C’est une maison d’édition comptant la crème française de la littérature de l’imaginaire et quelques belles plumes étrangères et qui, depuis 12 ans déjà, publie des œuvres alliant recherches narratives et exigence stylistique. Mathias Echenay, l’homme aux manettes de La Volte, vient de quitter son boulot dans une grande maison d’édition pour se consacrer entièrement à son joujou et intensifier le rythme de sorties qui, jusque-là, oscillait autour de quatre livres par an. L’occasion de lui tendre le micro.
Mathias Echenay

Toutes les conditions étaient réunies pour le crash éditorial : une maison sortie de nulle part, un auteur inconnu et un pavé de fantasy ardu – 23 narrateurs ! En 2004, Mathias Echenay inaugure La Volte avec La Horde du Contrevent d’Alain Damasio. Les mauvaises ventes prévues seront compensées par les livres suivants, espère-t-il. Ce sera finalement l’inverse. Près de 150 000 exemplaires plus tard, La Horde est le premier livre de SF vendu en France ; et Damasio la tête de gondole du foisonnant catalogue de La Volte.

Plutôt que de devenir le vaisseau amiral de la SF made in France, La Volte se saborde dès son deuxième livre. Mathias Echenay publie Âme sœur d’Yvan Jablonka, une fiction de littérature blanche racontant le deuil d’un frère. Aujourd’hui, fort d’un catalogue d’une cinquantaine d’ouvrages, La Volte fait le pont entre trois générations d’auteurs : les vétérans qui en ont plus que jamais dans le casque (Curval, Barberi), les ténors installés (Damasio, Beauverger, Calvo) et la nouvelle garde (Léo Henry). Sans oublier quelques comètes hors Hexagone : le Mancunien Jeff Noon et le Bolonais Valerio Evangelisti. Peu de choses en commun entre tous ces auteurs, sauf peut-être leur capacité à livrer des œuvres qui prennent le lecteur à bras-le-corps. Alain Damasio dit même de La Volte qu’elle est « une forme d’école littéraire informelle avec beaucoup d’amitié et d’admirations inter-auteurs.[1] »

Année après année, La Volte a su agréger autour d’elle une petite communauté de talents (auteurs, graphistes, comédiens, etc.), surnommés « les Voltés », venus prêter main forte pour faire tourner la maison. Mathias Echenay, lui, reste le capitaine inspiré de cette aventure littéraire stimulante, foutraque et finalement cohérente. Parce que Clarmart, là où il habite, est certainement un dangereux inframonde, l’éditeur donne rendez-vous dans un café quelconque du 5e arrondissement pour causer Volte.

Comment es-tu tombé dans la SF ?

Par mon père. On a d’ailleurs toujours notre bibliothèque de SF en commun. Ce qui n’est pas très pratique pour moi, car il est à Lyon ! Je lisais les classiques : Dune, Dan Simmons, etc. J’ai eu une éclipse de SF quand je suis rentré au Seuil. Lorsque ensuite je suis arrivé chez Flammarion, à l’époque de Jacques Chambon et de sa collection Imagine, j’ai pu renouer avec le genre et m’en donner à cœur joie.

Et donc en 2004, tu lances ta propre maison d’édition, La Volte.

Je faisais la Volte les soirs et les week-ends. Lire, être avec des auteurs, faire des lancements, c’est tellement ma vie que ça ne pose pas de problème. Mais ce qui était beaucoup plus contraignant passait à l’as : j’ai eu des retards sur des papiers, j’ai eu les huissiers chez moi, car je n’avais pas rempli un certain papier de l’Urssaf.

« Au départ de La Volte, on ne lisait pas les manuscrits la plupart du temps, et on ne répondait pas quelles que soient les relances. »

Comment est-ce que tu prospectes ?

