A l’instar de David Bowie, idole vénérée dont il reprendra les looks et les chansons, autant d’Alain Kan que de photos de lui. Mais là où ou Ziggy n’aura fait que jouer des personnages, Alain Kan les aura incarné. Jusqu’au point de rupture. Revue de mode.

1944, le jeune Alain naît, entre « deux SS » chantera-t-il plus tard. Compose une enfance sage, une adolescence qui le sera tout autant. Mèche prudente, visage d’ange. Déjà l’influence de l’idole, David Bowie ? Période A Letter to Hermione, encore dans la masse des chanteurs pour dames, il chante déguisé en Sacha Distel des chansons de Paul Anka. Il ne s’est pas encore distingué, le jeune homme sage. Chemise blanche à col polo pointes boutonnées pour une tenue parfaite, cravate noir tissée unie nouée serrée, veste sombre fermée, pochette à costume sans éclat. Terne et strict, en contraste avec le visage qui se tord en mimiques à la Jacques Brel. S’exprime et se contorsionne, jeux de sourcils et plissements fronts. Ils lui demandent de se tenir et de sourire. Il fait ça très bien.

1968. Enfin. C’est le printemps, c’est l’Alcazar, le cabaret de la rue Mazarine, spécialisé dans les tours de transformistes et les revues à plumes. Alain devient « Amédé Jr », se déguise en Georges Sand qui se déguiserait en garçon. Cheveux lissés, yeux fardés, sourcils affinés tandis qu’une moustache délicieusement féminine orne désormais sa lèvre. Col de chemise désormais cassé, la cravate est devenue blanche mais le costume reste noir. Subtile subversion de sa vie diurne. Qu’il n’abandonne pas pour autant. C’est l’heure Joe Dassin, alors pour ne pas perdre de terrain, Alain se fait virile à sa manière. Cowboy sensualiste en pantalon taille haute, pattes d’éléphants, ceinture à grosse boucle argentée. Chemise à col napolitain relâché, pailletée cousue de pièces sombres aux épaules, avec rappel de couleurs aux poignets. Les pans sont néanmoins biens rentrés.

Bien entendu au même moment, Bowie se prend pour Marlène Dietrich sur la pochette de Hunky Dory, cheveux longs et blonds, visage fardé, et chante son plus grand tube, Life on Mars?. Une adaptation du célèbre Comme d’habitude de Claude François dont il fut privé des droits au dernier moment, ravis par Paul Anka qui en fera My Way et sa fortune. Ce dont Bowie ne se remis jamais. L’anglais a une conscience aiguë de sa carrière. Pas Alain Kan qui reprend La vie en Mars en Ziggy poussière d’étoiles. Vêtement désormais complètement échancré sur la poitrine, aguicheuse comme une braguette ouverte, voile imprimé transparent renversé par dessus l’épaule, à moins qu’il ne s’agisse d’un poncho péruvien moitié motifs damiers, moitié losanges de noeuds. Visage désormais complètement repeint, faciès de mime Marceau. Le processus mimétique à son paroxysme, il est un autre.

1976. « Heureusement En France On Ne Se Drogue Pas », c’est Alain Kan qui le dit, mais la censure ne le croit pas. Interdiction de faire la publicité de l’album. Sur lequel Alain apparaît le visage triste, pâle jusqu’au bleu cadavérique et chante une reprise de Andy Warhol, de celui qui se faisait appeler alors « The Thin White Duke ». White pour cocaïne. « Dis donc, m’a dit mon père, si je te trouve avec un joint / Oh, je te mets la tête à l’envers / Et te fout dehors comme un chien.» La comparaison avec l’original est douloureuse. Là où chez l’anglais, tout est distance et pudeur, chez Kan ça transpire le pathos, jusqu’à la gêne. Pour Bowie, Ziggy et les autres sont des masques. Pour Kan c’est l’expression de son être le plus profond.

1976 encore. Bowie plus maigre et cocaïné que jamais fait le salut nazi à la gare Victoria. Hitlérisme cool, la croix gammée redevient subversive, du moins c’est ainsi que Sid Vicious l’entend. Alain Kan aussi, qui entreprend de devenir les Sex Pistols mais version Sturmabteilung pédés d’Ernst Rohm, lui-même exécuté pour homosexualité. Ce sont les Gazoline, et un titre, Sally. Bien entendu une reprise de Bowie de plus. Plus précisément du premier riff de Station to Station. Bracelets de métal, béret d’apache parisien, cravates desserrées, gilet sans manches, veste en cuir, boa synthétique, lettrage rouge à lèvres pour ambiance très New York Dolls. Il chante « Tonton Adolf », qui deviendra Devine Qui Vient Dîner Ce Soir. Récit d’une soirée avec l’infâme, avec dedans de véritables morceaux de discours du Führer. Interdiction d’antenne, encore.

1977. Bowie déclare au Melody Maker concernant l’incident de la gare Victoria « I’m NOT a fascist…  That didn’t happen… I just WAVED… On the life of my child, I waved ». Bowie “waved”, l’aveu d’une vie. Non seulement Bowie n’est pas nazi, mais il prétend n’avoir jamais même fait semblant de l’être. 1983. Bowie affirme ne jamais avoir été pédé non plus, et que la déclaration de sa bisexualité a été la plus grande erreur de sa vie. Parce que ça lui a fermé le marché américain précise-t-il. La carrière toujours. Un peu plus tard il avouera s’être toujours senti mal à l’aise par rapport à la culture homosexuelle. Pour Alain Kan, qui s’est brûlé les ailes à vivre Ziggy, le coup est rude. Son idole est en réalité la contrefaçon de ce qu’il est lui, Alain Kan.

Il continue pourtant à y croire, à monter ses spectacles travelo-rock faire sa Lili Marleen entre la frontière Suisse et la Haute Savoie. Cheveux roux sous une casquette S.S. à tête de mort. Blouson en cuir brillant et foulard rouge autour du cou. Bien campé dans ses bottes de cuir, pantalon militaire bouffant. A la 18ème seconde de ce Hey Man, la caméra divague et perd les yeux fous d’Alain. Apparaît un panneau, marqué « la folie ». Ce n’est pas si facile…

Les années 80 furent terribles. Chaque seconde de Let’s Dance ou Tonight était la promesse d’une damnation éternelle. Rien ne semblait pouvoir arrêter ça. Le dernier album d’Alain Kan, Parfum De Nuit n’aura même pas besoin d’être interdit ou pilonné pour ne pas être écouté.

1990. Station rue de la Pompe. Alain Kan, costume gris anthracite, chaussettes Burlington et chaussures demi chasse Paraboot pénètre dans le métro et nous ne le verrons plus jamais. Ultime imitation de David, alors cadre supérieur dans Tin Machine. C’est probablement en découvrant ce hard rock merdique à se pendre, beauf à souhait, qu’Alain Kan décida de descendre de la scène pour se fondre dans la foule.

Dernier look connu d’Alan Kan :

1 commentaire

  1. Je ne suis pas fou de Kan mais il a eu au moins le courage d’être intègre pas comme cette vieille momie de Bowie qui a encore sorti un éniemme album soporifique et commercial et qui aurait disparu de la scène artistique dès 1973(Aladin Sane)si Brian Eno n’avait pas eu la mauvaise idée de le déterrer de sa montagne de cocaïne .

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