Au commencement du nouveau NLF3, il y avait une maison de campagne normande, peu d’instruments, des sessions tard dans la soirée, la frousse de la page blanche et l’envie de se réinventer de trois musiciens qui font du « cinéma pour les oreilles » depuis huit ans. En guise de mot d’ordre, au moment de déballer le camion et de brancher les amplis : épurer. Vous n’entendrez pas de cymbale sur ce disque.

NLF3. Valeur sûre de la France qui prend des risques au moment d’appuyer sur record. Quinze ans que ça dure. Quinze ans à éviter les répétitions en jouant des boucles, à se réinventer, à fouiller, chercher, réfléchir, noter des idées… Jusqu’à accoucher d’une « Pink Renaissance ». Chez 99 % des groupes, un mot pareil dans le titre de l’album, c’était tirs à boulets rouges garantis. Ici, c’est le rose qui s’invoque. Avec des explications, lues chez la concurrence, dignes d’un peintre. NLF3 en 2014 ? L’art de la nuance radicale, la spontanéité couchée sur partitions, la surprise du faire simple quand on attendait du cérébral crachant des watts.

C’est que « Beast Me », leur précédent EP, faisait flipper. D’où la surprise de « Pink Renaissance », disque nocturne à écouter en sirotant une tisane coupée au LSD. Pourquoi pareil changement de braquet ? « Beast Me avait un côté très terrien, assez construit, on a eu envie de quelque chose de plus léger, qui s’élevait, d’assez céleste », répond d’une voix douce Nicolas Laureau. Qui évoque le besoin de revenir à un enregistrement à l’ancienne. Exit le contexte urbain qui colle à « Beast Me » et ses collages d’idées, ses structures et ses arrangements complexes, bonjour la campagne. Normande. Avec une idée en tête : élaguer, dépouiller. Après coup, Nicolas est catégorique : « C’est vraiment le disque le plus épuré qu’on ait fait. » En fan des débuts, on valide, on applaudit et on leur demande si, tel les films Dogma, ces fouilleurs de partitions avaient posé des règles avant de commencer. La réponse est oui.

I wanna be your Dogma

D’abord, ne pas dépasser un certain nombre de pistes par morceau, réduire l’instrumentarium, essayer de synthétiser, quitte à jouer différentes parties avec le même instrument. « Enlever le superflu », conclut Nicolas. Son aîné aussi évoque des règles, voire des principes : « Sur chaque disque, j’aime bien me donner et des contraintes – utiliser toujours les mêmes instruments (basse, kalimba) – et utiliser des nouveaux effets », raconte Fabrice, qui assurait aussi l’enregistrement. Chez NLF3, on est dingues d’analogique (et dieu sait que ça s’entend ici), on n’a pas besoin de producteur et on n’est pas là pour se répéter : « C’est ça qui est excitant pour moi, à chaque fois qu’on refait un disque : utiliser les mêmes éléments mais essayer d’aller ailleurs avec ça. En traitant les instruments d’une autre manière », raconte Fabrice, l’homme aux lignes de basse comme des mantras. Quant à Mitch Pires, le batteur, il a tout simplement viré les cymbales pour ne garder qu’une grosse caisse et une caisse claire. La maison de campagne, perdue dans une forêt normande, pouvait enfin résonner.

NLF3-ALBUMRECTOParti pour composer et enregistrer quatre morceaux en quatre jours (Dogma, quand tu nous tiens), ils en sont revenus avec six titres. EP qui s’est transformé en LP ? « Non, on voulait vraiment faire un album, mais on ne pensait pas que juste quatre jours, ça nous emmènerait si loin », explique Nicolas. Qui n’élude pas une certaine frousse, a priori : « On savait pas ce qui allait en sortir, je pense qu’on avait un peu la pétoche de revenir sans rien. » Alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Mitch prend la parole, qu’il a succincte : « Je sais pas, je pense qu’on était content de se retrouver, ça faisait longtemps… La fraîcheur… Je sais pas, c’est venu tout seul. » Il s’est aussi passé qu’ils ont perdu la notion du temps, levant les yeux de leurs instruments pour tomber sur une pendule indiquant 23 h… Au milieu de ça, il y a eu des pauses grillades dans la cheminée et des crêpes au calva, la lumière sourde de la Normandie et rien ni personne pour venir perturber cette épure qui donnait le tempo. Question de maturité ? « La décision d’y aller avec un instrumentarium très resserré, est peut-être due à l’âge », répond Nicolas. Drôle de paradoxe pourtant : ce dernier estime qu’ils ont « renoué avec un truc assez gamin. Tu branches ta guitare dans ton ampli et t’envoie le bousin, quoi. »

N’empêche, une fois en studio pour le mixage, ils se sont demandés s’ils ne pourraient pas ajouter des choses… « Les gars nous disaient ‘non, c’est fini’ », se marre Fabrice. Auditeur, ce que tu entends sur le disque, cette « rondeur qui s’envole », dixit Nicolas, c’est un peu comme si tu avais été assis à côté de la cheminée à les regarder jouer…

Arrivé là, je ne vais pas vous faire la chronique du disque. Juste invoquer Sun Ra et son « Spontaneous Simplicity ». Pas par souci de comparaison (quoi que). Mais parce que ce titre colle parfaitement au nouveau NLF3. J’avais d’abord pensé à conclure sur un bon vieux less is more. Ce qui aurait été complètement insuffisant pour qualifier ce disque en apesanteur.

NLF3 // Three Dances // Prohibited Records
Release party au Point éphémère, jeudi 25 septembre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages