Il y a un an, Koudlam avait dit Goodbye et il fallait le croire : sûrement occupé à Mexico City à arroser ses cactus de tequila tiède, il a décidé de tourner le dos et le chapeau, annulant, plus ou moins au dernier moment, son live at Noisieliuacan. Ca ira pour cette fois mais l’impatience se fait de plus en plus rude chaque fois que je pense à ses shows, chaque fois que je me dis que cette fois ce sera le bon, chaque fois que je me dis que c’était raté mais immense. En attendant le prochain, j’aimerais y revenir avec un exemple de concert de Koudlam. Parce qu’on ne parle jamais assez de lui, même quand il n’a pas d’actualité, et qu’il ne faut pas se gêner pour sortir les bonnes vieilles reliques à son sujet.

Un bon moment que le nom circule de Disneylando jusqu’au fin fond des cambrousses mexicaines. Notre non-identifié national est arrivé avec un premier album officiel, précédé d’un autoproduit (Nowhere) et d’un maxi EP  difficilement trouvable à l’heure qu’il est, Live at Teotihuacan (c’est son nom et c’est un album studio) qui contient un grand morceau – dans tous les sens du terme, toutes hauteurs confondues : The Great Empire, de la même durée que le Yoo Doo Right de Can. Une chanson hétérogène qui en contient bien 2-3 à l’intérieur même (intro qui laisse le temps de le voir arriver comme los bastardos dans le film du même nom, longue plage ambient, farandole de synthés, au milieu, la voix trouble entièrement humanisée de sa Sainteté) et la progression d’intensité qu’on attend dans ce genre d’expérience. Koudlam pose enfin un pied à terre – façon de parler vu qu’il reste, en vérité, insaisissable. Dire que Goodbye est la version propre de ses exploits précédents (déjà rares, déjà cultes, ceci n’expliquant pas forcément cela pour cette fois) c’est aussi écrire qu’il était attendu au tournant, au carrefour des activistes qui ont prouvé que le futur leur appartenaient déjà.
De Koudlam, on ne peut pourtant pas parler d’« artiste prometteur », ou de « coup d’essai, coup de maître ». D’abord parce que ce serait le mettre au même niveau que bien des artistes qui ont droit à ce genre de faveurs et qui, en vérité, ne promettent pas autant qu’on oserait le croire ; ensuite parce qu’ici ce n’est pas un coup d’essai ou coup de maître, plutôt coup coup de lame. See You All, selon l’interprétation, c’est par définition l’érudition et – au-delà même du caractère sacré que l’on attribuerait à la musique – l’introspection en plein dans la conscience et la sensibilité de l’humain. Koudlam ne vient pas de l’underground, il vient d’ailleurs encore, il vient de nulle part ou de partout (tout dépend d’où on se place). Goodbye ? Pas d’inquiétude, Goodbye ici, Hello ailleurs, c’est le salut qui est son propre oxymore : au revoir et bonjour, salut, à la prochaine fois. Et toi comment tu vas ?

Live At Flèche d’Orhuacan

Ca va, devant la Flèche d’or, la foule a su se faire attendre, et comme le temps c’est des litres de blanc, on a pu continuer l’apéro tranquille sans avoir à se bousculer. Un peu plus d’une heure après donc, c’est le coup d’œil rapide qui fait l’affaire, le coup de main, hop, loucher un peu partout, vers le coin fumeur, à l’arrière du couloir ou sous le grand rideau de la même couleur que le Bordeaux. Dans ce cas-là, soulever la grande jupe de la scène. En fait, pas besoin : dans la tête, se multiplient les annonces au micro inventées, du style « le petit verre du nom de Saberio est attendu à la table 3, merci au propriétaire/géniteur de venir le récupérer ». Le problème majeur dans cette situation, c’est que le propriétaire s’en fout royal au bar, il laisse derrière lui et au milieu de tant d’inconnu(e)s, un verre vierge et, du coup, orphelin. Décider généreusement de le prendre sous son aile, autrement dit de le voler, mais pour le rendre. Direction le bar là-bas, qui fait les angles et qui comporte une horde de garde du corps (protection de l’ivresse des mineurs, casse couilleries pour les gens du volants etc), ah non, c’est, en fait, une bonne trentaine de trentenaires qui ont un coude ou deux posé(s), en attendant le gobelet en verre de 1 euro. Voici les triplés et la petite sœur – ça fera 4 euros, ce qui est, en réfléchissant, assez proportionnel au prix d’un taxi moyen par rapport au nombre de kilomètres, comptant la quantité d’énergie dépensée pour aller les chercher à un endroit différent, marcher plusieurs mètres et aller le déposer. 4 euros qui vont en plus être lâchés pour l’essence. L’addition, s’il vous plait : 1 verre vide + 1 verre vide + 1 verre vide + 1 verre vide = 1 plein. Un échange de bons procédés : faire le service bénévolement – pourboire prend tout son sens.

