Plus besoin de se prendre la tête à anticiper ce que ce sera The Next Big Thing, voici un telex review pour faire un tour d’horizon de quelques pépites bien protégées dans leur écrin de nature sauvage, à l’abri du tumulte des stats d’écoute sur Deezer et des taux de fréquentation des blogs en tout genre. Pas de spéculation en cette rentrée 2015 riche en sorties : sincérité, simplicité, efficacité mélodique ne sont pas galvaudés par les quelques valeurs refuges balayées dans ce spectre. Privilégions l’indépendance à l’indé-pédance.

Warm Soda – « Symbolic Dream » (Castle Face)

Faute d’avoir pu en placer une sur le merveilleux « Young Reckless Hearts » sorti l’année dernière chez Castle Face, on parle de son presque jumeau « Symbolic Dream » pondu en 2/2 sur le même label. Le productif quatuor d’Austin avait pris le virage d’une pop lo-fi aux mélodies tranchantes à la frontière du glam et confirme ici avec 12 morceaux empreint d’un romantisme adolescent qui frappe droit au cœur. La voix chaude et vibrante de Matthew Melton accompagne ces morceaux presque synthétiques avec la grâce d’un Robert Smith sous tranxène, les guitares sont aussi percutantes qu’atones et la batterie projette ce petit ovni dans une bulle plus isolante qu’un casque d’astronaute. Mention spéciale à l’efficacité mélodique de pépites glam à souhait comme Dream I Left Behind ou l’imparable hit power-pop I wanna go fast. Le groupe sera d’ailleurs en concert le 26 mai à la Mécanique Ondulatoire.

 Jaromil Sabor & Prêcheur Loup – « You Shall Use Your Time… And Your Mama’s Too » (CS/ Frantic City)

L’excellent label rochelais Frantic City, pierre angulaire de la scène garage underground (The Skeptics, White Ass, Combomatix, Forever Pavot…) produit la cassette de ces deux comparses bordelais aux noms aussi improbables que les formations locales dont ils sont issus (The Magical Jumblies Club, Captain Kidd & the Dreamers). La largeur de l’éventail exploré ravira autant les mélomanes en goguette que les puristes d’un garage-punk dépouillé. Ceux qui auraient pu devenir des icônes myspace à une autre époque avec leur production lo-fi executée sur un canapé en mode home-studio et leur esthétique moyenâgeuse proposent aussi bien de revisiter la ballade en mode Enio Morricone (Indian Hill) avec une touche de modernité synthétique (Nicole) que la ritournelle médiévale trash façon Yussuf Jerusalem (Spectrum Eyes) ou le garage-punk plus sec et dépouillé (Calcomatraque) avec une efficacité et une touche no-wave rappelant les productions Born Bad les plus redoutables (Pravda, Frustration, Magnetix). La réunion de ce duo éclectique bourré de références marque un grand coup dans la constellation garage pleine de créativité et met encore une fois à mal les propos des fossoyeurs du rock en tout genre.

The King Khan & BBQ Show – « Bad News Boys » (In The Red Records)

De retour en duo après une période d’absence prolongée (dernier album Invisible Girl pondu en 2009 suivi d’une énorme tournée internationale), les deux freaks de Montreal reviennent faire péter la baraque avec un disque garage lo-fi à souhait, d’une sincérité folle et d’une efficacité mélodique qui fait la marque de ces deux espiègles iconoclastes. Leur sens imparable du blues et du R’n’B demeure intact et les 12 pépites de ce vivifiant Bad News Boys invitent à un retour aux sources rédempteur. Toujours dans l’esprit lo-fi (une batterie, une ou deux guitares, deux voix) et dépouillé, les deux acolytes s’épanchent sur une copie aussi brouillonne que touchante qui fait bouillir les neurones en même temps qu’elle fait battre le cœur et remuer les jambes à la manière d’un oiseau tombé du nid. Ce brûlot respire le rock’n’roll par toutes les pores avec ses guitares qui sonnent vraies, ses solos où chaque note est un missile envoyé à l’esprit de sérieux et ses voix déchirées dont la justesse est le cadet des soucis. Un disque hédoniste en somme, sans aucune autre prétention que de donner du plaisir, titiller les esgourdes, raviver le mojo, filer la patate. Le moins que l’on puisse dire est que cela fonctionne mieux que s’enfiler la discographie intégrale de Soko.

The Soap Opera – « Limited Edition Cassette » (Howlin Banana Records/Lago Records)

Encore une belle surprise pas piquée de derrière les fagots sorti chez nos productifs Howlin Banana, la « twee-pop » des rennais de Soap Opera est bien partie pour conquérir les salles en sous-sol de l’hexagone voire plus. Groupe composé de deux membres des planants Sudden Death of Stars et anciens Spadassins, formés à la bonne école du garage rennais, ces trublions d’une pop savante piochant autant dans l’americana des Fresh&Onlys que dans l’indie-pop 80’s/90’s à la Sarah Records (The Sea Urchins, The Wake…) ou Flyin Nun (The Bats, The Verlaines…) proposent une série de morceaux sunshine pop lumineux faisant fantasmer un coin de Bretagne rêvé au bout des falaises, l’Amérique en toile d’horizon. Ils proposent une large palette musicale pouvant aussi bien flirter avec le surf-rock de leurs amis et cousins musicaux des Madcaps que la sunshine pop des Field Mice ou la power-pop tropicale des Ultimate Painting avec cette omniprésence des guitares, ces boucles mélodiques entêtantes qui reviennent à l’esprit inlassablement et font voyager. Un groupe d’une maîtrise rare en live et d’une fraîcheur étonnante malgré des personnalités plutôt statiques formant l’unité. Leur charisme et leur maîtrise technique et mélodiques devrait rapidement les imposer comme une vraie référence dans le paysage pop au même titre que leur groupe d’origine. Britain Rules !

Mikal Cronin – « MCIII » (Merge Records)

L’éternel adolescent de Laguna Beach revient en force avec son dernier disque power pop classieux à l’instar de son camarade Ty Segall avec qui il partage une maturité acquise par la maîtrise de chaque instrument composant l’album, un sens inné des mélodies accrocheuses et des transitions impeccables ciselant les morceaux. L’omniscient Cronin y propose un canevas habilement cousu de guitares acoustiques, saxos ou autres cuivres, violons et même tzouras, petit instrument à cordes grec donnant une touche orientale psyché. On navigue entre des chansons power-pop comme Say rappelant vaguement l’excellent groupe suédois The Amazing et un final avec des envolées de sax à la King Khan ou des ballades folk pleines de lyrisme comme I’ve been loved ou Circle. On retrouve aussi des hymnes au rock garage californien plus classiques comme Heavy plus proche de ses précédents essais. Le jeune californien prend définitivement son envol du cocon de la Ty Segall family en livrant un LP au même niveau qu’un « Manipulator ».

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