Lorsque j'y repense, je me dis que le mal de crâne, les divers hématomes qui parsèment mon corps, le début de surdité et le décès de mes chaussures neuves, c'est finalement bien peu

Lorsque j’y repense, je me dis que le mal de crâne, les divers hématomes qui parsèment mon corps, le début de surdité et le décès de mes chaussures neuves, c’est finalement bien peu de choses en comparaison de ce que j’ai vécu au Nasty Fest 2009.

Movie Star Junkies, Sonic Chicken 4, Jack Of Heart, Feeling Of Love, Magnetix et compagnie : de quoi en prendre plein la figure, plein des oreilles et plein le foie,  ou comment faire joyeusement chuter son espérance de vie en l’espace de deux jours. Le genre d’évènement dont on ne voudrait jamais voir la fin, le genre de truc qui devrait durer des années. Certes, on n’atteindrait pas la quarantaine, mais qu’est-ce que ça peut faire ? On aurait bien vécu.

Premier soir :

Que Dieu bénisse l’invention du GPS ! A chaque fois c’est la même galère : nous déambulons dans les sombres artères de la zone industrielle de Tournefeuille, chacun y va de son petit avis (« Sur la droite, je le sens bien j’te dis », « Moi, franchement, j’aurais continué tout droit… »), on se fait quelques fausses joies (« Regarde, par là, c’est éclairé ! Ah non merde c’est pas ça. »), on rebrousse chemin,  repassant trois ou quatre fois par les mêmes endroits…  avant d’arriver enfin à l’Usine.  Le frein à main tiré, une vague de paix nous submerge : on a réussi.

Sur place, à peine s’est-on acquitté du prix d’entrée (précisons que ce dernier est dérisoire: même les pauvres ont le droit d’aller voir des concerts, et pour ça on dit merci) que nous nous dirigeons d’un pas déterminé vers le comptoir. Il nous reste certainement une petite heure avant que ne retentissent  les premiers accords d’Hell Shovel.

C’est qui ça, au fait, Hell Shovel ? Jamais entendu parler…

Mais si, tu sais, Jeff de Demon’s Claws, c’est son autre groupe.

Ah ouais, y a moyen que ce soit pas mal alors.

Ne vous méprenez pas ! Faire partie d’un groupe génial  n’est pas forcément gage de qualité pour ses side projects, Hell Shovel nous en aura donné la preuve formelle. Non pas qu’ils aient été si mauvais, mais l’énergie faisait résolument défaut à ce set d’ouverture. Au début, on trouve ça sympa, mais une paire de morceaux passés, on s’ennuie ferme : sur scène, il ne se passe rien. Pas un péquin à l’avant, on observe en retrait et le spectacle n’est pas joyeux : même si le batteur semble avoir envie que la sauce prenne, le guitariste a l’air de s’excuser et Jeff Clarke palabre seul dans son coin, se fichant pas mal de ce qui peut bien se passer autour. Alors bon, on est bien gentil, on reste un petit moment, mais on finit vite par retourner au bar : d’ici on entend le son, et au moins la bière est à portée de main.

Soucieuse de ne pas me laisser abattre par cette petite déception, je me redirige vers la salle alors qu’on annonce Feeling Of Love. Ces gars-là, ça faisait un moment que je les attendais (« Petite tu es un hit » sorti depuis un bon bout de temps et toujours pas vu de live) et je ne suis apparemment pas la seule : on commence à se rapprocher, timidement certes, mais la chose est amorcée. La lumière diminue, c’est parti…

Vous dire exactement quels morceaux ont été joués, dans quel ordre, combien de temps le set a duré ou vous donner toute autre information « pratique » concernant leur prestation m’est juste… impossible. Pour la simple raison que je n’ai pu m’attacher à ce genre de détails formels, préférant de loin me laisser envelopper par l’étrange atmosphère gagnant peu à peu la salle. The Feeling Of Love, avec leur air de ne pas y toucher, leurs chemises bien repassées et leurs pantalons propres, c’est bel et bien l’amour qu’ils jouent. Mais l’amour qui transpire, les fantasmes adolescents qui germent dans les petites culottes, les visages qui s’écrasent sur les trottoirs humides après avoir bu trop de whisky, les passions fiévreuses et malsaines qui font grincer les dents…  Le résultat est là : à ma gauche, un mec commence à se déshabiller, et j’avoue que l’espace d’un instant  j’ai envie de faire pareil. Une musique à la fois sale, hypnotique et résolument aboutie résonne dans la salle.

