Après 7 ans de bons et loyaux services à la cause pop, Benjamin Schoos fondateur du label Freaksville vient de remporter le coup de cœur de l’Académie Charles Cros. Plutôt que de faire un bilan, on a préféré lui demander de regarder devant nous. Loin devant…

Habitué des pseudos dont Miam Monster Miam est le plus célèbre, le bonhomme a eu le cran de sortir de la pop orchestrée quand on nous bassinait avec le folk à barbe ou du rock seventies quand on nous vendait le disco 2.0. Le tout, toujours en frenchie dans le texte. Félicité aujourd’hui pour un premier disque sous son blaze officiel, sa vision du futur de la musique semblait, sinon indispensable, à coup sûr riche de toutes ses expériences. Celle d’un musicien dont les chansons traitent d’homme-libellule, de robots amoureux, et de Charleroi en 2035 ; un producteur dont les clips empruntent au Commodore 64 et aux VHS de Carpenter ; un artiste qui change de casquette comme de style sans perdre de vue l’essentiel : la sensibilité de 50 ans de pop culture. Alors bien sûr, on pourrait avoir l’avis éclairé d’un touche-à-tout sur chaque maillon de la chaîne du disque. Mais les fantasmes et les cauchemars du fondu de science-fiction qu’il est nous ont paru bien plus amusants…

Racontez-nous comment vous imaginez l’avenir côté matériel ?

L’avenir, c’est l’imprimante 3D ! Elle va permettre l’émergence de nouveaux instruments, ou d’instruments modifiés dont on aura téléchargé des plans pour les remodifier à son tour. Plus que jamais, la créativité sera directement liée aux matières premières disponibles à la réalisation d’un instrument. Une nouvelle guerre des matières premières et des brevets va ainsi faire rage… C’est une vraie révolution industrielle : comme chacun pourra modifier les objets dont il achète les plans, les sociétés basées sur des droits d’auteur à l’européenne vont mourir au profit du système de royautés, le copyright à l’américaine.

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Quel avenir du point de vue graphique ?

Ces imprimantes vont permettre également des créations beaucoup plus stylées qu’un bête fichier .jpg ou qu’une pochette de vinyle. Je parle d’un retour du design dans l’objet de merchandising, tout un artisanat noble qui va renaître pour les artistes adeptes de DIY [Do It Yourself – NDA]. Les fans pourront acheter sur le net des modèles et fabriquer l’artwork depuis leur imprimante. Voire proposer directement des créations aux artistes comme une évolution du Fan’art. Bonjour la duplication !
D’autre part, la musique va fusionner avec l’image. Nous aurons droit à des montages vidéo pour illustrer chaque chanson sur nos lecteurs. Ce qui est déjà le cas avec Youtube, réseau de vidéo où la plupart des gens écoutent de la musique en 2013, loin devant les services de streaming come Spotify et Deezer. On s’apprête à voir des croisements de Steven Spielberg et de Brian Wilson ! Enfin, en pratique, plutôt des Max Pecas qui ont muté avec des bidasses…

Du point de vue sociétal ?

L’expérience individuelle va devenir sociétale grâce à ces imprimantes 3D : chacun pourra modifier les instruments qu’il a imprimé, ses créations, et cetera, et les partager. Voire imprimer nos vinyles nous-même pour les plus nostalgiques ! Après les photos de bouffe, nous serons envahis sur les réseaux sociaux par la foire aux créations et autres customisation de paire de chaussures par des gamines de 13 ans !

« La musique pop rock telle qu’on la connaît va perdurer car elle est vidée de toute substance politique et sulfureuse. »

Le futur du point de vue économique ?

La musique pop rock telle qu’on la connaît va perdurer car elle est vidée de toute substance politique et sulfureuse. Elle arrive à sa forme idéale pour générer des revenus rapides et rassembler des foules. C’est déjà le cas dites vous ? Ce sera encore pire : Keane, c’est du petit lait à côté de ce qui nous attend. La B.O. parfaite et virtuelle d’un monde dont les ressources s’appauvrissent de jour en jour. Un mirage pour un cauchemar capitaliste. La première génération de gens ayant écouté Sonic Youth ou Daft Punk sera bientôt en maison de retraite ou mourante à petits feux en hôpital des cancers dus aux ondes GSM. Il n’y a donc pas de raison que cette pop meure de sitôt.
Côté support, la musique bien sur ne sera plus que streaming. Le flux en ligne de musique va devenir gargantuesque ! En 2013 internet est pollué par la pornographie et la pub ciblée ; mais en 2020 la pollution se fera massivement par le son. C’est pourquoi je pense qu’économiquement, vendre du silence en streaming sera une bonne chose ! Mais ne soyons pas naïfs : on se dirige vers la fin d’un internet libre. Le lobbying dans ce sens est présentement énorme à Bruxelles. On risque donc de nous proposer des abonnements pour smartphone qui donnent accès à seulement à quelques sites et plateformes au choix gangrenés par de la pub. Par exemple, un abonnement Google mid-price contiendra Facebook, Youtube, Googleplay et un bouquet d’applications foireuses dont des chaînes pornographiques.

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Du côté médiatique ?

La télé sera remplacée par d’immenses chaînes Youtube où chacun pourra se divertir 24H/24. Racheté par Google, TF1 aura muté et profitera au mieux d’un dispositif de bande passante et de mémoire greffé à nos cerveaux. Plus besoin donc de poste de télé, Jean-Pierre Pernault est en direct dans ta tête ! Car lui aussi sera toujours là, dans une version Max Headroom [Personnage fictif en image de synthèse – NDA]. Conservé pour nous rassurer, nous, spectateurs. On pourra d’ailleurs imprimer son poster sur nos imprimantes 3D… 

Du point de vue du live ?

Des bulles spéculatives importantes dans le milieu du spectacle vivant vont exploser. Il y aura de graves crises dans le secteur de la musique contre lequel il faudra trouver des solutions radicales, comme ranimer les morts et relancer le business. Ainsi, il ne restera plus que deux membres en vie de U2 mais les deux autres seront clonés génétiquement et dupliqués par imprimantes 3D. Pareil pour Metallica dont on remplacera le batteur Lars Ulrich par un cyborg ayant sa tête. Ce seront les robots et autres spectacles virtuels multi-diffusés (télé, web et cinéma). Le retour de Kanye West par contre sera un échec cuisant.

Du point de vue philosophique ?

Nous assisterons à la destruction d’une des choses fondamentale que l’homme a crée : la musique. À l’instar de l’Alien créé par Giger, le libéralisme et le capitalisme sauvage se nourrissent de destruction. L’homme a tenté de faire perdurer la vie et de la sublimer par la musique… Son commerce l’aura anéantie. Mes amis, je crois qu’on est foutu ; autant en rire.

Quel avenir du point de vue du look ?

Là par contre, on va avoir matière à rire. Des néo-romantiques version 2035, des gangs ninjas déguisés en aluminium, des crooners nains venus de Thaïlande, une chanteuse anorexique avec la pilosité de Demis Roussos… Tout est possible. Les petits-fils des couturiers de 2013 ne manqueront pas d’habiller de manière originale les petits-fils des chanteurs à la mode de 2013. Car on le sait dans le show business « rien ne se perd, tout se transforme », comme l’énonce la célèbre Loi de Framboisier (clavier des Musclés et de Fleetwood Mac).

http://www.benjaminschoos.co.uk/
En partenariat avec Gaite Live, un article à retrouver ici.

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