Plusieurs hivers après la sortie du « Live at Dunwich » de Giallos Flame chez feu DC Recordings, les Américains de Lumerians apportent la réponse du berger US à la bergère anglaise avec un deuxième long format qui ferait certainement valser Maggie Thatcher sur sa chaise électrique si elle s’était enfoncé une fusée nucléaire au fin fond du cosmos intérieur.

Comme on n’apporte pas sa moutarde à Dijon, on n’écoute pas un disque de Californiens barbus aux looks de psychopathes récidivistes sans se douter que ces derniers connaissent mieux le psychédélisme et Charles Manson que le Picard sa géographie et l’histoire des rois de France. Tout ça pour dire qu’un an seulement après la mise en orbite de leur premier album, « Transmilinnia », injustement sous-estimé à sa sortie, les Lumerians redonnent des nouvelles depuis l’infiniment lointain avec une carte postale qui ne fait ni dans la dentelle, ni dans la simplicité.

« Transmissions From Telos: Vol. IV », puisque tel est son nom, est une déferlante qui ne s’embarrasse pas des précautions d’usage — un chanteur, un nom d’album mémorisable par le lecteur de Télé Poche, des théories gazeuses sur l’amour — pour creuser son sillon. On n’est pas là pour compter les mouches, pas plus que pour compter les pistes de cet antédisque jouant à retourner croix et chaussettes à l’envers pour inspirer le genre de malaise que pourrait procurer la vision du diable fâché avec le savon et toute autre forme de civilité. Des pistes, l’album n’en contient que quatre, soit 33 minutes de musique directement venue des profondeurs et composée de râles, de couinements métalliques, de grésillements de basse à la limite du drone, de sourds tintements de cloches et d’autres parenthèses désenchantées qui peuvent parfois évoquer l’éviscération de la clef de sol par Sunn o))) et autres tripatouilleurs d’amplis ; à cette différence que les contorsionnistes de Lumerians ne se sont pas chopé un torticolis à force de regarder vers la voie lactée.

Composé de morceaux aux titres aussi primitifs que la musique jouée — Track 1, Track 2, etc., voyez, c’est simple comme au revoir — « Transmissions From Telos: Vol. IV » pourrait donner lieu à mille phrases journalistiques où le plumitif reviendrait avec force détails sur le groove atypique qui berce l’auditeur avec cette peau de tambourin plus tendue qu’un string africain. Pour ma part, je me contenterai de résumer l’objet non identifié au bruit d’un canard en inox qu’on égorgerait lentement à la cuillère à soupe. C’est à la fois lent et violent, proche du free jazz d’Aquaserge, étonnamment méticuleux, vaguement satanique et diablement tropical ; un peu comme si le paon de la pochette s’était pris une piqure d’adrénaline dans le rectum puis avait décidé de fixer une toile du Douanier Rousseau jusqu’à déceler dans la jungle psychédélique toutes les subtilités qui font de cet album un écho tribal au « Piper at the Gates of Dawn » de Syd Barrett et de ses copains mal peignés.
En un mot comme en 666,  les Lumerians semblent être les derniers rescapés d’un monde où avoir le physique d’un garagiste de la banlieue de Los Angeles n’empêche pas de faire cracher la lave par les oreilles. Quant à leurs transmissions depuis Telos, elles dessinent à la craie séchée le chemin vers l’ile du docteur Moreau telle qu’on l’imagine, pleine d’animaux customisés avec une sortie jack stéréo à la place du pot d’échappement et de chrétiens bouffant leur Bible pour tenir jusqu’à la fin de l’immonde. Tout ça en quatre morceaux, c’est ce qu’on appelle un miracle venu des profondeurs.

Lumerians // « Transmissions From Telos: Vol. IV » // Hands in the Dark
http://lumerians.com/

Lumerians – Transmissions From Telos Vol. IV by – Hands In The Dark –

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