Dix ans après avoir annoncé sa sortie sur son propre label, Mr Flash lâche finalement son premier album chez Ed Banger et tous les hipsters de France doivent être en train de ressortir leurs sneakers fluo du placard. Mr Flash, c'est surtout l'histoire d'un « nazi de la sincérité » qui a su flairer le bon filon.

Essayons d’abord de cerner le personnage. Né à Aix-en-Provence, Gilles Bousquet n’a pas encore développé son alter ego Mr Flash quand il commence à jouer de la batterie à douze ans. Des années de piano classique et un passage au Conservatoire, puis il découvre les joies de l’analogique et se fait les crocs sur les synthés de son frère, notamment un vieux Roland W30, séquenceur primitif mais suffisant pour lui insuffler l’amour du sampling. Habitué à fouiller dans les bacs de ses vieux depuis tout kid, Gilles n’hésite pas à passer toute sa paye de chef-machino dans des collections de vinyles par centaines. « Des disques pour enfants, du jazz Turc, de la pop chrétienne, des B.O. Thaï et même des disques promo des années soixante-dix sur les vibromasseurs et leurs utilisations ». Le mec remplit littéralement des kilomètres de banques de son sur wax .

En 1997, c’est l’épiphanie : Bousquet quitte son taf’ dans le cinéma pour se lancer sans brassards dans le grand bain de l’industrie du disque. Les quelques années qui suivent verront l’élaboration de son alias smart et lubrique, cheveux bien peignés et moule-bite bien serré, enfin le type dont il est question ici : Mr Flash. En 2001, entre deux prods pour TTC, il monte son propre label, Lust Island, et y édite son premier EP, « Le Voyage Fantastique », au tirage quasi-confidentiel. Déjà, le digger chevronné aime raconter des histoires, figurant la musique comme autant d’images que l’on collerait bout à bout car « tout le monde peut comprendre l’aspect cinématographique de quelque chose ».

Diamants sur galette, rubis sur l’ongle

De la suite dans les idées, Mr Flash s’en va, démo de « Radar Rider » sous le bras, en quête d’un manager susceptible de gérer sa carrière naissante. Or, il se trouve que l’ex-manager du duo le plus marketé de la french touch est justement en train de monter son propre label. Jackpot ! Mr Flash sera la première signature de Pedro Winter sur Ed Banger Records, une rencontre fortuite annonçant les prémices d’une hypesque « french touch 2.0 » diaboliquement rentable. Epinglé à ce propos, l’intéressé se défend : « C’était absolument pas l’appât du gain, sinon j’aurais fait diamantaire à Anvers ! Si j’avais vraiment voulu faire de l’argent, j’aurais fait de la musique à un doigt et j’aurais pas attendu dix ans pour sortir un album ». Certes.

mr-flash-sonic-crusader-ed-bangerParlons-en de cet album qui a enfin vu le pressage après deux fausses couches – un premier « Signal To Noise » avait été annoncé en 2002 et un autre, « Smuggler », en 2008. Tout d’abord, quatre des quinze morceaux qui figurent sur la tracklist de « Sonic Crusader » étaient sortis sur de précédents EPs entre 2006 et aujourd’hui : paye ta redondance discographique. Deuxièmement : bien que j’apprécie les références cinématographiques – De Palma, Audiard, Fritz Lang, Casimir…- je ne suis décidément pas fan de cette ambiance sci-fi eighties type je-mets-des-nappes-saturées-partout qui plombe l’ensemble du disque et dont Mr Flash semble malheureusement avoir fait sa signature. Troisièmement : de bonne foi, j’admets tout de même me dégourdir un peu les hanches quand il se laisse aller à des extravagances boogie funk qui me rappellent qu’à la base, le type a quand même un putain de sens du rythme (Motorcycle Boy, Venus In Furs…).

Rôti de biche et gratin d’endives.

Mais dix ans, c’est quand même un peu long pour accoucher d’un LP, non ? Qu’est-ce qu’il foutait en dehors de ses heures de studio ? Un peu de synchro de pub, pour commencer, et puis entre de ponctuels EPs chez Ed Banger, Gilles s’est adonné au loisir de la production pour autrui. Il signe trois titres de l’album de Mos Def en 2009 (« dont le fabuleux Marvelous Times utilisé pour la campagne d’Obama » sic ses attachés de presse), remixe Kanye West à gauche, arrange la secte en formica de Tellier à droite… Justement, avec « My God Is Blue », il sera encore question de cinématique : « Quand Seb Tellier est venu me voir, j’ai mis ma propre discothèque à disposition et j’ai écrit un scénario sur les morceaux. Comme il y a cinq ou six références par morceau, ça lui permet de comprendre facilement où on va sans avoir à plaquer un seul accord de piano ». Pas sûr que les deux partageaient les mêmes références, si l’on en croit les propos que Tellier tient aux Inrocks concernant l’enregistrement de l’album : « Avec Mr. Flash, on n’aimait pas du tout les mêmes trucs, pas du tout. (…) Lui voulait accompagner un rôti de biche, moi je voulais faire un gratin d’endives ».

« Un truc touchant musicalement ».

Quand il n’est pas occupé à se prendre le chou avec Tellier, le digger fou sélectionne avec application les pépites qui sommeillent dans ses bacs pour en faire des compiles tantôt érotiques, tantôt infernales, et toujours épiques. En 2005 il sort « Monsieur Sexe », anthologie des disques de variété française réservée aux sex shops dans les seventies et bande son espiègle d’un film de paf imaginaire en Indochine. L’année dernière, il fait équipe avec Sacha Di Manolo pour ressusciter des raretés de groupes chrétiens Français des années soixante-dix et quatre-vingt, « un truc touchant musicalement, avec des morceaux super funky ». Étonnamment psychédélique, « Corpus Christi » est un disque à foutre sous le sapin si l’on veut réveiller la jeune fille délurée qui sommeille en mamie.

Toujours fasciné par le pouvoir de l’image sur les hommes, Mr Flash prépare en ce moment même la suite de « Sonic Crusader », plus « parce que c’est de l’ordre de l’exutoire que parce que c’est cool. La musique que j’essaye de faire est une totale projection de ce que je suis et de ce que je vis ». J’attends donc avec impatience le pack live dans la même veine que le « A Cross The Universe » de Justice, fausses tranches de vie vraiment grotesques qui m’ont valu de beaux ricanements il y a six ans.

Mr Flash // Sonic Crusader // Ed Banger
https://soundcloud.com/mr-flash

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