Tous les ans, c’est le même casse-tête : comment parler de la Route du Rock sans donner l’impression qu’on reçoit des dessous de table pour écrire qu’il s’agit du meilleur festival de rock indépendant en France ? Cette année, changement de méthodologie : on a kidnappé les programmateurs Alban Coutoux et François Floret pour un interrogatoire express sur leurs choix de programmation pour l’édition 2016.

Ce ne sera probablement pas la meilleure édition depuis les débuts du festival voilà 26 ans, mais cette année on pourra encore voir à Saint Malo des groupes qui ne passeront nulle par ailleurs ou presque (Kevin Morby, Lush, Sleaford Mods), d’autres qui viennent simplement d’ailleurs (Aquagascallo, Exploded View, La Colonie de Vacances) et encore quelques uns qu’on adore détester (Savages, Belle and Sebastian, Psychic Ills). Oublions désormais le classique copié-collé de communiqué de presse pour demander aux deux programmateurs de défendre leur château de sable.

Alban Coutoux et Francois Floret par Thomy Keat (Froggydelight)
Alban Coutoux et Francois Floret par Thomy Keat (Froggydelight)

Attaquons fort avec Savages. J’ai récemment écrit que c’était une rébellion marketée par un trio de grands penseurs incluant Hedi Slimane, Clémentine Autain (c’est simple : elles sont coiffées pareilles) et Courtney Love. Alban, François, êtes-vous d’accord avec cette affirmation un peu dure et si non, doit-on s’attendre à un show FEMEN pendant leur live ? 

François Floret : Rire. Encore un complot fomenté par des chinois islamistes? Pour les femen ce n’est pas la période : trop de monokinis sur la plage… Elles passeraient inaperçues. Savages c’est l’énergie coldo-new wave de nos années 90… C’est urgent, sexy et pieds au plancher. On… adore.

Alban Coutoux : Il s’agit plutôt d’une belle histoire entre le groupe et le festival. Elles ont joué leur première scène française à Saint-Malo en 2013 et elles ont joué un concert mémorable l’année dernière qui a impressionné tout le monde. Je ne partage pas ton opinion sur « la rebellion markettée » et je trouve au contraire, le groupe sincère et fidèle à ses idéaux originels.

Tindersticks : Il me semble que c’est l’un des grands habitués de la Route du Rock. Combien de fois ont-ils déjà joué ? N’est-ce pas là le meilleur exemple de votre fidélité aux groupes que vous défendez depuis plus de 20 ans ? 

François Floret : C’est la troisième fois. Oui le groupe est une belle synthèse de ce qu’on aime voir à la Route du Rock… De la (grande) classe, une voix unique, une atmosphère… Le record est détenu par Dominique A (4 fois), il sera égalé par les Suuns cette année !

Alban Coutoux : Sans oublier la date de Stuart Staples en 2005. Encore un groupe unique et précieux. Et spécialement pour toi, il y a un duo avec Jenny de Savages sur leur dernier album. Dommage que les deux groupes ne jouent pas le même jour, on aurait rêvé de vivre cette rencontre sur scène.

« Fat White Family est à l’image de la Route du Rock : des gros branleurs qui pissent à la raie de tous les pseudos rebelles préfabriqués. »

The Avalanches : Je suis complètement passé à coté de ce groupe depuis des années mais je lis partout que c’est un incroyable retour. Pourriez-vous expliquer à un connard de mon espèce pourquoi il doit ABSOLUMENT les voir cette année ?

François Floret : On aurait pu… Le groupe renonce finalement à sa tournée, l’un de ses membres devant rester au pays se soigner… On lui souhaite sincèrement un prompt rétablissement et pourquoi pas un retour fulgurant très vite.

Alban Coutoux : Je te conseille vraiment d’écouter ‘Since I Left You’ paru en 2000, grand disque de collages qui s’est imposé depuis comme un véritable classique. Sur la scène de La Route du Rock en 2001, ils avaient livré un concert totalement foutraque, ce serait un peu les cousins australiens des Beastie Boys (le côté punk hardcore en moins).

