Après trois ans intra-muros, le festival de psyché parisien quitte Paris pour la banlieue. En lieu et place des salles chics et choc de Paris, direction la ferme. Bien décidé à en savoir plus sur ce virage dans l'herbe à 180 degrés, notre reporter a sauté dans un train de banlieue en direction de Disneyland. Prochain arrêt : Noisiel.

20h15. Après avoir quitté mon open-space parisien au pas de course, me voilà qui débarque dans une ville de banlieue parisienne comme il y en a mille : des routes en chantier, des rues désertes et sans âme bordées d’immeubles dégueulasses, que viennent égayer des enfilades de rond-point aussi utiles qu’un parapluie en été. Noisiel.

Pas découragé, j’entame une randonnée urbaine à la recherche d’une ferme, et accessoirement d’un buisson. Cinq minutes plus tard, me voilà face à un immense bâtiment en pierres apparentes planté au beau milieu d’un grand parc. Tout beau, tout vert : bienvenue à La Ferme Du Buisson où m’attendent les deux programmateurs Michael Mateescu et Laurie Chalureau, qui sont loin d’être des inconnus au bataillon. Passé par le collectif de soirées techno Refraktion, le premier officie à La Machine du Moulin Rouge alors que la seconde bosse pour Peacock Society et We Love Green. Principaux responsables du Paris Psych’ Fest en V.F., ils font partie d’un vaste mouvement lancé il y a dix ans à Austin, et qui a même troqué son blaze d’origine de « Psych Fest » pour « Levitation », exprimant ainsi sa volonté de mettre de la distance avec cette nouvelle marque. Une question parmi d’autres que j’ai abordé avec mes interlocuteurs, un verre de cidre français à la main. Dehors, au coucher du soleil.

Gonzai : Ce phénomène des festivals psyché, ça vient d’Austin n’est-ce pas ? Les Black Angels et leur Reverb Association Society

Michael : Ouais c’est ça, le Austin Psych’ Fest, récemment devenu Levitation Austin. L’Europe a ensuite embrayé avec le Liverpool Psych’ Fest suivi par notre Paris Psych’ Fest deux ans après. Puis Copenhague, Berlin – qui a fait un gros flop’ d’ailleurs, Barcelone, Oslo.. Mais tout ces festivals, même ceux qui s’appellent Psych’ Fest, ne sont pas liés à celui d’Austin, contrairement au Levitation Angers qui est directement co-produit par les gars du Texas. Nous on a monté ce truc tous seuls avec la volonté d’organiser un festival de psyché à Paris, parce que ça n’existait pas. C’est venu  il y a 3 ans, car on sentait qu’il y avait une vrai demande. La première année c’était vraiment un truc de potes à l’arrache, on était trois, et puis…

Laurie : Après je suis arrivée, et maintenant on est six !

Cette année vous changez d’endroit : c’est cool, c’est connu mais c’est en banlieue. Pourquoi ?

Michael : Depuis le début on voulait faire un festival en extérieur, ce qui est un peu compliqué à Paris.. Et puis cette volonté de se poser un peu dans un seul lieu, après nos trois premières années « nomades », dans plusieurs salles à chaque fois. Du coup quand les gens de La Ferme Du Buisson sont venus nous voir il y a quelques mois, on s’est dit que le moment était venu. On a trouvé le lieu génial. Alors ok, c’est en banlieue mais c’est à 20 minutes de RER depuis Nation, et puis c’est Paris, enfin le « Grand Paris » quoi.

Laurie : On veut monter un vrai festival, que les gens se disent pas « je vais à La Machine du Moulin Rouge », mais bien « je vais au Paris Psych’ Fest ». En l’occurrence en banlieue. C’est vrai qu’il y a une certaine « barrière psychologique » chez certaines personnes au sujet de la banlieue, mais on n’est pas non plus au bout du monde.

Et les groupes ça va, ils ont pas trop peur ?

Michael : On va voir. Ils acceptent de jouer en tout cas.

Y’a moins de groupes français dans la prog’ de cette année. Pourquoi ?

Michael : En global on en a moins c’est vrai, mais en proportion c’est pareil.

Un groupe que tu voulais absolument et que t’as pas pu avoir ? 

Michael : On a failli avoir les BJM mais ils sont en tournée anglaise à ce moment là.. L’année prochaine on les aura. 

« La musique psyché c’est de la reverb’, de la répétition, un truc qui t’emmène, qui te fait rêver ».

Vous êtes partis au festival Lévitation justement. C’était comment ? 

