J’ai entendu un duo français jouer aux passeurs entre les deux rives du Styx technoïde: Stroboscope sonore, Electro Magnétique, Nomenklatür dés

J’ai entendu un duo français jouer aux passeurs entre les deux rives du Styx technoïde: Stroboscope sonore, Electro Magnétique, Nomenklatür désarticule pour vous son chapitre d’histoire bipolaire.

Le Beat est lourd. Il cogne méchant. J’ai peur des souvenirs de Benny Benassi et de Daddy DJ qui remontent, des clips de party à Ibiza, de cramés à la MDMA pataugeant dans la rave jusqu’au cou.

Je tente de penser à autre chose. Le sens du nom par exemple. Nomenklatura signifiait la liste des privilégiés du bon vieux temps de l’U.R.S.S. Nomenklatür, un duo privilégié ? Lab Insect et Olivier Brucker se sont rencontrés pour la première fois à Berlin en 2000. Une capitale favorable pour l’electro, vécue là-bas dans ses manières les plus ‘’rock’’, en détours sombres et replis expérimentaux.

Pour ce que j’en sais. Le Trésor ou le Schneiders Büro, je n’y ai jamais mis les pieds. Pourtant je ne vais pas divaguer car quelque chose a changé.

Le Beat est toujours là, omniprésent, mais les langues infrabasses sont montées. Elles vibrent et se tendent. Par-dessus, des riffs scandent en modulation grave/aigu, répétés jusqu’à s’évanouir à travers 10.000 filtres. Puis partout ça s’éclaire des déclics de toutes les machines, de l’Indus et du Glitch, souffle, compression, percussion, pistes aspirées et cachets effervescents.

C’est construit comme de la House, grand 8 auditif en rodéo sinusoïdal. Le Beat s’arrête, la mélodie se suspend puis repart plus lourde, plus forte. Nappes synthétiques et vagues d’écumes électroniques se doublent puis cèdent leur place. Les gimmicks huileux qui parviennent au contrepoint se font manger par des bruits stridents, toujours plus tordus et malades. Si la pulsation s’estompe, c’est pour tenter le groove en syncope rouillée.
Le tout sans parler des voix occasionnelles, souvent monstrueuses et difformes. Sur Close to the End, on croirait entendre un chanteur de Death Metal qui parlerait dans son sommeil. Lorsque des sonorités 80’s (Nocturnal Embrace) se tissent en mineur, de plus en plus agressives après l’énième redescente, c’est pour ouvrir des fosses dans la piscine. L’eau s’assombrit.

Puis se trouble. Et leur nom devient clair.

Nomenclature : Classement méthodique de l’ensemble des termes d’une science, technique ou art.

Gift of Ages est une sorte de catalogue des mécaniques sombres. Sur la ligne droite de leurs influences, de Krautrock en New-wave, de Post-punk en EBM, il finit par heurter les contradictions.

Les meilleurs moments naissent de ces frictions entre sons gras de technobeauf et parasites en émanations industrialo répétitives d’electro-binoclarde. Pour vous situer, imaginez une rencontre entre Joshua Eustis, moitié endeuillée de Telefon Tel Aviv (RIP Charles Cooper), et David Guetta, entraîné par l’autre dans une orgie de tranxène.

Au fond ce battement qui s’acharne, ce beat obstiné n’est qu’une dégénérescence en métastase du bon vieux coup de grosse caisse. Alors un synthé presque New-wave, une texture à la limite de Vangelis… Mais jamais tout à fait. Hors du temps, c’est une musique référencée qui noie la référence.
Un organisme en transformation constante, subdivisé par de nouvelles couches, des cellules sorties de nulle part sans tarder à y retourner, oscillant sans cesse entre deux extrêmes sur la corde raide du passé. Cette sphère prise entre deux aimants est un canevas de particules flottantes, coulant puis remontant se dissoudre à la surface du silence.

Bruitismes qui viennent chercher l’atone. Nappes qui guettent les scintillements synthétiques. Sons métalliques, liquides ou spatiaux…

Chacun, probablement soigneusement classé, semble avoir une action subconsciente bien définie : envie de danse, malaise, crane vrillé, apesanteur, visions de foules, d’asphalte.
Toutes ces sensations rencontrées au fil de mes voyages electro, bientôt, je ne saurai plus les analyser.

J’ai croisé ces sonorités avant, mais où ? J’en suis à quelle piste ?

A travers ces clichés d’une esthétique martiale et glacée jusque dans le visuel, les teutons pointent. C’est probablement Berlin qu’on entend dans ce fétichisme de toutes les notes électroniques.

On n’écoute pas cette musique en pensant au temps, dilaté par une progression verticale. De la bonne electro se reconnaît lorsqu’on n’a pas besoin de drogues pour l’apprécier. Devenant elle-même facteur d’ivresse, chaque piste est alors évaluée à son coefficient de défonce. Le cerveau suit la rampe façon locomotive, dans un mouvement qui n’est prétexte qu’à la transe.

On n’a plus qu’à se laisser traverser par la musique- pardon, le principe actif- et la naissance des envies soudaines. Testez ce disque en chaque occasion d’entre 22h54 et 3h22 pour relancer vos soirées, prélude aux obsessions qui occuperont la nuit. Sortir. Jouer à Mario Kart. Boire. Regarder Ulysse 31. Conduire jusqu’en Allemagne. Peut-être même se le repasser une deuxième fois. Avec une fille. Gift of Ages donne envie de se perdre en existence.

http://www.myspace.com/nomenklaturmusic

Nomenklatur // Gift of ages // Elektrofon

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