Depuis un an, Nicolas gère l’un des labels les plus secrets et excitants de la scène underground française. Et malgré une situation financière cruelle, le patron du Syndicat des Scorpions compte bien rester fidèle à ses valeurs d’indépendance. Portrait.

Ces mots résonnent encore, comme s’il était impossible de les oublier : « L’industrie du disque est vraiment morte. » La diatribe vient de Nicolas, créateur du label messin Le Syndicat Des Scorpions. Mais dans la bouche du jeune gérant, ce constat n’a pas un goût amer. À vrai dire, Nicolas s’en branle. Il n’a pas lancé le label pour se faire du fric, ni pour en vivre, mais pour « faire tourner les groupes, faire vivre le disque sur scène et laisser une forme d’héritage. » En gros, « Si un mec vient avec un business plan pour son disque, je vais vite lui dire d’aller se faire foutre ! »

7 milliards d’ennemis

À 27 ans, Nicolas (dont vous ne verrez pas le visage) ressemble à n’importe quel jeune homme d’une vingtaine d’années, taille moyenne, un bouc, il fait du vélo et se réjouit de la renaissance culturelle à Metz, avec une nouvelle salle qui vient d’ouvrir et des associations qui font bouger les lignes. Le label, c’est un hobby qu’il fait par passion.  Son (vrai) travail, c’est d’aider des personnes avec un déficit mental et physique très lourd à l’hôpital psychiatrique de Jury, où il rêve de remplacer les médicaments par une forme de musicothérapie. Une solution plus humaine et moins abrutissante.

D’une certaine façon, et même s’il trouve l’expression merdique, Le Syndicat Des Scorpions est avant tout « Une aventure humaine ». Aucune mauvaise rencontre, des gens sympas qui donnent des conseils comme Charles Crost, fondateur du label Turc Mécanique, qui l’a beaucoup aidé au début. Lorsqu’il sort le premier EP de Nina Harker, duo nantais inclassable, un petit engouement se crée autour du groupe. Le vinyle, un 7 pouces à faire tourner en 33 tours, s’écoule rapidement malgré un format excentrique. « C’est la pire façon de presser un vinyle, tu perds de la qualité sonore. On avait 15 minutes de musique et ça ne passait pas si tu le lisais en 45 donc… » Résultat : les 300 exemplaires partent comme des petits pains.

« Born Bad c’est le label que je déteste le plus, je peux pas saquer ce label, c’est une horreur. »

Sortir des disques pour se faire du bien

Mais déjà, il faut s’atteler au prochain projet, un LP de Régis Turner, le disque dont Nicolas est le plus fier, mais qui ne se vend pas aussi bien que Nina Harker. Au bout d’un an, sept sorties et environ 7 000 euros d’investis, les comptes sont dans le rouge et le jeune infirmier pioche dans son salaire pour financer chaque disque. « Si tu crées un label aujourd’hui et que tu penses que tu vas vivre de ça, déjà à la base, c’est débile. Je ne pensais pas perdre autant d’argent non plus, mais j’men tape un peu. » Pourquoi ? « Parce que c’est comme un mec qui possède un abonnement de 200 balles au Spa tous les mois, il fait ça pour son bien. Moi, ça me fait du bien de faire des disques. » La musique comme fer de lance, le Mosellan ne compte pas s’arrêter là. 

Six pieds sous terre

Cette vision de l’underground, Nicolas la défend presque âprement. Très (très) peu de promo, aucune envie de démarcher les sites de musique pour leur « vendre » ses disques et presque aucune interview pour parler du label, des projets ou même de lui. « Vendre un disque de manière commerciale, c’est ce qu’il y a de plus chiant et je ne pense pas être doué pour ça. » Donc rien, ou presque. Il défend l’underground, le vrai, comme Lexi Disques, Indian Redhead, La Souterraine, AB Records, et n’hésites pas a cracher violemment sur Born Bad. Attention. « Born Bad c’est le label que je déteste le plus, je peux pas saquer ce label, c’est une horreur. Tu pourras l’écrire, j’en ai rien à foutre. Ça me fait trop chier dès qu’on parle de labels indépendants, qu’on n’en revienne forcément à Born Bad, alors que c’est tout sauf de l’indépendance. Ok, il a bien commencé et il a fait des trucs cool au début, mais je n’aime plus sa manière de faire, de vouloir faire exploser des groupes underground. Le seul bon disque qu’il a sorti, c’est Usé. Et en plus, je l’entends dire dans la presse que Usé, c’est de la musique chelou, mais que lui, il n’a pas peur de sortir ça. Mais ta gueule, c’est de la musique, c’est tout ! »

Nicolas garde néanmoins une vision à long terme, et veut continuer à sortir des disques, sans donner d’étiquette au label. Le Syndicat Des Scorpions est a son image : un type qui passe aisément d’un groupe obscur signé sur Sarah Records à Darkthrone, qui adore Prefab Sprout et qui peut vous faire écouter Mamman Sani Abdoulaye, un musicien nigérian qui joue de l’orgue. Inclassable, à l’image du label. Et indépendant. Mais à quel prix ?

https://lesyndicatdesscorpions.bandcamp.com/
Dernière sortie en date : « Le chateau » de TG Gondard (digital et vinyle)

Le Château by TG GONDARD

11 commentaires

  1. Le Turc Mécanique c’est le label que je déteste le plus, je peux pas saquer ce label, c’est une horreur. Tu pourras l’écrire, j’en ai rien à foutre. Ça me fait trop chier dès qu’on parle de labels indépendants, qu’on n’en revienne forcément à Le Turc Mécanique, alors que c’est tout sauf de l’indépendance

  2. E.M.I c’est le label que je déteste le plus, et je connais bien j’ai bossé 10ans dedans, je peux pas saquer ce label, c’est une horreur. Tu pourras l’écrire, j’en ai rien à foutre. Ça me fait trop chier dès qu’on parle de labels, qu’on n’en revienne forcément à E.M.I, alors que ça n’a rien voir avec Born Bad.

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