« Quand il se réveillait dans les bois dans l'obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l'enfant qui dormait à son côté ».

« Quand il se réveillait dans les bois dans l’obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l’enfant qui dormait à son côté ».

On est dans son pieu et la veilleuse s’allume avec timidité comme si elle ne voulait pas connaître la suite. Comme si elle savait que je ne lirai plus jamais. Que je ne tournerai plus de pages. Que mes yeux ne se balanceront plus jamais comme avant. Elle sait que tout est fini. Il ne lui reste que quelques nuits, que quelques heures.

On entre dans la marche. On presse le pas. Rien ne se passe, le monde semble mort, le soleil ne vient pas. De ligne en ligne les yeux hallucinent sans que rien ne leur soit offert et pourtant il devient impossible de les fermer, les contrôler. Sans fioritures et autres finesses littéraires, l’écriture est aussi vide que riche et l’histoire, d’une rare brutalité stagnante. Un féroce stratocumulus recouvre la veilleuse, son filament pleure une eau emplie de cendres. Le nuage s’épaissit alors que le ciel n’en finit plus de chialer un sac de charbon.

« Pourquoi il faut qu’ils fassent ça ?

J’en sais rien.

Et ils vont les manger ?

J’en sais rien.

Ils vont les manger, hein ?

Oui. »

Ça ressemble aux réflexions de mômes du style « je tire une droite jusqu’à l’infini » ou encore « deux traits parallèles se croiseront un jour ». Tout avance sans que l’on remarque autre chose qu’un ciel de plomb, l’homme, l’enfant, de la cendre et des ombres. Une apocalypse sortie du clavier d’un saint homme dévasté qui possède sur sa table de nuit la Bible ; dans son esprit l’incompréhension du mal. On descend vers le sud car visiblement, on est parti du nord… Je parle, je parle, mais je ne fais que suivre leurs pas. Sans savoir d’où il viennent, d’où on vient, ce qu’il s’est passé, là où nous allons. Des silhouettes fines, étranges traversent les pages, sautent les lignes et font sursauter à en corner la page 182.

 

La veilleuse se tord. Hurle, disjoncte et claque, consciente d’avoir essayé d’aller jusqu’au bout. Paix à son âme. Je change l’ampoule, prenant n’importe laquelle, sachant qu’il n’y aura pas de successeur au poste.

Je cherche le pli. La plage enfin. Un sable aussi noir que l’eau, que les vagues et la maladie qui mine l’un avant d’achever l’autre. Quelques mots simples et un « gentil » sont là sans qu’aucun but ne soit atteint, que le monde soit redevenu bleu, vert, jaune et sans que l’espoir souille le papier éclaircissant les notes de l’écrivain. Il n’y a pas de fin et on ne veut pas de suite. Dès lors, une adaptation ciné semble impossible. Pas d’effets spéciaux et autres techniques héritées de Méliès ne sauront reconstituer le cadre, l’ambiance et les lumières de la Route, de Cormac McCarthy. Alors, devons-nous lui laisser sa chance ?

« Dans les vals profonds qu’elles habitaient toutes les choses étaient plus anciennes que l’homme et leur murmure était de mystère. »

Neuf pages blanches suivront, laissant le temps à l’ampoule de s’en aller pour ne jamais revenir. Peut-on relire après ça ? Peut-être dans le noir. Pourrons-nous aller dans les salles obscures après ce film ? Peut-être de jour.

http://www.theroad-movie.com/



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