Avant tout des histoires de rencontres : des copains, des copains de copains ou des gens croisés une fois. J’avais beaucoup de mal à lire les manuscrits envoyés par la poste. Je n’arrivais pas à m’organiser. La Volte, c’est un collectif. Mais en fait je suis souvent tout seul. J’avais créé cette maison en disant, comme tout nouvel éditeur, « On va lire tous les manuscrits et on va faire des réponses circonstanciées aux auteurs par respect ! » On a fait le pire : on ne les a pas lus la plupart du temps, et on n’a jamais répondu quelles que soient les relances. La honte ! En même temps, je n’étais pas en recherche absolue. Actuellement, je le suis davantage ; c’est le minimum pour sortir plus de quatre livres par an.

Car La Volte vient de passer à la vitesse supérieure.

Jusqu’à cette année, le modèle était : « J’ai mon métier pour des gros éditeurs, alors autant faire de La Volte un éditeur que les autres ne sont pas ». Il n’y a pas de salarié, le but n’a donc jamais été de gagner de l’argent mais plutôt d’atteindre l’équilibre annuel. La Volte a toujours été une totale zone de liberté. Maintenant, j’ai quitté mon boulot et l’objectif est d’en vivre et de faire d’avantage de livres sans changer la ligne éditoriale.

Justement, quelle est la ligne éditoriale ? Et interdit de répondre « Je marche aux coups de cœur ».

Ce que je vais dire est extrêmement prétentieux : j’ai fait une maison d’édition pour faire des livres, car j’avais le sentiment qu’ils devaient exister. C’est tout. Je ne sais pas nécessairement quelle est notre ligne éditoriale. Mais il y a plusieurs ingrédients : J’aime les chocs, les mélanges, ce qui est bâtard. Ou hybride, pour dire mieux. J’aime être perdu, ne pas savoir où je suis. Dans son bouquin Bibliothèque de l’Entre-mondes, Francis Berthelot théorise un genre littéraire appelé Slipstream aux Etats-Unis et qu’il traduit par Transfiction. Cela nous représente un peu. La Transfiction, c’est la transgression dans les idées et dans les lois du récit. Par exemple, Le Livre des Blagues de Momus, c’est la transgression totale, pourtant, ce n’est pas de la science-fiction.

Comment en es-tu arrivé à publier ce livre incroyable de Momus ?

C’est une commande, ce qui est rare dans notre démarche. Avec un copain, on est allé voir Momus pour qu’il nous écrive un livre et compose la musique avec. D’abord, il n’a pas voulu faire de musique. La première fois que j’ai lu le manuscrit, qui commence par une scène d’inceste terrible, je me suis dit « Meeeerde ». Mais tout ce qui me gêne, me décale ou me choque, finalement m’attire. Ce premier roman est tissé de blagues dégueulasses, mais c’est aussi une réflexion sur l’écriture.

La Volte a réactivé le collectif Limite [2], pourquoi donc ?

C’est une rencontre, encore. Je venais de publier La Horde lorsqu’un type de Toulouse m’appelle et m’explique sa volonté de faire des nouvelles par les auteurs de Limites et de faire de la musique pour accompagner les textes. Ça a donné Aux limites du son et un CD. Quand je suis revenu avec Barbéri aux Utopiales, au moment de la parution du livre, Barbéri était un peu regardé en chien de faïence. En fait, le collectif Limite a été une aventure très violente dans le petit milieu SF français. Il semble que Jouane ait été extrêmement violent et donneur de leçons. A l’époque, ces auteurs avaient vingt, vingt-cinq ans et ont voulu exploser les codes. Cela a laissé des cicatrices. Pour certains, c’était le retour des méchants !

Comment est le paysage SF français actuel ?

Ce que je me demande, c’est où sont passés les nouveaux auteurs ? Où sont ces premiers romans d’auteurs sortis de nulle part qui te renversent ? Je n’arrive pas à traiter tous les manuscrits, mais je me demande où sont-ils puisque je ne les vois pas sortir chez d’autres éditeurs non plus. Je pense qu’ils existent. Peut-être aussi que je cherche mal…

« Que des journalistes, critiques et gens qui parlent de la vie littéraire ne connaissent pas Damasio, je trouve ça étrange… »

Pourquoi selon toi la presse généraliste française n’en a rien à cirer de la SF ?

