« Passe moi des chips, mec. Y'a encore des bières au frigo, grrrrringo ? ». A la question « Etes-vous plutôt Massive Attack ou plutôt Portishead ? », des générations entières d'étudi

« Passe moi des chips, mec. Y’a encore des bières au frigo, grrrrringo ? ». A la question « Etes-vous plutôt Massive Attack ou plutôt Portishead ? », des générations entières d’étudiants à baggy larges ont longtemps répondu à coté, trop occupés à fêter la fin des partiels et le temps qui passait aussi lentement qu’un joint. Aujourd’hui, un nouvel EP pour patienter, oublier qu’on a raté ses études, se (re)noyer dans les nappes vénéneuses. Comme avant.

Vingt ans après l’avènement conjoint de Balladur et Tricky, lorsque les enfants des boums dépressives ont finalement trouvé leur premier emploi, vers 27 ans, difficile d’imaginer que le gang de Bristol pourrait encore émouvoir. Surprendre comme aux premiers jours de Blue Lines et Protection, l’amour les volets fermés, Horace Andy en ombre flottante, le sexe trique-hop des premiers ébats sur Unfinished Sympathy, le bruit des bières qui claquent tard dans la nuit au son de Teardrop, le bus du lycée toujours en retard et les premiers regards coquins sur Man next door, à travers la volute des premiers clopes. Deux décennies pour en arriver à la conclusion que Massive Attack annonçait dès 1991 la morne plaine synthétique et la fin des guitares ; le début du downslow, du trip-hop, des chansons plombantes (Sour Times) pour vaguement tenter de serrer une fille moche vers deux heures du matin. J’en vois qui rigolent au fond, ne croyez pas qu’Ok Computer vaille mieux parce qu’il y a des guitares. Vous étiez comme nous, vous avez cru en Tricky, Thom Yorke, le sample et les larsens, la fin des 90′ et Michel Houellebecq. Et puis vous avez trouvé un travail, vous avez rangé les Cds. Méthodiquement, par ordre alphabétique.

Vingt ans après, que reste-t-il de nos armures ? En écoutant les quatre titres produits par Massive Attack pour faire patienter les chalands avant l’album en 2010, c’est l’envie de rappeler les exs qui prime, leur demander des nouvelles, se rappeler le souvenir des booms de 1993, le cul serré et les nattes bien faites. C’est aussi leur crier dans le combiné que 3D et Daddy G viennent de gicler quatre titres dévastateurs qu’on n’attendait plus vraiment, depuis tant de temps. Sur la force d’un EP, Bristol balaye tout : la décennie presque ratée pour Massive Attack, les ruptures, la vie normale, l’attente depuis Mezzanine, la suprématie des rockeurs, la naissance de Justice, les coupes mulets, la mort de Bambi. Tout se balaye en vingt deux minutes, d’un revers de main. Quatre titres. Ce serait presque suffisant, finalement, on n’aurait qu’à enfoncer la touche repeat, on se coucherait tard et les culs de bouteille dormiraient face contre terre.

Instantanément, sur l’EP, tout y passe. Il y a le coup des claviers/boite à rythme posé sur flow Daddy G / Horace Andy (Splitting the atom, chanson éponyme), la feinte du remix anxiogène avec guest (Guy Harvey d’Elbow sur Bulletproof love) à la manière de Thom Yorke et Unkle puis la grosse mise à jour du son « ténébreux mais dansant » sur Psyche, une chanson dont on dira un jour qu’elle est inspirée du premier album de Fever Ray, lui-même groupe dédicace au son chaud-froid du Bristol Sound. Des boucles, on n’en sort jamais vraiment. Puis vient Pray the rain. La piste manquante. Celle qui agrippe l’auditeur aux enceintes comme Grace Kelly sur le volant, quelque chose comme une incantation rythmique découpée en plusieurs mouvements, ses pleins et ses déliés, Tunde Adebimpe meilleur que dans son propre groupe (Tv on the Radio) et la puissance militaire d’un tube pour les tétra’ cagoulés. Entre cold disco et paganisme pour les nuls, une beauté synthétique du meilleur effet. Tout cela devrait s’arrêter ici, sans cinquième album, sur le champ du cygne crevé.

Dire du rock binaire qu’il est (dé)passé, ce serait s’escrimer deux fois trop long sur la mascarade et les confettis, le perfecto à dudule et le chant des partisans. Avec cet EP, Massive Attack change de costume, reprend presque sa place. Fini la fête, les cris festifs, les lamentations et le tripatouillage des chips(ets), welcome to happy sad les enfants, débranchez les guitares. Et fini les soirées entre amis, passé la trentaine, ne restent que les machines pour avancer encore droit. Sublime.

http://www.myspace.com/massiveattack

10 commentaires

  1. Nul besoin de guitare pour sonner Siouxsie. Quand Massive avait repris Metal Postcard il y a qq temps, Naja n’avait pas tari d’éloges concernant la punkette et l’influence que les banshees avaient eu sur le wild bunch. Bien plus que des plus ‘électro’ comme Joy Div. ou Suicide.

    Sur le ‘mouvement’ nous sommes d’accord je pense, je faisais remarquer que cela permettait de s’inquiéter, de remettre ses certitudes en question. On a trop souvent vendu des fraternités qui n’ont pas existé en dehors de dans les loges et les rêves de grandeurs de Tony Wilson.

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