Alors que je m'apprêtais à torpiller la presse française grâce à une série d'interviews marquantes, un connard en a finalement décidé autrement. Après m'être fait voler mon ordinateur et tous ses souvenirs, heureusement qu'il me reste encore un cerveau. Pour faire la nique à tous ces enfoirés qui passent leur vie à détruire celle des autres, résumé dans le désordre de mon passage au Festival de « La Magnifique Society ».

Je me souviens avoir décollé devant l’avion de pop de chambre, Air, qui a refusé toutes les demandes d’interviews parce qu’ils n’avaient « rien à vendre ». Je me souviens avoir parlé à Lescop qui m’a confié « ne pas être un bon musicien ». Son Conservatoire à lui: « les gens qui ne savent pas jouer mais qui savent jouer ». OK. Autrement dit les punks, ces gens qui sortent du cadre : « moi dérangé ? Pour être dérangé il faudrait d’abord savoir ce que c’est qu’être rangé.. Je sais pas… Qu’est-ce que c’est la norme ? Je me pose la question et honnêtement j’ai toujours pas la réponse. C’est peut-être ça qui fait de moi un ‘garçon dérangé’, haha ».

Lescop voit enfin la lumière parce que c'est son projet.
Lescop voit enfin la lumière parce que c’est son projet.

Je me souviens avoir joui de contentement esthétique devant le concert de ce même Lescop, dandy pop bercé par l’extase de l’instant présent accompagné par un guitariste d’inspiration Tom Verlaine absolument parfait. La perfection, parlons-en avec la pop-star danoise Agnès Obel qui a mis tout le monde d’accord au point du jour. Avant de jouer devant des centaines d’âmes elle m’accordait sa précieuse intimité durant 15 minutes d’un échange aussi pur et doux que sa musique : « je n’aime pas trop la promo.. Si je pouvais envoyer une autre Agnès Obel pour faire les interviews à ma place, je le ferais sans hésitation ». Un beau challenge s’offre alors à moi : mettre à l’aise une chanteuse timide qui a pleins de choses à raconter : « la mélodie, oui.. Je ne sais pas comment je fais, je crois que les meilleures mélodies viennent sans trop y penser ». Sans y penser, on vient forcément à parler de  John Cale, grand maître de la répétition qui échafaude en grande partie ses chansons: « Oui j’adore le Velvet Underground ! Il m’a déjà contacté pour collaborer, pour le moment je n’ai pas trouvé le temps. ». Le temps pourtant elle en a, et elle sait que c’est une chance : « j’ai du temps libre uniquement consacré à la musique. Tout le reste, à commencer par la vie quotidienne, m’ennuie profondément ».

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A mille lieux de cette satanée vie quotidienne, je me souviens avoir violemment bousculé mes congénères devant Thee Oh Sees. Je me souviens avoir pris un nouveau râteau de ce même Dwyer qui fuit les journalistes comme la peste. Je me souviens avoir eu une longue et passionnante discussion avec Alex Cameron qui se souvenait de moi : « t’as retenu ce que je t’ai dit l’autre fois : plus tu travailles, plus tu es heureux ». Un working-man heureux qui a des nouveaux morceaux pleins le sac, toujours fortement inspirés de sa propre vie. Une vie qui a changé. Après l’échec, l’amour: « j’ai vécu beaucoup de passions humaines ces derniers temps  et c’est en grande partie de ça dont il s’agit dans ce nouveau disque ». Apparemment bien meilleur que le premier.« C’est la plus belle chose que j’ai jamais réalisée dans ma vie ». Accomplissement du crooner australien post Alan vega que l’on pourra entendre très bientôt donc. Et tout ça dans un monde qu’il souhaite « plus libre et spirituel ». Aimez-vous les uns les autres, bordel de merde, et arrêtez de vous juger, ça sauvera plus de vie qu’en allant voter.

