peu un truc d’initiés. Ysael Pepin (bassiste de Demon’s Claws) et Brian Hildebrand sont amis avec Magnetix et cheveu qui sont sur ce label. J’avais rencontré les mecs de Cheveu ici, à Montréal. Ils étaient venus faire des concert à l’Escogriffe et au Quai des brumes. Des supers shows. Quand on a sorti l’album, on m’a dit que ca pourrait valoir le coup de le sortir en France. On avait ciblé quelques labels, dont Born bad. Alors très simplement, j’ai envoyé un e-mail au boss du label, Jean-Baptiste. Il avait déjà écouté le LP sur The Drone, et il s’est montré tout de suite très intéressé. On a pas eu besoin de se mettre à genoux pour avoir le deal. C’était le fun!

Sur l’album, l’intro de Burn out rappelle furieusement Immigrant song de Led Zeppelin. Une influence lointaine ?

Led Zep, c’est un groupe incontournable. C’est sûrement pas celui de cette époque 70’s que j’ai écouté le plus, mais quiconque fait de la musique qui se rapproche du rock va forcément avoir des plans dans sa musique qui rappellent Led Zep. Mon problème avec ce groupe, c’est Robert Plant. J’ai horreur de son chant. Je suis très sensible aux voix. J’aime les bons groupes de rock mais les voix peuvent me déranger. Peu importe que le type soit un grand chanteur ou non, c’est juste une question de sonorité.

Tu dois ressentir le même truc avec Roger Daltrey des Who, non ?

Exactement! Les Who avec Daltrey, je suis incapable de les écouter. Je dois avoir un problème avec les chanteurs qui ont des boucles blondes. Les blonds sont mieux à la guitare.

En parlant de voix, il paraît que tu es très sensible à celle de Polnareff ?

Ce mec a une super belle voix, c’est vrai. Dans tous ces classiques, Holiday par exemple, on voit qu’il a une gamme incroyable. C’est très impressionnant. Il y a aussi ce classique un peu sixties rock, avec un high pitch. Le titre m’échappe. Il avait aussi de belles compos. C’était un français qui composait comme un anglais, un peu comme Gainsbourg.

Par moment, ta voix rappelle un peu celle de Polnareff. Tu chantes assez haut.

C’est vrai. D’ailleurs on est actuellement en train de travailler sur un autre album, et la voix est encore un octave plus haut. C’est assez dingue, faut que je me pratique. Sur scène, c’est plus dur de pousser haut. Il y a moyen d’atteindre des hautes notes mais avec moins de vent. C’est une habitude à prendre.

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« Tss Tss », c’est votre deuxième LP. La France connaît finalement assez peu Chocolat et je trouve que le disque est très bien accueilli. Vous devez être sacrément excités, non ?

Oui, complètement. Après le 1er album « Piano élégant », on s’était séparés alors qu’on était rendu au même point, celui d’aller faire des shows en Europe. A l’époque, on avait fait pas mal de concerts sur la côte est des Etats-Unis, mais notre but c’était d’aller se promener en Europe. Et on avait déjà suscité un petit intérêt à ce moment-là. Notre musique jouait en Italie, en Espagne, en France aussi un peu..Et on avait un peu raté le coup, puisque le groupe s’était dissous avant que ça se passe. Donc on est content de pouvoir remettre ça. Comme quoi, faut juste être patient.

Mais on est vraiment content de la réception de l’album, car on voulait éviter le cliché des bands qui s’y remettent. Ca peut souvent être décevant, mais nous on le fait sans aucune prétention. On a jamais vu ça comme un classique come-back, on avait envie d’enregistrer ces chansons-là ensemble. Et on l’a fait en se disant : on verra bien. Peu importe.

Entre temps, tu as sorti deux albums solos. Pas trop bizarre de gérer cette double casquette ?

