Suite aux déclarations diffamatoires effectuées par M. Bester Pierre Abraham Jean-Juan Langs à plusieurs reprises le 30 avril 2012 dans l'article "Bonjour Tristesse" à l'encontre de Lower Dens, impliquant une entrée par effraction de Daniel Balavoine dans l'album "Nootropics", j'ai été mandaté par l'avocat du groupe afin de couper court à ces conneries. Ça suffit, mon petit père, t'entends ?

Si ces messieurs-dames veulent bien se donner la peine, revenons sur les lieux du crime en procédant à la technique dite de Houellebecq, s’avérant n’être rien d’autre qu’un copier-coller de cochon :

« Daniel Balavoine n’est pas mort dans un crash d’hélicoptère. Il en est même qui disent que le grassouillet chanteur serait encore en vie, quelque part du côté de Baltimore, à faire chauffer son filet de voix sur le deuxième album de Lower Dens, groupe d’inconnus nés autour de l’année 1986. Vivre ou survivre, les ricains bottent en touche et leur ‘Nootropics’ troque la starmania contre le mascara. »

Et le bougre insiste un peu plus loin :

« Les comparatifs entre le groupe de Baltimore et Daniel ‘j’ai 20 kilos de trop et une coupe mulet de footballeur’ Balavoine sont tellement flagrants qu’on se restreindra par manque de temps à les résumer en un seul point : ‘Nootropics’ n’est rien d’autre que le disque qu’aurait dû composer le chanteur en 2012 s’il avait pu traverser l’Atlantique sans accident et su engager un backing band aussi dépressif que semble l’être celui de Lower Dens. Non pas que je veuille à tout prix tresser des parallèles entre des artistes que rien ne rapproche, mais l’écoute du titre Propagation suffit à user le paquet de Kleenex et permet de retrouver, le temps d’une séance de spiritisme de cinq minutes, la présence du chanteur disparu. »

Poussant l’investigation à son paroxysme, c’est muni d’un Ouija – l’outil officiel de vos communications vers l’au-delà – que j’entre en contact avec Daniel. Alors il va bien, c’est gentil de demander, et niveau actualité, il pourrait revenir sur le devant de la scène sous forme d’hologrammes. Par contre, il dément formellement voir une quelconque descendance en « Nootropics » et il peut le prouver via un test ADN. « Quelle est la suite ? » me demandez-vous de vos regards d’insatiables petites fouines. Eh bien je sais Bester capable, en bon journaliste, de fouiller les poubelles, non pour se sustenter mais à la recherche de l’information inédite. Bester aurait-il eu vent d’un tuyau que mes indics ne m’ont pas fourni ? Ai-je vraiment un indic, ou est-ce un attaché de presse affable ? Suis-je en train de penser à haute voix, en slip dans un imper parce qu’il fait 32° dehors mais que je souhaite ressembler à un détective ? Tout cela est probable.

Pour mettre un terme à cette relation non consentie entre Daniel et Lower Dens – et puis parce que dans le fond on s’en bat l’avoine (SAVOUREUX! Gonzaï feat. Rire & Chansons : du rire et du rock) – j’ai décidé de confronter les deux parties. Rendez-vous un dimanche après-midi brûlant avec mes fournisseurs d’accès de joie du moment. C’est la dernière fois que nous aborderons Daniel mais, à l’inverse de Candyman, c’est pour le faire disparaître qu’il faut prononcer son nom à plusieurs reprises. La tâche est lourde. Imaginez leur trombine après une question du type « Do you know l’Aziza ? » Imaginez maintenant leur tronche lorsque je me mets à chanter. Eh bien, détrompez-vous : j’ai vu dans leurs yeux qu’ils étaient conquis, et je crois bien que Lower Dens a failli compter un sixième membre. J’ai dû décliner car je suis déjà marié à ma carrière et, qui plus est, fidèle. Après, si tu as un reportage de charme pour moi, je peux devenir mormon.

Face à ces visages d’initiés me donnant l’impression de parler de chips aromatisées au fait de conduire une auto (big up Pierre La Police), il était bon d’envisager Lower Dens sans cris, sans S.O.S, sans fils ni bataille.

En arrivant sur le champ de bataille ce jour-là, Christophe Moracin (membre éminent de Domino France) me confie : « les gens n’ont pas envie d’écouter ça en ce moment. » Il a raison. Hasard des calendriers, c’est au moment où l’Europe commence à tourner le dos à l’austérité que Lower Dens en fait des monolithes. C’est vrai qu’en temps de libération, les productions élevées au pain sec et à l’eau ou les mélodies de cachots humides s’accordent mieux à une prise de la Bastille qu’à la liesse qui y succède. Le genre d’ascèse spartiate que Holger Czukay  — mi-homme mi-bassiste de Can — résumait ainsi : « Einschränkung ist die Mutter der Kreativität » (« La restriction est mère de créativité »). « Je ne connaissais pas la citation », me dit Jana Hunter avant d’ajouter : « Mais c’est le genre de choses auxquelles je crois profondément et ça s’applique parfaitement à notre musique. Qu’elle soit budgétaire, artistique ou de n’importe quel ordre, la restriction a toujours été un moteur pour notre imagination : c’est le tenant et l’aboutissant de nos créations. » Et si Jana semble en accord avec les propos de Holger, elle est en symbiose avec un bon paquet de sa discographie.