Fat White Family : Dans mon souvenir, c’est chez vous qu’ils ont explosé voilà deux ans. Du coup, surprise de les revoir à l’affiche. Comment s’est passée cette programmation ? Le groupe a-t-il demandé à revenir ? Et vous fixez vous des principes sur les reprogrammations de groupes déjà programmés ? Ou rien à foutre ?

François Floret : Rien à foutre. Les groupes évoluent. Si un groupe génial reste génial, pourquoi se priver… Là c’est aussi une belle synthèse de ce qu’on veut vivre à la Route du Rock : des gros branleurs qui pissent à la raie de tous les pseudos rebelles préfabriqués. Ben oui, c’est la mode de dire que le monde va mal et que « tous pourris ».

Alban Coutoux : De manière générale, avant de reprogrammer un groupe, on se pose évidemment la question de la pertinence et l’intérêt mais quand on apprécie tellement un groupe, on ne peut s’empêcher de renouveler l’invitation. Et n’y a pas vraiment de règles non plus : la programmation d’un festival est un travail suffisamment complexe et difficile qu’on ne va pas non plus s’imposer nos propres contraintes.

Psychic Ills : Sur leur dernier album (désolé putain) j’ai écrit que « l’objet mériterait de passer sous les roues d’un 4X4, ça plus les avant-bras de Tres Warren et Elizabeth Hart pour qu’ils ne puissent plus jamais toucher un instrument ». Bon, clairement, je déteste ce groupe que je trouve ininventif au possible. Ai-je de la merde ou des Cornetto dans les oreilles ? [insultez-moi]

François Floret : Je suis l’homme le plus classe du monde (j’ai piqué le titre à Georges Abitbol), je n’insulte personne, connard. Plein de groupes ne révolutionnent pas la musique mais ça ne les empêche pas de recréer un univers dans lequel ça peut vraiment être tripant de se réfugier. Surtout en live.

Alban Coutoux : Je pense surtout que tu ne prends pas les bonnes drogues ! Es-tu vraiment insensible au folk psychédélique new-yorkais ? Ils s’inscrivent dans la lignée du Velvet Underground (période troisième album) avec leurs chansons vicieuses. En plus, Hope Sandoval de Mazzy Star (cœur avec les doigts) a posé sa voix enjôleuse sur un titre du dernier disque.

La Colonie de Vacances : comment avez-vous prévu de les faire jouer, d’un point de vue technique ?

François Floret : On va installer les 4 groupes aux 4 coins de la salle et le public au milieu. Prévoir des bouchons, ça dépote le math rock !

Alban Coutoux : Premier concert quadriphonique pour le festival pour une expérience unique.

Julia Holter : tout le web français semble dire que c’est un incroyable, mais c’est ce que j’appelle le syndrome Helena Hauff, personne n’arrive à m’expliquer clairement pourquoi. Bon alors, pourquoi ?

François Floret : Je ne sais pas trop ce qui se dit (sincèrement). L’album est juste magnifique et Julia a une voix envoutante (oh le grand sensible…). Ca me suffit pour avoir envie de la voir envouter le Fort de St-Père.

Alban Coutoux : Tiens, il faudrait demander Helena Hauff de remixer un morceau de Julia Holter pour te faire plaisir.

Pour finir, quel a été le groupe le plus compliqué à booker cette année, et celui que vous êtes les plus heureux d’avoir réussi à avoir ? (Ne me répondez pas « tous » hein, ahah)

François Floret : Sans être compliqué, The Avalanches avait été le plus long à confirmer. Dommage… Le plus heureux ? Personnellement Minor Victories et LUH.

Alban Coutoux : Plutôt impatient de découvrir sur scène Exploded View, le nouveau groupe d’Anika. See ya on the beach.

François Floret : Et amène la crème solaire, on ne sait jamais…

http://www.laroutedurock.com/
Du 11 au 14 aout à Saint Malo

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