Rencontrer les mecs de Volage, c'est comme avec leurs disques : une constante stimulation intellectuelle et beaucoup de passion. Voici donc une interview à cheval entre un cachet de Guronsan et une pilule de Lexomil.

Une fin d’après-midi printanière, un petit rade du 11e arrondissement, plusieurs taxages de clopes amicaux, le fol enthousiasme de supporters monégasques et l’excitation d’une sortie de disque. Beaucoup d’émotions et de sentiments s’entremêlent lors de cette rencontre avec Volage. Beaucoup sauf un, celui qui a donné son nom et sa pesante ambiance au disque, le Spleen.

Depuis, Pâques et ses traditionnelles crises de foie sont passées par là et nombre de français ont chopé des migraines ophtalmiques à la vue des résultats électoraux. Heureusement, se replonger dans les synapses créatrices de Paul Rannaud, cerveau de Volage, nous a redonné un semblant d’espoir. Seulement 100 exemplaires de ce 45 tours, un peu plus de sept minutes et tant de questions à poser. Une interview passé-présent-futur pour un des groupes français les plus en avance sur son temps.

Commençons par la dimension visuelle du groupe. Trois de vos pochettes – dont celle de Spleen – représentent des fleurs, souvent fanées. C’est juste que vous n’avez pas le main verte ou il ya une véritable signification ?

Pas réellement. On aime bien avoir un visuel un peu abstrait. C’est purement esthétique mais c’est aussi qu’on a pas envie de mettre nos gueules en gros sur la pochette !

Pour continuer sur ce thème, les titres de vos disques ont des portées affectives, voire méditatives. Vous parlez notamment de solitude.  Est-ce que vos productions tiennent lieu de séances chez le psy ?

Complètement ! Quand j’écris des textes, j’aime que ça ait une certaine résonance et c’est pour ça que tu y crois un peu ! C’est un petit peu plus profond qu’un morceau de doo-wop qui parle d’aller faire la teuf ! La plupart des morceaux sont des textes que j’écris depuis longtemps. Spleen, c’est une chanson simple, écrite très rapidement parce que c’était le but mais tu as des morceaux à textes, longs, notamment sur le prochain album, que j’ai mis deux ans à écrire.

La sortie de « Coffee Dreamer » avait été l’occasion de sortir un vinyle rouge. Spleen est pressé à seulement 100 exemplaires. Penses-tu que tout objet artistique perd de sa valeur s’il est produit en grande quantité ?

La rareté suscite l’intérêt des gens. Mais nous, on a sorti ce disque pour se faire plaisir. Spleen, ce sont des chansons très simples, une facette du groupe qu’on avait pas encore montré. Ce n’est pas du tout arrangé et tu n’as pas d’énormes mélodies de voix. Mais je doute que ça dénature le projet. Si on pouvait vendre dix mille 45 tours, on en vendrait dix mille et l’origine du disque resterait la même.

D’ailleurs, peux-tu me définir ce qu’est le spleen ? 

Je ne sais pas du tout si il y a un spleen volagien mais ce sentiment de mélancolie récurrent me fait écrire des morceaux. Si tu regardes le morceau Coffee Dreamer qui est très proche, c’est ce genre de mélancolie redondante qu’on a tous un peu en soi. Et moi, ce sont des thèmes corrosifs, un peu difficiles, voire des pensées un peu torturées sur soi ou la vie en général, qui me font écrire.

Ce 45 tours est l’occasion d’une collaboration avec Nathan Roche. On avait discuté du Villejuif Underground, tu m’avais dit apprécier le côté bancal, presque nonchalant de leur musique. Le titre est écrit pour lui ou pas du tout ?

Nathan, il est assez fantastique comme gars ! Tous les gens qui l’ont rencontré te diront la même chose : c’est quelqu’un d’hyper flegmatique ! Un personnage à part. C’est un super chanteur et sur Spleen, ça s’est tout de suite dessiné. On trouvait que l’ambiance correspondait à son timbre de voix et à la nonchalance du mec. Mais c’est lui qui écrit sa partie de voix. Il est venu au studio, il était hyper pressé, il devait rejoindre sa nana. Du coup, il préférait faire un refrain plutôt qu’un couplet en entier. Il a écrit tout de suite les paroles sur un post-it. En une heure, c’était écrit et enregistré !

Sur les deux titres, on ressent un soin infini apporté à la production. Chaque piste semble avoir été polie minutieusement. Combien de temps avez-vous mis pour enregistrer et mixer ce 45 Tours ?

