Loin de la cacophonie ambiante, un label français fondé par un saxophoniste pileux continue encore et toujours de résister à l'envahisseur grâce à des sorties parfois méconnues, mais toujours fascinante. Rubin Steiner, qui décline toute responsabilité quant aux procès pour copinage (Quentin Rollet et Isabelle, les boss de Bisou Records, sont ses amis) a décidé de nous raconter cette histoire baveuse. 

Quentin Rollet fait partie de ces gens dont l’évocation du CV est à elle seule une fiche de révision d’une certaine musique underground de ces vingt dernières années. Cet attachant saxophoniste fut en effet, dans les années 90, un des artisans de la rencontre des musiques improvisées / free-jazz / expérimentales et noise avec le post-folk-blues américain, les bricolages électroniques de l’époque, la chanson française, le dub, les musiques de films X et même la House Music. Rappel pour ceux qui n’auraient jamais entendu parler de lui et de son saxophone, Quentin était membre de Prohibition de 1994 à 1999, a joué avec David Grubbs, The Red Krayola, Bästard, Ulan Bator, Dragibus, Costes, Red, Herman Düne, Charlie O, Akosh S. Unit, eRikm, Mendelson, aussi bien sur disque que sur scène et a monté en 94 le label Rectangle avec Noël Akchoté, produisant une grosse soixantaine de disques en 10 ans. Voilà pour le résumé V.I.P.

Aujourd’hui, c’est avec Bisou Records, le label qu’il a monté avec Isabelle Magnon, qu’il continue de raconter cette histoire en marge, dont quelques noms vous ont peut-être déjà tapé dans l’œil à la lecture des phrases précédentes. N’allez pas chercher de ligne éditoriale chez Bisou, le label semble n’avoir pour but que de continuer à faire des disques au gré des envies, avec les amis, sans se poser (trop) de questions, et continuer d’une certaine manière à tisser des liens auxquels personne n’aurait jamais pensé (avec Rectangle, de mémoire, il avait quand même sorti des disques de, entre autres, Katerine, Fred Frith, Phil Minton, Lee « Scratch » Perry, Noël Akchoté, Derek Bailey, Otomo Yoshihide, Andrew Sharpley, Costes et SebastiAn). D’ailleurs, la première sortie Bisou, il y a quatre ans, était un superbe enregistrement live de Graeme Allwright et Steve Waring (demandez qui c’est à vos grands-parents si vous ne connaissez pas), qui a été suivie par un album de Ghédalia Tazartés, puis un livre-disque pour enfant de… Jean-Louis Costes (si vos grands-parents kiffent Costes, Tazartès et Graeme Allwright, vous devez être aujourd’hui quelqu’un d’ouvert sur le monde).

Byg Bisou

Le grand écart ? Pas si sûr. Il y a un état d’esprit Saravah / BYG / Actuel chez Bisou, un esprit libre (pour ne pas dire libertaire) qui maintient le souffle des années 60, 70 et 80 dont Maxime Delcourt parle dans son livre Il y a des années où l’on a envie de ne rien faire (Le Mot et le Reste, 2015), et ça c’est essentiel pour rester en vie, le souffle. D’ailleurs il en est beaucoup question de souffle chez Quentin Rollet, qui en use des plus belles manières avec son saxophone sur l’album « On Your Body Landscape » avec Thierry Müller (de Ruth, Ilitch et Arcane), sur celui avec Edward Ka-Spel (The Legendary Pink Dots), Steven Stapleton et Colin Potter (Nurse With Wound) ainsi que sur « L’entrée des puys de grêle » avec Jean-Marc Foussat et son père, Christian Rollet, membre du Workshop de Lyon dont Bisou a également sorti un magnifique coffret pour le 50e anniversaire (et en vinyle chez Le Souffle Continu, disons que la boucle est bouclée).

J’exagère exprès les citations de noms de groupes qui, n’ayez crainte, vous sont probablement inconnus, mais c’est fait exprès. C’était comme ça qu’on découvrait des choses dans les années 90, en lisant des noms de groupes inconnus dans des fanzines comme Peace Warrior, Revue et Corrigé, Octopus et compagnie, sans liens Bandcamp ni Youtube. Je ne dis pas que c’était mieux, mais vu que ce n’était pas immédiat, on devait faire l’effort de se souvenir – soyons francs, qui se souvient aujourd’hui de ce groupe génial découvert il y a 15 jours au hasard d’une écoute sur soundcloud ? Et vu que Gonzaï, quoi qu’on dise, est à bien des égards l’enfant des fanzines cités plus haut, il n’y a pas de raison à s’amuser à reprendre les codes de l’époque des photocopieuses, c’est à dire le plus d’info possible sur une demi feuille A4. Tiens, pendant que j’y pense, Bisou vient de sortir un drôle d’album du génial Eugene Chadbourne dont la pochette a été dessinée par JC Menu : je n’en dirai pas plus (mais vous allez adorer).