Michael, Laurie : Le festival a été annulé au dernier moment, à cause d’une annonce de tempête. Les BJM et Black Angels ont joué quand même.. 

Et la ville, c’est comment ?

Michael : C’est pas le berceau du psyché pour rien, t’as un vrai mode de vie « rock » en fait. C’est vraiment une poche de liberté dans un État majoritairement conservateur. On a à peine croisé des gens avec des bottes et des chapeaux de cow-boys.

Cool. Du coup ils vous ont reçu comment les gens de Lévitation ? Amis ou concurrents ?

Michael : Comme des amis. Y’a pas de concurrence en fait : ils organisent des festivals supers, on organise un festival à Paris qui j’espère est super… Après on travaille pas ensemble c’est sûr, et on va pas s’aider pour se refiler des groupes. Chacun fait son truc de son côté, simplement. Après pourquoi pas faire des créations ensemble dans le futur ?

Laurie : On est deux festivals indépendants, et on les accueillera avec plaisir comme ils nous ont accueilli là-bas. Il n’y a pas d’animosité, rassure-toi !

Sinon en interne comment ça se passe, vous touchez un peu à tout j’imagine ?

Laurie : Oui, en plus de la prog’ je fais de la production. On touche un peu à tout, et on prend certaines décisions en concertation, il y a énormément d’échanges entre nous.

Michael : C’est un festival à taille humaine, avec une équipe à taille humaine. C’est un projet de cœur aussi donc on fait tous un peu de tout, on ne reste pas parqués dans les limites de nos intitulés. 

C’est un peu communiste quoi ?

Michael : Hum, pas vraiment. C’est quoi le rapport ? 

Laurie : Après si, il y a quand même des postes bien définis. Sur la Direction Artistique c’est nous qui avons le dernier mot quand même, mais il y a des échanges en amont.

Revenons-en à l’essentiel : votre première claque psyché ?

Laurie : Ouhlala, moi ça doit remonter à BJM quand j’étais au collège, en révisant le brevet !

Michael : BJM et Black Angels : à part très récemment, tous leurs albums sont dingues. Je connais pas beaucoup de groupes qui restent bons aussi longtemps. Pour moi c’est les deux groupes qui ont vraiment redonné des couleurs au psyché dans les années 90.

Une question chiante mais j’aimerais savoir : c’est quoi la musique psychédélique, en deux mots ? 

Michael : c’est de la reverb’, de la répétition, un truc qui t’emmène, qui te fait rêver. Ouais c’est ça c’est de l’évasion, tu rêves, tu planes. Un truc assez doux.

Laurie : L’évasion, le voyage, la lumière..

Un signe qui ne trompette pas : à cet instant précis, le soleil fait son apparition dans le jardin.

Votre « coup de coeur » psyché de cette année ? 

Michael : Le dernier de King Gizzard (And the Lizzard Wizzard) est pas mal.

Laurie : J’adore Good Morning TV.

« Quand tu sors de ta journée, t’as pas forcément envie d’écouter de la musique ».

Votre album de chevet, psyché ou pas d’ailleurs ?  

Laurie : J’en ai pas. Quand tu travailles dans la musique t’en écoutes tellement que le soir t’as qu’une envie, c’est de pas écouter de musique ! Avant de dormir tout ce que je veux c’est le bruit des oiseaux.. Tout le paradoxe de la chose : parfois t’as juste envie d’être « OFF ».

Michael : Pareil. Je passe mes journée à écouter de le musique, 10h-19h non-stop. C’est un travail, on gagne notre vie avec ça. Et c’est vrai que quand tu sors de ta journée, t’as pas forcément envie d’écouter de la musique.

Avant d’en prendre plein la tronche ce soir : un live qui vous a marqué à tout jamais ?

Laurie : A Place To Bury Strangers au Divan Du Monde. 

Michael : Savages à La Maroquinerie en décembre : quand je suis sorti je tremblais. Et les Fat White aussi c’est dinguo.

Le concert à ne pas rater cette année au Psych’Fest ?

Michael : Psychic Ills, ils n’ont pas joué à Paris depuis 2 ans et leur dernier disque est quand même super bien, n’en déplaisent à tous les journalistes qui les ont critiqué. Je prends le pari que c’est le groupe qui va le plus bluffer le public cette année.

Laurie : Nova Materia ! 

Paris Psych’ Fest : Les 18 & 19 juin 2016 à La Ferme du Buisson
http://parispsychfest.com/

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