Tu sais, je crois que les projets solos ça sert à prendre des directions un peu différentes. Peut-être pas à prendre plus de risques, mais quand j’ai décidé de faire des trucs seuls, c’est que je ne sentais pas que les musiciens qui m’entouraient avaient envie d’aller dans cette direction là..Et c’est pas forcément facile de trouver des gens avec qui tu as envie de jouer de la musique. Pour mes projets solos, je suis plus allé vers la chanson avec un certain angle pop. Et Chocolat, c’était pas le groupe idéal pour ça.
Ma position est simple : si dans un futur rapproché, j’ai des chansons que je ne crois pas être appropriée pour Chocolat, alors je les ferai seul, en solo. Mais dans les deux cas, c’est un peu pareil. Car si en solo, je me pointe avec des titres qui ont une dimension plus rock avec une énergie brute, je vais tout de suite faire appel à Chocolat. Donc ça dépend vraiment des compositions qui sortent de moi. Je ne fonctionne pas par préférences mais par phases. Présentement, je préfère donner le spectacle de Chocolat que de jouer mes trucs solos. Le principal, c’est de s’amuser.

Le lien entre tes albums solos et les albums de Chocolat, c’est Emmanuel Ethier, qui les a produit et qui a lui-même son groupe, Passwords. Qui est-il?

C’est un connard, mais un connard intelligent. Je l’ai croisé il y a 5 ans, quand il jouait de la guitare sur les shows de Coeur de pirate. On avait chacun en tête de faire quelque chose avec l’autre sans se le dire. On se parlait dans les loges avant les shows. Moi je faisais les premières parties de Coeur de Pirate en solo. De fil en aiguille, on s’est mis à parler de projet commun. Je commençais à bosser sur un album, et il m’a proposé ses services pour jouer de la guitare d’appui ou pour aider à la réalisation de l’album car il a toujours pas mal d’idée à ce niveau-là. On a fini la tournée ensemble, et puis à partir de « Maladie d’amour » (NDLR : le deuxième album solo de Jimmy), il a vraiment collaboré en tant que réalisateur. Quand on a relancé Chocolat, le guitariste original ne vivait plus à Montréal mais à Berlin. C’est donc assez naturellement qu’Emmanuel a pris sa place. Pourtant, dans un band de rock, c’est pas toujours facile d’intégrer un nouveau membre. Un groupe, c’est une meute, avec ses non-dits. Sans être du snobisme, faire de la musique, c’est quand même axé sur une certaine performance, donc il faut que le nouvel arrivant s’imbrique physiquement dans le système. Avant Manu, on avait essayé d’ajouter un membre supplémentaire à plusieurs reprises, mais ça n’était jamais concluant.

C’est la musique qui fait que je me sens à ma place, mais dès que l’attention est ailleurs que sur la musique, comme dans le mainstream, je me sens comme un imposteur.

Physiquement, tu t’es de ton côté bien imbriqué dans Coeur de pirate, puisqu’on te voit danser dans un clip. La tête de julien Doré est imbriquée sur ton corps, c’est ça?

Je ne sais pas vraiment si j’étais imbriqué ou si j’ai joué le rôle le temps qu’il fallait. J’étais pas forcément à l’aise dans cette performance là de duo avec Coeur de pirate, mais c’était drôle. Et elle est bien sympathique. Après, c’est un univers de star-system, une plus grosse machine, et je me suis toujours senti off dans ces situations-là. D’ailleurs même dans ma carrière solo, quand j’ai eu un peu plus de visibilité en chantant un genre de succès populaire, j’étais pas tout à fait à l’aise avec ça. Mon truc, c’est vraiment la musique. Le reste…

Tu faisais donc les premières parties de Coeur de pirate quand tu étais en solo. Pas trop étrange de se retrouver devant un public qui n’est pas du tout là pour toi et qui n’en a rien à faire?

Ca s’est bien passé. A ce moment là je jouais mon premier album qui était très influencé par le folk et la chanson française. Je venais d’une scène rock, où je jouais dans des bars, et là, je me pointais dans une salle avec un public assis qui écoute. Je n’étais pas du tout à l’aise avec le silence ambiant, du coup entre chaque morceau, il fallait que je dise un paquet de conneries. Je passais des mecs super bourrés des bars à des mecs hyper attentifs. Et ce silence là, c’était comme un mur de bruit. Super bizarre. J’ai dû m’adapter, mais ma musique faisait alors en sorte que je pouvais me faufiler dans ce milieu-là. Mais pas en étant à l’aise. Je préfère être avec un band sur scène. On interprète, on improvise un peu, et c’est la musique qui justifie notre présence sur la scène, pas notre look, notre attitude, ou notre coolness. C’est la musique qui fait que je me sens à ma place, mais dès que l’attention est ailleurs que sur la musique, ce qui arrive un peu dans le mainstream, je me sens comme un imposteur.