Je pense que c’est avant tout représentatif de la perception de la littérature de SF aujourd’hui. C’est-à-dire, considérée comme un sous-genre. Des journalistes, libraires, critiques sur le net ou individus lambda disent : « Ha non mais moi je lis pas de science-fiction ! » Je trouve que c’est un manque de curiosité. La Horde est le livre qui se vend le plus en SF. Que des journalistes, critiques et gens qui parlent de la vie littéraire ne le situent pas et ne connaissent pas Damasio, je trouve ça étrange… D’un autre côté, comme on a du mal à définir ce genre et qu’il y a aussi beaucoup de daubes, les lecteurs ont perdu leurs repères.

Et le terme de « littérature de l’imaginaire » ?

Oui, je disais ça à un moment. Mais je me suis fait disputer par certains auteurs, comme Philippe Curval qui me dit, à raison, que la littérature C’EST de l’imaginaire. Aux États-Unis, Jeff van der Meer a inventé le terme de New Weird Litterature, il y a une fondation qui s’appelle Intersticial litterature, et Bruce Serling défend le slipstream. Tous ça ce sont des acceptions permettant de ne pas utiliser le vocable de « science-fiction » qui nous emmène dans des voies sans issue. Bon, je suis pas sûr qu’en remettant de nouvelles étiquettes on aide… L’autre jour, je devais effectuer une démarche technique pour la création d’un code pour un livre et je m’aperçois que la CLIC (la base de référence de donnée française pour la classification des livres) vient de créer deux sous-catégories : « science-fiction » et « fiction spéculative »… Je me suis bien marré, bon courage pour classer un livre de SF dans l’une ou l’autre !

Quel est en ce moment le gros chantier éditorial de la Volte ?

Doris Lessing, prix Nobel de littérature décédée en 2013. La Volte s’engage dans l’édition de cinq romans s’inscrivant dans un cycle SF. Elle se foutait des genres et n’avait aucun problème à parler de SF, car cela lui permettait d’aborder la société autrement et lui offrait une liberté incroyable. Mais je sais que j’aurais du mal avec la presse française pour ce livre. J’ai fait volontairement une couverture de « littérature » pour que ça aille en rayon littérature dans les librairies.

Peux-tu me parler des « Encombrants », organisés par La Volte ?

Ce sont des rencontres. Il y a longtemps, j’avais l’impression d’être isolé. Je voulais être stimulé ou emmener des gens avec moi, que les gens partagent entre eux. J’habite en banlieue et je ne pouvais pas inviter les gens chez moi car c’est loin. Donc j’ai décidé de faire une soirée le premier mercredi chaque mois dans Paris [3]. Vient qui veut. Viennent des gens qui veulent présenter leurs projets, toucher des auteurs ou juste nous entendre. Certains reviennent, d’autres pas. Parfois, un projet y naît. Des fois on parle de littérature, des fois non. Il y a maintenant des « Encombrants » à Lyon qui se font sans moi. Je ne maîtrise pas et c’est bien.

https://lavolte.net/

[1] Comballot Richard, Clameurs – Portraits Voltés, La Volte. P. 67

[2] Collectif composé de Jacques Barbéri, Francis Berthelot, Lionel Evrard, Emmanuel Jouanne, Frédéric Serva, Jean-Pierre Vernay et Antoine Volodine, dissous après la publication du recueil de nouvelle Malgré le Monde, dont la sortie en 1887 avait provoqué une bataille d’Hernani dans le landernau français de la SF.

[3] Mecano Bar, 99 rue Oberkampf, Paris.

5 commentaires

  1. Pas très connue comme éditeur mais essentiel.
    Damasio bien sûr, mais aussi Jeff Noon; « Vurt » fût une claque!
    Intrabasses accompagné du disque composé par David Toop.
    Merci pour cet article
    Tim

  2. Article intéressant mais truffé de fautes d’orthographe, très pénible à lire. Sachant qu’on parle de littérature, c’est assez rebutant.

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