À une époque où l’import-export permet de cautériser du Merlot en Californie ou de nous faire monter des clic-clac aux noms exotiques, implanter une succursale du krautrock à Baltimore  – une cité imprégnée jusque dans sa culture par l’économie portuaire et la vente de crack – était une brillante entreprise. Du « Baltimore kraut », voilà un terme rassurant qui a le mérite d’appeler un chat un truc à quatre pattes miaulant et qui facilite le boulot des vendeurs de la Fnac. « Baltimore kraut, ça vous va ? » « Non ! Même si on adore cette ville. Baltimore Kraut ça ne marche pas déjà parce qu’on ne réside plus vraiment à Baltimore, ça a surtout été un point de rencontre. Et puis avec l’effervescence artistique qu’à connue la ville, aucun groupe ne se ressemble et tu peux difficilement tisser un parallèle entre nous. Il y a eu un vrai boum artistique là-bas, peut-être grâce à la vente de crack dont tu parlais, mais il n’y a pas de Baltimore sound. Tu vois, même si on est très copains avec Beach House, on n’a pas grand chose en commun avec eux. Au même titre qu’avec n’importe quel autre groupe local. Même si on adore le krautrock, Baltimore kraut est seulement un truc que quelqu’un a crié sous la vidéo YouTube de Brains. » Ça tombe bien que tu en parles, parce que plus qu’un single, Brains est la pierre de Rosette de « Nootropics ». L’outil indispensable pour comprendre le langage de ce deuxième album bâti entièrement d’une même pièce, d’un même marbre.

Premier single sorti trois mois avant l’album, Brains servait une cervelle en amuse-bouche, savamment savoureuse sans même user de sauce gribiche. Au-delà même d’annoncer le goût et la couleur de l’album, Brains et sa fascination ambiguë pour l’intelligence artificielle s’avérait être la vitrine d’un « Nootropics » aux limites du projet de diplôme pour étudiant aux Beaux-Arts passionné de science-fiction. Le passage qui suit réclame donc toute votre attention.
Nous avons conscience que vous êtes le fruit d’une éducation désastreuse issue de l’école publique mais à partir d’ici, votre auteur, en partenariat avec Lower Dens et votre intellect, va tenter de vous élever. Il est possible que vous en chiiez des encyclopédies et Gonzaï décline toute responsabilité en cas de migraine. Tu es prêt ? « Nootropics » est une œuvre fondée sur le transhumanisme. Tu crois sûrement que je te parle de chèvres se baladant dans la montagne, mais tu confonds avec la transhumance. Tu es tout excusé, l’école publique, tout ça tout ça, je comprends. Si tu veux, le transhumanisme c’est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains (j’ai fait un copier-coller depuis Wikipédia. Ainsi, par ce procédé, j’ai le sentiment de me rapprocher de Michel Houellebecq). Contaminé dans sa chair et jusque dans son titre par ce transhumanisme – puisque « Nootropics » est un barbarisme évoquant un point cardinal d’une nuée de pensée humaine – Lower Dens cherche moins à lancer une Nobel Wave qu’à trouver un « thème intéressant comme fondement de ce deuxième album« . Si vous souhaitez plus de précisions, votre nouvelle enseignante, Mme Hunter, se fait un plaisir de vous guider dans l’autopsie : « Le transhumanisme est une des idées principales de l’album. C’est une idée décryptant comment la société est en train de changer et à quel point notre nature est complexe en tant qu’animaux hyper-développés. Le transhumanisme est un mouvement moderne exprimant le désir de nous améliorer  parce que nous sommes fascinés par le fait d’enrichir nos fonctions humaines mais pas forcément dans notre meilleur intérêt. Ça n’est pas forcément que je trouve l’idée fascinante, mais j’aimais l’idée de cette guerre que l’on se fait à soi-même pour atteindre un nouveau stade. »

Voilà ce que Kraftwerk peut engendrer dans l’esprit humain. Et la télévision. Mais pas l’école publique, ni Daniel Balavoine. Bien que les mort-vivants gagnent en glamour ces temps-ci, Daniel n’est pas revenu dans « Nootropics ». Même en hologramme (c’est une question de semaines). « The Man-Machine » est simplement devenu grand-père. De toutes les révolutions (des printemps divers au libre partage), harcelante et discrète, extension autant que noyau, la machine est omniprésente et invisible. Voilà ce que « Nootropics » chante du fond de son pacemaker : Human-machine after all.

Lower Dens // « Nootropics » // Domino

2 commentaires

  1. Allo bonjour,

    je tiens à dire que je maintiens tout ce qui a été écrit précédemment, Balavoine aime ce disque (il vient de m’envoyer un SMS).

    Et sinon, super papier il va sans dire.

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