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Avais-tu vu Dig, le film sur les déjantés Brian Jonestown Massacre et les Dandy Warhols?

Oui, et c’était bien marrant ce truc.

[Suite à un nouvel incident technique, je lui précise que j’enregistre l’interview en direct de ma salle de bain. S’ensuit une longue digression sur les différences ahurissantes de loyer entre Montréal et Paris]

Avec Chocolat, vous avez fait un film bien rock’n’roll sur votre première tournée. Ca avait l’air d’être un sacré bordel votre affaire.

On s’amusait beaucoup. En général, ça passait bien et parfois, il y a eu de la casse. On faisait la fête avant, pendant, et après le show, et parfois ça s’étirait. En général, c’était pas pour faire chier, mais à un moment, ça a fait chier du monde. Dans le film dont tu parles, on était aux Îles de la Madeleine. C’est un coin dans l’océan Atlantique qui fait parti du Québec, mais à trois ou quatre heures des côtes en bateau. C’est un milieu insulaire qui a sa fierté, et ils ont pas vraiment apprécier notre comportement, alors ils nous ont foutu en dehors de l’auberge. Puis ils ont annulé nos deux concerts. Le film tourne un peu autour de ça. Mais on n’avait rien prémédité, et tout avait été filmé live on the spot! Il n’y avait aucune mise en scène. Un pote avait emmener sa caméra pour travailler sur un clip pour une des chansons de l’album. Il a commencé à filmer le début de soirée, nous on délirait, on buvait du whisky, et c’était de pire en pire…Et lui continuait à filmer.

Notre prochain groupe, on le nommera peut-être MILF.

Pourquoi Chocolat? Ca ne sonne pas très rock.

C’est pas très clair. On met des idées sur la table et on avait une idée de nom du genre « Des fleurs et du chocolat ». Finalement on a juste gardé Chocolat parce que c’était plus simple. On s’est rendu compte plus tard que c’était plus ou moins une bonne idée concernant la recherche sur internet. Google envoie direct sur le film de Johnny Depp, ou sur des chocolateries… Notre prochain groupe, on le nommera peut-être MILF.

On se fout un peu des étiquettes mais votre musique brasse large, de la psyché en passant par des éléments beaucoup plus pop, plus aériens. Comment définirais-tu ta musique auprès de quelqu’un qui ne l’a jamais écouté?

Je crois qu’il faut faire l’effort d’essayer de définir sa musique même si parfois, c’est embarrassant. J’avais une idée précise au départ, mais notre musique glisse un petit peu avec l’addition des autres membres du groupe. Mon background est assez large. J’ai écouté de la musique très jeune. A 3 ans, j’étais fasciné par Ennio Morricone de façon assez bizarre. Mes parents avaient peu de disques, mais surtout de la musique de films. Je les écoutais en boucle. Adolescent, j’ai découvert le punk, le punk français, Bérurier noir notamment. Puis le punk anglais, brit, américain. Les Dead Kennedys, les Ramones, les Sex Pistols, les Stooges, le Velvet. Et en parallèle, grâce à un ami, je me suis intéressé au jazz. J’écoutais du jazz modal, du jazz moderne, be-bop, etc… Je me suis aussi intéressé un peu à la musique classique, puis je suis revenu à nouveau vers les musiques de films.
Aujourd’hui encore, quand je vois un film, je suis obsédé par la trame sonore. Ce qui m’a emmené à m’intéresser par exemple à François de Roubaix, qui commence à refaire surface (sic) chez vous, en France. Un mec qui a marqué une génération. Gainsbourg aussi. Quand on rentre dans son oeuvre, on découvre plein de genres musicaux puisqu’il est allé dans plein de directions : rock, reggae, funk, voire musique électronique avec « L’homme à la tête de chou ». Tout ça pour te dire que quand je compose, je choisis clairement une direction. Pour Chocolat, c’est le rock. On fait une musique plus brute, presque punk. Mais on s’impose des modèles un peu plus complexes, presque jazz. Quand je compose, je fous toujours un ou deux accords de jazz, même dans des morceaux de rock, un peu pour brouiller les pistes. Sans être un gros fan de sa musique, j’ai apprécié de nombreux éléments dans ce que Zappa faisait. Mais on garde un vrai souci de hook, on veut garder une dimension pop et un groove. Parce que tout ce dont je viens de te parler, tu peux le faire sans groove, avec uniquement de l’intellect, et ça c’est chiant! On aime qu’il reste l’élément pop pour que les filles viennent à nos concerts. Ca, c’est l’essentiel.