Et pour la phrase écrite en gras pour les lecteurs pressés, je propose celle-là : les disques Bisou sont une bonne porte d’entrée à la musique étonnante et vivante, tantôt douce, rêveuse, électronique, caressante, tantôt dégénérée, improvisée, violente, radicale et hardcore. Maintenant, vous pouvez retourner sur Facebook.

http://www.bisou-records.com

PS : Message à ceux qui finalement ne sont pas retournés sur Facebook, vous pourrez bientôt aller voir Quentin sur scène, et connaissant le bonhomme il fera un stand de merch, vous pourrez lui acheter des disques. Il jouera aussi à l’Espace B le 5 avril en première partie de UUUU (avec des membres de Wire, Coil et Tomaga dedans) en duo avec l’impressionnant multi-instrumentiste Jérôme Lorichon, qui tenait les baguettes de Purr dans les années 90 et a joué dans tellement de groupes que google plante quand on s’essaye à faire des recherches sur lui. Vous le connaissez peut-être comme percussionniste de Zombie Zombie ou bassiste / clavier / trompettiste de Don Nino, deuxième cerveau de Berg Sans Nipple ou encore sur les disques de Yeti Lane, Heliogabale, Orval Carlos Sibelius, My Name Is Nobody et j’en oublie. Bref, ces deux là ensemble, c’est un mystère très excitant.

Quand je leur ai demandé ce qu’ils comptaient faire, Quentin m’a répondu que Jérôme jouerait probablement avec des générateurs de fréquence (matériel médical ? De mesure électrique ?) et lui du sax, « mais à l’inverse de ce qu’on m’a appris au conservatoire. Je vais utiliser un ampli sur scène pour faire des larsens, les sons percussifs et les « souffles ». Tu vois ce que ça donne ». Effectivement, je vois très bien ce que ça donne pour l’avoir vu de très près, et c’est vraiment dingue. Je ne peux pas en dire plus, la musique improvisée, c’est impossible à expliquer. Coltrane en est mort, c’est pour dire. Rollet et Lorichon, eux sont bien vivants. Profitez-en.

22 commentaires

  1. de la house?, en veux-tu en voilà?, moi, je t’offre des pâquerettes sur la passerelle…..du guillotiné….

    1. Et oui, de la bonne grosse house music. Je pense bien sûr aux 45t de Charlie O et Luigee Trademarq. Comme Pétassine et Proud to be there par exemple.

        1. Et moi ce que je reproche aux trolls de province comme toi, c’est que généralement ils ne prennent pas le temps de
          1) Lire les articles avant de commenter (tu te serais alors rendu compte que je parle de Rectangle)
          2) De se renseigner avant de raconter des conneries (et oui l’ami, je ne suis ni pigiste, ni parisien)

  2. rubin steiner je connais ta carrière musicale depuis tes tous debuts ,arrete de me prendre pour une buse provinciale ,je t’ai meme vu en concert a metz ou nancy une fois et je me suis fais chier

  3. et j’ai aussi vu que tu parle de rectangle ,mais trop peu c’est un label qui merite qu’un scribouillard de pigiste de gonzai nous pondent un vrai article de fond

    1. j’aime pas caribou, steiner, b lodda, todd terje, dalcan, Voulzy & souchou, -M-, p.vidal, Noah, acid arab, amp fiddler, low jack, prins tomas, camille, dj mehdi, les sport-wear, les wigs, les btls plastics, les manteaux de ziblines, la couleur R.

  4. ah ben oui akchoté il est passé en mode « je sors tout moi meme sur internet, j’enregistre le matin, c’est en ligne partout à midi, comme ça je peux faire un disque par jour » depuis ^^

  5. les exemples de ‘houze’ sont plutôt maigres, simplet et craignosse, je n’ai pu saké que songs from a room sur rec rds- le steiner y joue du pipo dans l’O, c du même tOpO, nesta12 tu a la gouaille, mais le reste ?

  6. apres que le Rouffe trade tokyoïde usse fermer le rough trade disquaire ‘juize’ D l’acceuille, pour encore durée plus que sa durée.

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