Bref, entre deux, une lointaine collègue trouve que Koudlam fait peur, qu’à travers son inaccessibilité se dégage une face inquiétante, voire hautaine, ce qui va de soi, excusez moi : le public ne peut qu’être regardé du haut (de la scène), une petite méprise concernant le mépris – pourquoi non ? Dans l’enfer(mement) de la fumée overground, une Américaine et une Française (passons les détails mais la deuxième avait un drôle d’accent américain) me parlent de la voix sublime de celui qui croone quand l’envie l’en prend. Yudj (c’est bien sûr un faux prénom, par respect de confidentialité, en vérité c’est Eugène) me dit qu’on sent les « faux instruments », que d’habitude ça ne le gêne pas forcément mais là un peu quand même. Pas très intéressant mais sa remarque vient du coeur et c’est le principal. En position stratégique – entre bar et WC – (le point de vente habituel en fait) Turzi, sous le beret, distribue les œuvres de Pan European – Under The Moon Of, Goodbye… Live At Teotihuacan !!! Arrêt sur image mentale : ARGHHH merde, je peux pas me le procurer maintenant, ça va pas être pratique pendant le show de tenir le vinyle sous le bras ! « Oui, c’est ce que tout le monde m’a dit ! ». Aïe et il y est pas en compact ? « Eh nan ! »
Sinon ça va, ils partent bien les disques de Koudlam et Turzi ? « Ca peut aller, on n’en vend pas des wagons non plus mais bon. Ma femme gueule un peu ! » Bon, Koudlam en tout cas s’en sort bien : grosse attente l’année dernière, papiers élogieux de partout et ahaha 2ème dans le top 10 Technikart ! « Ouais mais « B » n’y est pas, je crois que Sabatier l’a pas trop aimé, récemment à part un truc sur Jean Michel Jarre, rien…» « A » y était, à la même place que « Goodbye », en 2007, chacun son tour, puis encore mieux vous êtes cités pour le Fuck Buttons qui, lui, y est. Lui, perplexe : « ouais, boarf comme une référence ?! »

Good Came ?

