It's All Fucked Up et toutes ces réjouissances arrivent les unes après les autres dans le second roman de Nick Cave, un livre qui annonce son terme dès le titre. Histoire d'un

It’s All Fucked Up et toutes ces réjouissances arrivent les unes après les autres dans le second roman de Nick Cave, un livre qui annonce son terme dès le titre. Histoire d’un inéluctable visionnaire, déjanté, et morbide, mais d’un comique décalé, grimaçant et jubilatoire,  Bunny Monro est mortel, tu es mortel, et Cave va se l’offrir en 336 pages. Combien de temps prendras-tu ami lecteur, pour traquer le lapin ?

Dimension absente des chansons qui, au maximum jouent sur sept minutes de tension, Cave le romancier organise magistralement le lent glissement vers la dérive d’un monde qui perd pied et sert de trame au passage de l’Achéron (en Fiat Punto !) à l’anti-héros dézingué du rockeur australien. Bunny Munro, représentant en produits de beauté, marié, un enfant – Bunny Junior -, est un queutard, érotomane compulsif et lubrique, marqué par les addictions aux drogues dures : sexe, alcools, et plus si affinités.

Vingt ans après Et l’âne vit l’ange (And the Ass Saw the Angel, Le Serpent à plumes), Cave se lâche pour un envoi rageur qui voit son perso en quête de rédemption se faire proprement balader du monde des vivants à celui des morts, par de récurrentes visions pleine de petits lapins (Bunnies) à la foufoune largement ouverte qui l’entraînent dans un voyage à rebours vers… l’origine du monde. Après le suicide inaugural de sa femme Libby, Bunny décide de repartir à l’aventure avec son fils. Lui, le colporteur expert en replâtrage féminin (il vend des produits cosmétiques) comprendra comment et pourquoi il se retrouve dans cet état. Il décryptera vainement le monde qui l’entoure, à la Tv et dans les tabloïds anglais du sud, mais ce ne sera que pour trouver des échos à sa propre névrose : de serial killer en météo foutraque. Et, Bunny, grand fan de Kylie Minogue, rêvera même des plans culs super moites avec Avril Lavigne.

Alors non, la rédemption n’arrivera jamais, laissant son fils tenter d’organiser son univers avec les descriptions fouillées et expertes de l’Encyclopedia Universalis en regardant la nuit à la lueur des gyrophares. Exit Bunny, « qui trouvait le monde trop lourd pour essayer d’être bon … »

Mi-prose de la déjante, mi-morale catholique, Mort de Bunny Monro tient la gageure de prendre le lecteur par la main, sans jamais la lui lâcher, sur 360 pages, pour lui montrer pourquoi il ne suffit pas de plaire pour exister : « Bunny n’est pas un génie, ni un visionnaire, ni un sage, mais il voit tout de suite pourquoi les dames en pincent pour lui. Ce n’est pas le tombeur standard musclé à la mâchoire carrée, ni l’homme à femmes avec la ceinture de smoking, mais il dégage quelque chose, même avec la trombine fracassée par l’alcool, il exerce un charme magnétique qui passe par les plis d’humanité qui se forment au coin de ses yeux quand il sourit, l’arcade sourcilière qui se fronce avec malice et ses joues qui se creusent de fossettes à vous faire péter l’hymen lorsqu’il rit ».

Grande baffe littéraire saluée par Irvine Welsch et Neil Labute, entre le Faulkner de Tandis que j’agonise pour le côté délire d’entre-deux mondes et le Cormac McCarthy de La Route pour le rapport magique père-fils (les moments les plus forts du livre), Cave écrit au poignard dans un cadavre, en montrant bien comment on retourne le couteau dans la plaie.

Nick Cave // La mort de Bunny Monro // Flammarion 336 p., 20€

9 commentaires

  1. Je lis actuellement  » Et l’âne vit l’Ange », on retrouve dans le premier Roman de Nick Cave les évolutions documentés de sa carrière. Nick Cave n’est pas un chanteur ni un Romancier, Nick Cave est ce que l’on appelle, un Sory Teller,à convenir que,  » Rien ne se perd, rien ne se crée, tout part en vrille ».

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