Cameron plein d'amour. © C. Caron
Cameron plein d’amour. © C. Caron

Je me souviens m’être cassé la gueule par terre en courant interviewer Jason Williamson de Sleaford Mods qui décoche les punchlines aussi bien en loge que devant 1000 personnes: « je ne suis pas un working-class hero, d’ailleurs je ne suis plus très fan’ de ce concept de « classes sociales ». Pas fan’ d’excès de sociologisme, il est le premier à reconnaître qu’il « fait de la musique pop » dans le sens où son groupe de « post-punk » cartonne. C’est qu’il est comme moi critique sur le terme « post-punk »: « ça veut plus dire grand chose.. Tu prends tous les trucs punk faits après 78 et tu les balances dans le même gros sac.. On est en 2017, on s’en fout ».

Dans une autre langue mais tout aussi cash, je me souviens avoir tapé la discute avec les 3 Djs teutons de Moderat. Enfin Djs… « On n’est pas des djs, on fait de la pop maintenant. On est un vrai groupe, comme tout le monde ». Les papas de l’électronique berlinoise ne sont d’ailleurs pas du tout nostalgiques de leur période underground. Ah mais alors, pas-du-tout: « ahah, faire des sets de 6h, aujourd’hui ? Non la flemme mec ! ». En parlant de changement de vie, je me souviens avoir rencontré Group Doueh et Cheveu qui ont tous deux ressenti le besoin de sortir de leur cocon pour aller voir ailleurs ce qui s’y passe. Un couple trans-musical qui a enregistré en une semaine au fin fond du désert un disque sorti récemment sur Born Bad Records : « c’est une confrontation de styles, pas un mélange ou un métissage, on voulait à tout prix éviter la fusion, l’écueil de faire un truc world ».

Avant de discuter de la place du psychédélisme dans la culture nippone avec Wednesday Campanella, je me souviens avoir aperçu Jacques en train de pioncer dans un hamac après que son attaché de presse m’ait annoncé qu’il annulait toute sa promo. Personnellement je me souviens pas avoir beaucoup dormi puisque en plus d’avoir fait huit interviews j’ai pris un paquet de photos et pas que des groupes, bien décidé à couvrir l’événement dans sa totalité : des pommes de pin, des enfants contents, des barmaids et des livreurs de bière tout aussi importants à la réussite du festival que les groupes, des requins gonflables (Requin Chagrin), des combi WW T2… Toujours dans cette volonté de couvrir l’événement dans sa totalité, je me suis prêté au jeu-concours monté par le vendeur d’instruments de musique Woodbrass; un jeu qui consistait à jouer de la batterie le plus rapidement possible. Après avoir eût très mal à la cuisse, je me souviens avoir vu des groupes que je qualifiais dans mon report de « biopics », dont Parcels  qui au delà d’une perf’ impec’ évoque dangereusement les BeeGees de 78.

Les Bee Gees de retour? © Darkroom
Les Bee Gees de retour? © Darkroom

Je me souviens avoir compris que j’avais raté un épisode en découvrant les groupes de la génération Snapshat : Thylacine, Lorenzo, vous les connaissez, vous ? Enfin je me souviens avoir cherché le journaliste des Inrocks partout pour lui taper la bise, avoir souri intérieurement en entendant une attaché de presse me dire « même les inrocks ils ont pas eu 20 minutes ! » ; punchline drolatique glissée l’air de rien en surtitre dans mon papier volé ; avoir filmé durant 20 autres minutes le jeune disc-jockey Thylacine né après la coupe du monde 98 dans l’espace réservé aux photographes professionnels, et ce bien évidemment avec un vieux smartphone datant d’avant la naissance du dit jeune homme. Je me souviens avoir offert le champagne à toute l’équipe média du festival avant de rentrer chez moi. Je me souviens être tombé amoureux de la Cathédrale de Reims après être tombé amoureux de dix filles en 3 jours. Je me souviens m’être fait volé mon sac en rentrant tout content à Paris. Je me souviens avoir eu envie d’arrêter d’écrire. Je me souviens avoir eu envie de me remettre à écrire.

Festival « La Magnifique Society »
http://lamagnifiquesociety.com

Le mot de la fin pour Jean-Paul II : "N'ayez pas peur", © Alcatel 98
Le mot de la fin pour Jean-Paul II : « N’ayez pas peur », © Alcatel 98

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