[Une réponse à venir en forme de Kamoulox chronologique, Ndr] L’été dernier, on a enregistré « Coffee Dreamer ». Qu’est-ce que je te raconte là, c’est n’importe quoi les dates. Cet été, on a enregistré l’album à Paris mais il y avait toute une partie de l’album qui avait été enregistrée au studio 9 cubes à Châteauroux. C’est une ancienne usine de lait où t’as un grand frigo qui est devenu la salle d’enregistrement. Donc, pas cet été, celui d’avant, on avait composé et enregistré cinq morceaux en électrique et fait « Coffee Dreamer ». Spleen, il s’est fait très rapidement et le deuxième titre s’est fait encore plus rapidement parce qu’on était en fin de session d’enregistrement. Le dernier jour, à 3 heures du mat’, on avait tout fini et là, je dis aux mecs :  »il manque un morceau, un truc assez différent, dark ». Tout était prêt niveau matos, j’ai juste dépluggé, gardé tout le setup électrique et je l’ai passé dans le magneto. Un peu à l’arrache quoi. J’ai trouvé un riff, je l’ai bossé pendant une heure, pis une heure de travail avec les gars et on l’a enregistré en 30 minutes. C’est un peu compliqué parce que pour moi, ce sont vraiment plein de sessions d’enregistrement différentes mais ça s’est fait très vite.

« J’aime pas tout ce qui sort sur la Souterraine mais la démarche est super. »

La dernière fois, on avait parlé du dernier album de Julien Gasc. Comment considères-tu la scène pop française et notamment la Souterraine ?

Fantastique ! Il se passe des trucs mortels ! C’est super qu’aujourd’hui, des mecs comme Julien et Aquaserge soient reconnus. Clairement, leur musique est incroyablement riche, savante. Nous, on a pas ce côté-là, tout simplement parce qu’on est de moins bons techniciens qu’eux. C’est bien que les gens ouvrent les oreilles sur des choses qui s’écartent des codes. Quand tu écoutes les artistes qui sortent sur la Souterraine, y a plein de choses qui ne seraient pas passées pour cool, branchées ou même indé. J’aime pas tout ce qui sort sur la Souterraine mais la démarche est super. Ils m’avaient demandé un morceau sous mon nom Nature Morte [tout s’explique au niveau des pochettes, Ndr], je ne m’attendais pas du tout à ce que ça sorte ! C’était génial que ce morceau, fait de quatre bouts de ficelle puisse sortir ! Beaucoup de respect !

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Est-ce que chanter en français est une possibilité ?

Y a un morceau en Français dans le prochain album. C’est clair que ça fait très dans l’air du temps. C’est un exercice que j’avais pas tenté parce que je trouvais ça très prétentieux de prétendre bien écrire en Français. Une bonne phrase mal chantée, ça peut passer mais une mauvaise phrase bien chantée, ça passera jamais. Y’en a très peu qui le font bien et Julien Gasc, c’est un de ceux qui le fait le mieux.

« Psyché… Ça veut dire tout et rien à la fois. »

Tu travailles avec Marietta et vous êtes constamment fourrés avec Martin d’ANNA (Martin est le frère de Paul Bis, le deuxième guitare de Volage) dont la musique tire clairement sur l’étrange. Comment ces influences rejaillissent sur ton travail avec Volage ?

C’est inspirant voire galvanisant de fréquenter des gens qui ont des univers aussi forts que Guillaume Marietta ou Martin d’ANNA. Cela te permet de voir les choses différemment. Tu parles avec eux, les avis se confrontent et ta façon de penser et créer la musique évolue de pair.

Dans une interview pour Iheart, tu disais que tu n’étais plus trop branché sur le garage. T’écoutes quoi du coup ?

Arthur Verocai ! C’est un compositeur brésilien qui a sorti un album fantastique en 1972 ! T’as des influences afro-cubaines mais c’est hyper pop. C’est très écrit, très proche d’une école savante de la pop. Puis Le Villejuif Underground et Bryan Magic Tears. Ces derniers sont incroyables.

Si tu devais définir la couleur musicale du futur disque ? Psyché-pop-acidulée ?

Psyché… Ça veut dire tout et rien à la fois. J’aime bien le thème indie/indé. Ça véhicule des codes, des manières de faire, de production, de DIY, de proposer des choses qui sont différentes. C’est très dur de définir la musique que tu fais ! Surtout que sur l’album, l’éventail sera très large, de la balade au piano au titre très rock. Disons indé.

L’album sortira-t-il en 2017 ? Y aura-t-il des collaborations ? Si oui, avec qui ?

A priori oui. J’espère. On a encore beaucoup de choses à faire sur et autour de l’album… Il y aura des choses très pop, pas du tout garage. À voir… Pour les collaborations, je peux déjà te dire qu’il y aura Nathan Roche et ANNA. Y en aura d’autres qui ne sont pas faites. Y a plein de personnes avec lesquelles on aimerait travailler. Sauf que j’ai pas non plus envie que ça fasse :  »salut, on a invité tous nos potes » !

Plus d’infos sur Volage sur le Bandcamp du label Howlin Banana.

3 commentaires

  1. @ reso asocial, perdu divers piolets, et serums x 3 boites place de La DAMnation, faire suivre, recompense un jambon-beuree.

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