ANIMALISATION DU PUBLIC : REUSSIE.

Une fumée opaque, conséquence de la multitude de cigarettes et autres joints d’herbe allumés, flotte à présent dans un air de plus en plus lourd.  A en juger par les nombreux verres vides qui jonchent le sol et le comptoir et les beuglements qui surgissent de tous les côtés, je me dis que l’ambiance se réchauffe. Ce n’est qu’un début.

– Bon allez les gars, on remplit les verres et on y retourne !

La dernière fois que j’ai vu Sonic Chicken 4, un peu moins d’un an auparavant,  je me rappelle avoir eu beaucoup de mal à m’en remettre : une petite salle parisienne pleine à craquer, des têtes qui tantôt se balancent gaiement, tantôt se secouent dans des spasmes épileptiques, des applaudissements qui n’en finissent pas, bref, le genre d’expérience sonore à laquelle on aime prendre part. And when the sun goes down, The moon comes up: c’est léger, au premier abord ça peut même paraître un peu limite comme paroles, mais quand c’est Sonic Chicken 4 qui le chante… De ce groupe, il se dégage une fraîcheur à laquelle on ne peut résister, qui vous greffe en une demie seconde un sourire niais au milieu de la figure, sourire dont vous aurez bien du mal à vous défaire.

A la fin du premier morceau, le verdict est sans équivoque : WAOUH (cette onomatopée stupide est tout à fait représentative de l’effet produit par ce premier morceau, je n’aurais pu l’exprimer autrement). La salle est quasi-pleine, on se jette les uns sur les autres dans des hurlements bestiaux, de plus en plus de fesses se découvrent, des gobelets vides fendent l’air au-dessus des têtes avant d’atterrir sur les membres du groupe, qui bien loin d’être perturbés, commencent enfin à se marrer. Les pieds de micro vacillent (et non, rien à voir avec le spectre de Bob Azzam), ça joue avec de plus en plus d’entrain, on tape dans les mains à l’unisson et alors que j’observe les visages autour de moi, je vois qu’ils affichent tous ce fameux sourire. Sonic Chicken 4, ça rend heureux.

ALCOOLISATION DU PUBLIC : REUSSIE.

Au tour de Movie Star Junkies, qui peinent à monter sur scène sans s’effondrer avant que le chanteur ne lance :

– Ca va être dur de jouer après le meilleur groupe du monde… En plus, tout le monde est défoncé.

Joli résumé de la situation. Avant de commencer quoi que ce soit, le groupe prend un moment pour remercier Lo’Spider (Sex Beat Experience) et Nasty Prod : c’est bien grâce à la passion, voire au dévouement de ces gens-là que cette scène musicale peut continuer d’exister et d’avancer. Et après avoir reçu leur ovation, les organisateurs, autant adulés du public que des artistes, donnent le signal de départ.

La bienséance, ça faisait déjà un moment qu’on l’avait reléguée au fond d’un placard, et tout ce qu’on demande maintenant c’est de pouvoir mettre le monde à feu et à sang. Foutre un joyeux bordel quoi.

Ni une ni deux, on retrouve un guitariste en caleçon, un chanteur/organiste ivre mort qui tient debout par on-ne-sait quel procédé miraculeux, un batteur aux cheveux hirsutes dégoulinant de sueur, un bassiste  affichant le sourire béat de celui qui a passé les trois dernières heures à s’en mettre plein le gosier. Et malgré tout ça, Movie Star Junkies jouent et en quelques minutes nous entraînent dans une démence à peine croyable : les fringues s’envolent, la bière ne se boit plus mais se balance à la figure, ça se roule par terre, on rit, on crie, le micro passe de mains en mains et chacun y va de sa petite vocalise.

– Tout le monde est vraiment défoncé !

