Ils sont partout : BD au kilomètre, séries frissons ou rigolade, happenings sociaux défilant sur la place de ta ville, jeux vidéos, cinéma, of course, qui fut leur cheval de Troie parmi la race humaine : tandis que 2011 se meurt, les zombies rule the world. Normal, après tout, dans un tel monde.

Les vampires ? Des suceurs. Trop puissants, trop nobles, trop beaux. Twilight et ses bluettes, non merci, retour aux fondamentaux : Romero hait Juliette. Terminé, le règne des chauves-souris à jabot. Mais soyons honnêtes : les zombies aussi ont été malmenés (Zack Snyder, je te souhaite de te faire dévorer ton petit cerveau par le zombie d’un caniche, quand bien même la séquence d’ouverture de ton Armée des morts me hantera jusque dans la tombe, avant de… vous savez quoi).  Pourtant, drôle de paradoxe, ils sont résistants. Malgré leurs intestins débordant sur leurs baskets et leurs tronches en biais, le temps n’a non seulement pas prise sur eux, mais les voilà qui déboulent (en 56k, certes mais essayez de courir avec un pied en moins) plus que jamais sous les projecteurs.  Une bien bonne nouvelle, en vérité.
Car tel ton grand-père revenu d’entre les morts pour passer au human drive in, je dévore tout ce qui fait peur depuis longtemps. Les zombies devaient forcément se trouver sur ma route à un moment donné. Il y a eu des niaiseries avec des punks qui baisent sur des tombes avant d’être zombifiés, hantant les rues en psalmodiant des « Cerv… eau » à tout bout de champ et qui finissent bousillés à la bombe par une armée US dépassée par le phénomène, des nazeries en VHS louées au vidéo club jouxtant mon logis (en vrai, je causais pas comme ça à 12 ans), et puis il y a eu Romero. Et là, fini de rigoler. Je ne vous refais pas le couplet « Night Of The Living Dead est le chef-d’œuvre initial du genre et son successeur à tout jamais inégalable, Zombie, modèle de survival à la sauce politique (même une galerie commerciale ne vous sauvera pas la vie) met la fessée » ; juste rappeler que cet artiste, comme tant d’autres, n’a ni la reconnaissance ni le succès qu’il mérite. Mais bon, on n’est pas là pour faire ouin ouin, plutôt « Aaaaahhhhhhhh !!!!!! Il m’a mordu ! ». Ben oui connasse, faut toujours surveiller le hors-champ dans un film de zombie.

Zombies : les losers vous saluent bien (et vous mangent le foie)

Mais comment une tel bande  de losers a-t-elle pu s’emparer du trône de la création mainstream ? Pas sexy, lents, cibles faciles, rien chez eux ne fait rêver. On devrait pouvoir s’en débarrasser facilement, on les sous-estime et à l’arrivée, on se fait croquer. Les uns après les autres. Jurisprudence Romero une fois de plus : chez les zombies, l’union fait la force. That’s politic. Again. C’est l’heure de la minute socio-économico-culturelle-à-la-con, avec le professeur Vintuijoureplutar : « Comment ne pas voir dans cette cohorte de traîne-savates le reflet de la société actuelle, où une poignée de puissants domine le reste du monde ? Dévorer son patron, son élu, ou, pire pour eux, les transformer en décérébrés aussi insignifiants que ceux qu’ils gouvernaient cinq minutes avant, quoi de plus politique ? Quel autre parfum donner à ces morsures, que celui de la revanche ? » Quel poète lyrique, ce professeur Vintuijoureplutar. En tout cas, sûr que si sa carte d’électeur n’était pas aussi périmée que ses globes oculaires pendant sur ses joues, le zombie voterait à gauche. Les révolutions ne se font que quand le peuple a faim ? Manger est l’unique préoccupation du walker.