Donc Koudlam à la Flèche d’Or. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il l’ait joué homogène et sobre (hélas ?) et c’est en même temps le plus qu’on puisse écrire là-dessus : à poil, c’est à dire dans son plus simple appareil (exit costard/lunettes, juste la bite et le couteau) portable tout près, micro/lame donc, clic changement d’instru et ce pendant un trop court set, potable certes mais générant forcément l’insatiabilité. En revanche, l’exaltation générale d’une fosse pas le moins du monde sceptique suffira à laisser une nette meilleure impression qu’à l’Elysée Montmartre où le sentiment d’avoir été privilégiés donc mieux « traités » dominait devant le résultat parfois brouillon, foutraque tout au long ; le héros qui glisse, se rétame les quatre fers en l’air, tranquille – lui conférait forcément une dimension humainement sympathique. Pour cette fois, littéralement, il s’est moins cassé les fesses.
Bien sûr qu’on veut du spectacle pour les sens, sinon quoi, ça n’a pas de sens. Bien entendu, dans l’adoration de ses disques, on attend de « la hauteur », donc de la grandeur, que l’Artiste fasse claquer le bouchon du panache au plafond, au-delà, qu’il le troue. Et qu’il porte la marque de ce qui le distingue, de ce qu’on a appris à aimer lui appartenant, qui donne sa singularité, qui fait que s’il l’enlève, c’est un autre. Contradiction : se présenter nonchalant, sans l’attirail qui, notamment, le rendrait moins abordable, lui attribue davantage de prétention – conséquence de la déception. Toutes réactions de mécontentement par rapport à cette histoire (même si ça concerne sans doute 10 personnes tout au plus, et encore : chipoteuses, grincheux, et autres enflures) posent cette forme de déduction on ne peut plus positive : (qu’il est horrible ce terme mais) « l’univers » Koudlam a le mérite de s’imposer direct, ce qu’il incarne perturbe – celles et ceux qui l’écoutent le savent. Et aux petites habitudes de s’installer rapidement. Aux petites espérances de s’évanouir méchamment.

N’empêche, on l’a cerné, ou c’est de l’illusion pure ou de l’idéalisation brute. On est tombé amoureux de ses mystères, on aime trainer avec. Koudlam, ça fait un peu comme quelqu’un qu’on connaît depuis quelques mois seulement mais qu’on a l’impression de côtoyer depuis des années. On lui fait confiance, peu probable qu’il déçoive et même s’il déçoit, dans le fond, c’est pas trop grave. Sacré se lit bien au sens propre comme au figuré. Là on voit bien le manque d’objectivité – l’abus de stroboscopes qui rend aveugle. Mais on le voyait bien. Dieu a un prénom, Gwenael, un visage, et sa musique reste fantasmatique – et fantastique. Voilà. Now, I Can See In Him All.

http://www.koudlam.com


12 commentaires

  1. J’aime énormément Koudlam, je le considère comme un véritable Héro de la musique, et je passe le fond de ma pensée…je ne suis pas journaliste.

    J’ai vu beaucoup de ses concerts et je n’ai jamais été déçu. Même ceux ou il est « nu » comme vous dites, sans lumière, avec juste comme vêtement une épaisse fumée, et lui , seul avec son ordi et son micro.

    Par contre ce texte me déçoit. Le ton un peu sournois, trop dans le « faux piquant tendance » pour donner un faux relief et une fausse « attention » m’épuise un peu…

    D’ailleurs je trouve ça bien de parler de Koudlam, très bien, mais pourquoi ne pas parler un peu de ce qu’il est en train de sortir? De son nouvel album? De ses nouvelles BO? Ou de sa futur sortie en Angleterre par ex? Ou alors même de ces nouveaux concerts? Peut être tout simplement du généralissime concert au BUS PALLADIUM ou celui absolument Grandiose de L’OLYMPIA?

    Pourquoi parler de ce concert à la flêche d’Or- qui était très bien et surpeuplé- d’il y a bientôt 1 an? Mystère! Peut être n’avez vous rien vu d’autre… j’en ai bien l’impression…

    Enfin bref, il y a quand même de nombreuses phrases ou je vous suis complètement, mais pitié, sortez un peu plus… et renseignez vous…

  2. Cher Erik,

    je conçois tout à fait ce que vous dîtes, même si je vous trouve un peu râleur (ce qui fait que vous allez dans le même sens que ce texte!).