A peine deux ou trois morceaux que l’orgue s’écroule : qu’à cela ne tienne, on fera ça à même le sol ! Les naturistes grimpent sur scène, le chanteur attrape un tonneau et tape dessus avec rage, puis tambourinant encore,  s’effondre sur la batterie avant de se faire pseudo-sodomiser par ce qui semble être un ami à lui. Des esprits de plus en plus déchaînés, des corps de plus en plus dénudés, une musique de plus en plus sale : ça ressemblerait pas à ça, une orgie moderne ?

Le lendemain, je me réveille dans la chaleur d’un appartement douillet, encore habillée, un filet de bave au coin de la bouche, sans avoir la moindre idée de la façon dont j’y ai atterri. Il est 16h00.

AMNESIE DU PUBLIC : REUSSIE.

Deuxième soir :

Veuillez m’excuser du contenu laconique de cette seconde partie, mais mon état ne me permit hélas pas d’exploiter toutes mes capacités journalistiques.

Les Pavillons Sauvages, c’est de loin la meilleure chose qui puisse exister à Toulouse. Une grande baraque où hippies, skinheads, clodos, quinquagénaires et adolescents pré-pubères, musiciens et groupies se croisent et trinquent dans une ambiance si conviviale qu’elle frôle l’utopie (tout pugilat de fin de soirée arrosée mis de côté). L’entrée est gratuite, seule une grosse boîte de conserve déposée sur une table permet aux cœurs généreux de laisser pièces ou petits billets qui iront par la suite remplir les poches (trouées) des groupes qui se produisent. Au comptoir, on distribue gratuitement des bouchons et on vend de la bière pas chère…

Jack Of Heart ouvrent le bal. Chanteur arborant fièrement la panoplie complète de la pute bon marché (à savoir: bas résille, micro-short en jean négligemment déchiré et breloques scintillantes autour du cou), batteur moulé dans un collant de danse satiné laissant deviner ses attributs, alors que bassiste et guitariste se sont contentés de tenues nettement plus sages. Les joyeux apaches reviennent d’une tournée américaine, et à voir tous ces gens qui s’agglutinent à une vitesse folle près de la scène, on devine que leur retour à la maison est très attendu. Personne ne sera déçu. Un concert de Jack Of Heart réserve toujours de sacrées surprises. Un concert de Jack Of Heart est imprévisible. Tout est susceptible d’être renversé d’une seconde à l’autre et personne ne s’en plaindra. Avides du moindre grognement d’extase de Pierrot l’illuminé, on sait bien que si le set commence dans une certaine maîtrise, ça finira tôt ou tard par prendre une autre dimension : on se fout pas mal d’être accordé ou de faire saigner du tympan, on fait de la musique quoi qu’il advienne. La passion, le génie, ou juste la volonté d’abandonner la réalité terrestre, peu importe ce que c’est… on aime. Les guitares crachent frénétiquement, la foule scande avec véhémence le refrain de Ponytail,  elle s’écarte pour faire place au bassiste transpirant venu jouer à même le sol et applaudit le batteur qui tape ce soir avec une énergie incommensurable.

ZOMBIFICATION DU PUBLIC : REUSSIE.

Quelques souvenirs vaporeux plus loin (« Bah pourquoi ils sont huit sur scène The Fatals? ») et c’est déja l’heure de la prestation finale, celle des Magnetix : la réputation du duo n’est plus à faire. Comme toujours ils sont très bons.

– Hé mec, mais c’est mon verre qu’t’as dans la main là putain ! Rends-moi ça de suite !

Pardonnez ma faiblesse bonnes âmes, mais à ma place, vous n’auriez pu résister plus longtemps à l’attrait de l’ivresse totale et complète.

5h00, le matin : on termine les fûts des Pavillons, il m’est impossible de m’exprimer autrement qu’au moyen des gestes approximatifs et autres onomatopées compréhensibles uniquement des membres de la communauté des épaves ici présente, et j’ai oublié les trois quarts de ma soirée. Alors certes, j’attendrai peut-être pas la quarantaine, mais putain qu’est-ce que j’aurai bien vécu… A quand la prochaine édition?

http://www.nastyprod.com/

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