Mais revenons à l’essentiel : la sueur froide, la tête rentrée dans les épaules, la couette qu’on remonte jusque sur les yeux quand un enfant risque de tomber dans les pattes d’un zombie, la terreur absolue qu’inspire un monde infesté de zombies. Avec eux, le survival prend tout son sens. Pourquoi ont-ils déboulé ? On n’en sait rien. Mais tout ce qui compte à présent, et pour tous les jours à venir, c’est de ne pas devenir comme eux, de ne pas être contaminé. La récente série The Walking Dead, adaptation de la BD, est un modèle du genre, qui va taper dans toute l’histoire du zombie mis en scène : réveil du principal protagoniste sur son lit d’hôpital (merci 28 jours plus tard, qui dit lui-même merci à Romero) découvrant au fur et à mesure que le monde qu’il connaissait est MORT. Notre voisin de bureau, Mr Ig, avait très bien causé de la saison 1 : ici, une seule chose compte, ne pas crever. Ne pas devenir comme eux. Après le choc de cette saison initiale, aussi sèche et âpre qu’un tibia sucé par un enfant de quatre ans aux yeux morts et aux joues pleines de sang, la suivante prend le temps d’observer cette poignée de survivants dépassés par le phénomène, au point de risquer de s’entretuer ; un comble. On sort de là en murmurant dans sa barbe que la vie est absurde mais qu’on fera tout pour ne pas la perdre. Et s’il faut tuer des enfants, ou du moins ce qu’il en reste, on appuiera sur la détente sans hésiter. Ne serait-ce que pour protéger les siens, d’enfants. C’est l’heure de la minute ouin ouin familial, avec le professeur Doltohoutar : « On ne regarde pas une BD ou un film de zombie de la même façon si on a des enfants ou pas. » Je confirme. Il n’y a pas si longtemps, je me suis refait l’intégrale de Walking Dead  en BD, à la Fnac. Seul au milieu des autres dévoreurs de BD gratuite, j’ai failli me mettre à chialer plusieurs fois. Mais je ne me suis jamais senti aussi vivant, ceci dit. J’ai quitté la boutique la tête haute, me convaincant que le désespoir et la tristesse ne se lisaient pas sur ma figure. De toute façon, la meute faisant la queue n’avait d’yeux que pour les caisses enregistreuses au bout de la file d’attente. Je suis rentré et j’ai téléchargé illico Death Valley.

Rien de tel qu’une bonne rigolade et des coups de tronçonneuse dans la têtes de walkers plus SDF que jamais, pour oublier sa fin prochaine. Et ça aussi, c’est un signe que les zombies ont la cote : quand un genre commence à être parodié, c’est qu’il a pénétré la sphère mainstream. Bon, on le savait depuis Shaun Of The Dead, mais Death Valley pousse le bouchon un peu plus loin. La vallée de San Fernando envahie depuis un an par les zombies, les vampires et les loups garous (toujours sans explication, hein), une unité spéciale de policiers, les UTF (Undead Task Force !), filmés 24/24 par une équipe de journalistes, bottent le cul des monstres de tous poils. C’est aussi idiot et surréaliste que  Scrubs, notamment les discours du chef de l’unité (qui conclut chacun de ses briefs par un « And now, let’s get out there and kill something ! »,  c’est souvent peu crédible mais on rit (beaucoup), on a peur (un peu), on râle à chaque « bip » masquant les gros mots (ça passe sur MTV…) et on applaudit l’épisode rendant clairement hommage au Assault On Precinct 13  de Carpenter. Où les assaillants, ça alors, ressemblaient à s’y méprendre à des zombies.

Arrivé là, ne me reste plus qu’à souhaiter que jamais les zombies ne soient twilightilisés. Ceci dit, une love story entre amoureux perdant leurs dents pendant un baiser, ça pourrait être marrant. Mais en attendant, il faut les remercier : grâce à eux, on peut être à la fois mort de peur et mort de rire. Vivants, quoi.

Crédit photo : Xavier de Bordeaux 

5 commentaires

  1. Yeah ! Zombies are not dead !
    (Et à 12 ans, tu ne parlais pas comme ça, effectivement… Par contre, je pense que tu passais autant de temps à mater les jaquettes des films d’horreur que celles des films qui étaient juste dans le rayon d’en face…)

  2. Moué… Effectivement tout est dans le titre : on ne tease (encore) que les zombies « mainstream » , les produits vidés de leur sang-sens politico-existentiel-post-situ.

    Du coup, nous les nerds de l’oundergrounde2merde ben OSEF un peu des films et sitcom cités au-dessus non …. où suis-je de mauvaise humeur ?

    Et puis le terme « loser » est anglais… à la limite en parisien 19ème rive quai de la Loire avec deux « o »… Localement (nationalement parlant dans l’Europe) j’préfère le terme « crevard » et on pourrait tiens inventer le mot « crevants »…. « Crevant » comme toi et moi et puis aussi l’autre là mieux Loti Pierre ! mais l’argent ne fait pas l ‘honneur ma bonne dame (passe-moi ton mak book pro que je le revende au crash express de Rambuteau).

    Trêve de branlette en novlangue, je vous conseille en plus des films cités plus haut, vivement de visionner en VOSFR le seul film digne d’un George A. Romero et d’un Mike Leigh (oui tu as bien lu et période « Naked » pas les conneries cannoises….)

    « I, zombie chhronicles of the pain » d’Andrew Parkinson (et son second DEAD CREATURES)

    et la récente série anglaise DEAD SET pour son côté post-situ 2.0….

    J’allais oublier ce film Zombies Anonymous aussi également pour la critique sociale (grosse satire goreuse) car il faut bien le dire que Pépé Romero a perdu de sa hargne depuis un bail….

    A votre serf-Vice.

    TH

    PS a signaler un article sur les zombies « politique des zombies » à lire (le SR est mon relecteur si si si….)

    http://www.revuedeslivres.fr/PDF/RdL_3_presentation.pdf?PHPSESSID=5909443f683a9f7c39e911a3a35efcd6

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