La chanson québécoise fait-elle partie des musiques que tu as écouté jeune. Un artiste comme Jean-Pierre Ferland par exemple?

J’avais beaucoup aimé son album Jaune, comme pas mal de personnes chez vous puisque Charlotte Gainsbourg en avait repris un titre. Robert Charlebois aussi, sa période hippie de la fin des années soixante est intéressante. Les artistes québecois ne sont certainement pas ceux que j’ai écoutés le plus dans ma vie mais ils ont tous eu une influence à un moment ou à un autre. Vers fin 60 et la décennie 70, il y a eu une belle période ici. Diane Dufresne par exemple avec François Cousineau, et Plamondon qui composait pour elle. Mais dans ce que je fais aujourd’hui, c’est pas eux qui ont laissé la plus grosse trace. Par contre, j’ai l’impression qu’on a pas eu assez de musique avant-gardiste au Québec, mais plutôt des followers, des gens qui sont arrivés dans la vague américaine, dans la vague brit. Peut-être parce qu’on est pas très nombreux au Québec, vers les 6-7 millions. Mais il y a des mecs qui font des choses intéressantes aujourd’hui. Fred Fortin par exemple, qui enregistre lui-même ses albums solos. Jean Leloup aussi, quand j’étais ado. Mais mes influences viennent beaucoup plus de la musique américaine ou française. Et britannique.

https://youtu.be/4Pyyp44RB50

Vous n’êtes peut-être pas hyper nombreux, mais vu de France, Montréal est synonyme de scène rock. C’est un mythe ou ça existe vraiment?

Il s’y passe quelque chose, c’est sûr. T’as une convergence avec New-York, la culture française, les Anglais qui se sont établis ici, la côte est des States qui n’est pas loin… Dans toutes les familles, tu trouvais un joueur de violon ou d’orgue. La religion catholique est aussi implantée, donc tu as les orgues d’église, les chorales… Il y a donc beaucoup de musique au Québec et Montréal est la plus grosse ville, donc tout ça y converge assez naturellement. Il y a une scène mais faut pas l’exagérer : il y a quelques temps, un journaliste de Time magazine avait parlé du son de Montréal. Il avait fait tout un plat avec ça, et pas mal de gens se sont rués sur Montréal pour trouver ce fameux son. Et puis il y a eu un genre de déception, comme si il avait mis le monde sur une fausse piste, en mettant en avant les groupes anglophones et en occultant complètement les groupes francophones. En plus, dans les groupes anglophones qu’il nommait, il n’y en avait pas des masses qui étaient vraiment géniaux, donc ça a créé une mini déception. C’est dommage, car la ville est très vivante au niveau de la musique.

On vous voit quand en France?

En mai. On sera notamment à Tours, à Paris pour le festival Villette Sonique. Et puis on va aussi tourner en Suisse, en Belgique, etc…On se cale aussi quelques concerts de remplissage car on est arrivé un peu tard dans la vague de booking car l’album est sorti un peu tard.

Des concerts de remplissage?

On a un grand respect pour les gens qui nous reçoivent et c’est souvent des soirées très chouettes, mais c’est pas payant. Le concept en gros c’est : tant qu’à être sur le territoire, on joue. On paye presque pour y aller. Le plaisir, c’est de jouer de la musique.

De toute façon, en 2015, tu ne fais pas de la musique pour gagner de l’argent… si?

Pas vraiment, non. Et d’une manière ou d’une autre, si l’argent se mettait à rentrer massivement, ça briserait quelque chose. L’idéal, c’est le juste milieu. Pouvoir s’habiller, manger, se loger, et surtout s’amuser avec la musique. Voilà la morale de cette histoire!

Chocolat // Tss Tss // Born Bad
https://chocolatmtl.bandcamp.com/

En tournée française au mois de mai

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