    D’abord, comme vous, j’aime énormément Koudlam et je doute que ce texte avance le contraire.
    Même avec juste l’ordi et le micro, même sans aucun artifice ou mise en scène, ce type réussit à être intense et à mettre en transe. Il faut lire ce texte comme une charge contre la lucidité. Il est aussi là pour dire que la subjectivité l’emporte (j’ai beau essayer de dire un peu de mal de quelqu’un que j’aime qui n’a pas été parfait, il l’a quand même été pour moi). Aussi, c’est essayer d’écrire la vérité, être en recul – même à un niveau temporel du coup ! – (ce que vous appelez sournoiserie, j’appelle ça ici humour mais bon… en revanche, sournois, dans votre commentaire, vous l’êtes !). Puis même si je n’ai jamais lu ou entendu dire du mal de Koudlam (quasiment toutes celles et ceux qui ont la chance de le connaître l’adorent), je ne suis pas le seul à avoir émis quelques petites réserves sur certaines de ses prestations (des personnes qui étaient avec moi ce soir-là jusqu’à la page « nuits blanches » de Magic).
    Parler de Koudlam, ce texte est effectivement là pour ça : je n’ai trouvé, jusqu’ici, que 2 comptes rendus rapides d’un de ses concerts, et aimant lire des choses sur mes chouchous, j’avoue que ça me manquait. J’avais envie de me coller à l’exercice (à l’arrivée, qu’il soit satisfaisant ou non, c’est un autre sujet). Et c’est justement parce que je devais le revoir il y a 3 semaines à Noisiel et parce qu’il n’y a pas de sortie de nouvel album prévu cette année (où avez-vous vu ça ?) que ce flash-back se trouve là : c’est, quoi que vous en pensiez, un moyen de parler de lui, d’en remettre une couche, et à la prochaine « vraie » occasion – ou moins anecdotique, si ça peut vous rassurer – il aura sans doute droit à son papier !

  3. Cher Rosario,

    Je ne voulais pas vous critiquer gratuitement, je voulais juste donner le fond de ma pensée.

    Le texte n’avance pas le contraire en effet, mais je lui reprochais d’être un peu piquant pour le « style » et de ne pas parler derniers concerts.

    Oui j’ai lu qu’un nouvel album allait sortir à la rentrée 2011, en France et en Angleterre, alors je l’attends de pied ferme!!!

    En tout cas, merci d’avoir répondu et merci pour votre récit!

    à très bientôt.

  4. Et si le vrai visage de Dieu était la musique de Koudlam?
    Au lieu de s’allonger les mentons, les jumeaux auraient dû se faire greffer les oreilles de Dumbo.

  5. Erik, permettez-moi de ne pas être d’accord avec vous. Je ne vois pas trop ce que l’auteur aurait pu dire sur un prochain album pas encore enregistré, ni sur le fait que Goodbye sorte en Angleterre (sinon ça : Goodbye sort en Angleterre).
    Ce concert de Koudlam à la Flèche d’Or mérite qu’on y revienne près d’un an plus tard ; c’était sa première tête d’affiche juste après la sortie de Goodbye, la première fois qu’il jouait pour tous ceux qui venaient de le découvrir sur pièce (sur disque), et pas seulement pour les je-connaissais-déjà-avant.
    La présence de toute la famille Pan European dans le public, la prestation de Total Peace en 1re partie, dehors la queue jusqu’à la Rue des Pyrénées… tout ça concourrait à faire de ce concert à la fois un « événement » et une petite soirée à la bonne franquette.
    Vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=N0Ne-BPDdF0

  6. Hé les gens vous trouvez pas que vous exagerez un peu en faisant de ce mec un Dieu de la musique. C’est juste un gars qui a un certain talent pour composer une musique d’ambiance, une profondeur relative, sait utiliser des claviers et composer des mélodies simples avec, a un certain sens de la progressivité et pis c’est tout. Y’en a marre de prendre les musiciens pour des Dieux parce qu’ils font de la musique progressive tout ça parce qu’on vit dans une époque consumériste qui érige en parangon une musique de supermarchés d’aucun n’associeront aux 3/4 des groupes chroniqués dans tous les médias (même ici). Je dis pas ça parce que j’aime pas Koudlam mais j’ai vraiment l’impression que l’image prend le dessus sur le personnage et sa musique. Personnellement sa musique me colle un énorme froid, une impression de vide pas désagréable et dégage une certaine beauté mélancolique ou épique mais ne me fais frissonner ou vibrer à aucun moment. Cela peut juste être beau et bien fait sans être exceptionnel.

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