Jean-Michel Hieaux publie l’un des réquisitoires les plus accessibles et admirables de ce début d’année. Il dresse un constat sans concession d’un pays qui se pourrit de l’intérieur (et il a raison).

J’ai toujours aimé les appels à l’aide. Je me plaisais à observer, avec un regard non dénué d’un intérêt presque fasciné, ces hères qui gesticulaient au milieu de rues bondées, dans le métro, avertissant, entre deux supplications, des dangers que ce pays risquait de connaître s’il ne s’occupait pas correctement de sa population malade. J’aimais ces petits moments de vérité dans des journées qui me menaçaient quotidiennement de lassantes routines. J’aimais ces discours non structurés, qui hélas ne seraient jamais complètement entendus.

Un pays qui boîte

arton644Ce cri d’alarme se transforme en S.O.S d’un économiste en détresse, avec Jean-Michel Hieaux, qui publie aux éditions Michalon La France en panne d’envie. C’est un essai qui ressemble à un discours de politique générale (ou d’intervention télévisée de Bernard Tapie, dont on parle page 33) avec un auteur presque aussi amer que moi lorsqu’il constate que son pays est à la traîne dans la grande compétition de l’économie mondialisée, avec des preuves chiffrées qui font froid dans le dos – mais qu’on ne vous montrera pas ici, l’auteur n’ayant pas envie d’avoir sur sa conscience des suicides collectifs. A la différence de l’auteur de ces lignes qui rédige ce qui semble bien être une critique (salaud !), Jean-Michel Hieaux n’est pas un connard aigri mais un expert lucide, qui, placidement, explique pourquoi et comment la France est en panne.

Jean-Michel (je l’appelle par son petit prénom) ne ménage rien ni personne : grandes entreprises, politique, médias, tous en prennent pour leur grade, pour des raisons que vous et moi connaissons presque déjà (les grandes entreprises cultivent le culte du résultat. La politique se regarde parler, promet des choses qu’évidemment elle n’appliquera pas. Les médias, bien contents d’avoir de quoi bouffer, se régalent dans ce repas de vermines, etc). Le livre de Jean-Michel Hieaux est telle une élection à Brignoles (Var) : il explique un échec retentissant en avertissant et en montrant du doigt l’actuelle hypocrisie de ce à quoi naguère nous croyions.

Marie, si tu savais

Aucun essai n’est plausible à mon sens sans une mise en situation concrète. C’est l’exemple de « Marie » qui semble être le plus parlant. « Marie », c’est la working-girl en communication, harassée car elle doit tout faire soi-même ou presque, mais qui se tait car elle est contente d’avoir un job, c’est déjà ça. On peut, à terme, tous dire un grand CIAO à l’épanouissement personnel au boulot. « Hantée par les problèmes de la veille, elle a peur du lendemain. » On appréciera la jolie formule recherchée (sans être du Voltaire, concédons-le).
On pourrait écrire un essai sur cet essai car tout y est : une introduction qui sonne juste, un développement exhaustif qui ne nous laisse pas sur notre faim (même en période de Ramadan, c’est dire !), une conclusion et même des propositions. Jean-Michel Hieaux serait-il notre Michel Rocard soft ? Aussi certainement que les grands hommes (Rocard, de Villepin) ne seront jamais populaires, le livre de Jean-Michel Hieaux sera considéré, lu, apprécié sans aucun doute, mais notre belle hypocrisie française refusera toute application concrète dans notre « triste pays ». Pour conclure, ce livre est une jolie suggestion. Mais comme beaucoup d’entre elles, elle trouvera hélas porte close

2 commentaires

  1. J’ai pas lu, je parle donc juste de l’article mais les grandes entreprises se portent bien. Enfin pas plus mal qu’avant pour celles qui ont su s’internationaliser et qui du coup comme toutes les grandes entreprises internationales roulent pour leur compte et pas pour leur pays. Et puis pour ce qui est de l’épanouissement personnel au boulot allez faire un tour dans les pays leader (allemagne USA) vous verrez que ça les feras bien marrer. Bref je vois pas où la France a des problèmes super différent des autres…

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