Certains se font chier à perdre deux ans en studio pour accoucher de disques sous-mixés qui sonnent à peine mieux qu’une poêle à frire sur une autoroute, d’autres se battent pour trôner au centre de la photo, et prennent même des cours du soir pour que le buzz soit plus fort sur Facebook que dans les amplis. Et puis il y a FRANCE.

Ceux qui sont déjà partis à la guerre le savent, vos amies sont au nombre de deux : la foi et une arme. Si votre visa vient d’expirer, que vous avez le mal de l’air ou que le drapeau de Daesh ne vous semble plus trop dans l’air du temps, il existe des alternatives. Vous pouvez débuter une cure de jogging en écoutant « White Light White Heat » TRES FORT, résilier votre abonnement à Basse Magazine puis frapper votre femme, déchirer votre carte de membre des Insoumis puis vous engager dans les chœurs de la Légion Etrangère. Vous pouvez aussi, en toute simplicité, acheter le dernier album live de FRANCE, « Metamórfosi », et succomber à ses 30 minutes d’intranquillité qui à elles seules donnent l’impression d’avoir fait le Vietnam avec une grosse paire d’hémorroïdes dans les oreilles.

Transe en France

For your information, France c’est d’abord un pays classé cinquième au rang des puissances économiques mondiales, mais c’est aussi un groupe formé par Yann Gourdon (vieille à roue), Matthieu Tilly (batterie) et Jérémie Sauvage (basse) et qui depuis plus de dix ans donne des acouphènes aux rares bons entendants de l’hexagone. France, c’est aussi à travers Yann Gourdon, le collectif traditionnaliste de La Novia dont il est le fondateur, mais ce sont aussi des disques repressés plusieurs fois (« Do den haag ») sans le soutien d’aucune presse ou presque, et c’est enfin la déclinaison sonique de cette scène du Sacré Graal des Monty Python à laquelle on aurait simplement rajouté la batterie médiévale de Moe Tucker.

Métamorphose figée

Si « Metamórfosi » est la bande-son idéale pour les va-t-en-guerre, c’est parce qu’il est à l’image de la vie : une face A, une face B. La vie se résume à ça de toute manière, un combat contre les nuances. En toute logique, la face B se nomme Face A, et la face B, Face B. Capté le 16 janvier 2015 à l’Olympic Café (Paris) lors de la première édition du Festival Souterraine, ce non-disque reste dans le sillage de « Do den haag », improvisé et évolutif, seulement porté par cette batterie enclume qui donne le LA et permet aux furieux de naviguer entre toutes les étiquettes (drone, psyché, folk) puis d’imiter le groove lent des nuages (la pochette…), à la fois immobiles et pourtant toujours en mouvement. Le drone de FRANCE, s’il doit se résumer, est donc ce gigantesque stratocumulus d’où pleuvent des notes par intermittence. Par les jours de beau temps, on peut même voir le visage de Dieu se refléter sur la gueule du public.

Musique cardiaque

Ce disque, comme tous ceux qui l’ont précédé, est un remède. En priorité à la dictature du temps court, qui trop souvent exige qu’on écoute un disque comme on baise sa femme (ou son mec. Brandissez pas les pancartes, y’en a assez pour tout le monde), sans discernement ni patience. Ensuite contre les imposteurs qui partout pullulent et citent John Cage et autres références de la sourdine tels des cuistres ayant appris leur leçon par cœur, mais sans rien poser sur la table. Enfin, contre l’époque elle-même, au son mondialisé et uniforme, à l’image des villes standardisées, où tout et tous se ressemblent, commençant tous les phrases par des mots identiques, citant les albums de l’année comme on pisserait dans un violon, bien soulagés qu’ils sont tous de partager une culture commune et impersonnelle qui permet d’occuper les discussions du midi dans un open space sous contrôle.

Pour toutes ces raisons, et 1000 autres encore, la musique de FRANCE reste cet art à visage d’homme, empruntant au rythme cardiaque pour imposer son humanité. C’est tellement beau qu’on devrait prescrire « Metamórfosi » dans toutes les bonnes pharmacies. ATTENTION : ÉCOUTER FRANCE PEUT NUIR A VOTRE ENTOURAGE.

Posologie conseillée : pas plus de dix fois par jour sous risque de terminer dans un épisode de Faites entrer l’accusé. En cas d’attaque nucléaire de l’Auvergne par la Corée du Nord, vous pouvez évidemment dépasser les doses prescrites.

https://france-trio.bandcamp.com/

8 commentaires

Répondre à ta_gueule_bester Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages