Un nom de groupe qui claque, c'est un détail qui compte. Prenez The Swinging Blue Jeans, personne n'écoute mais ça pose les sixties, la naissance du cool... Par contre Deep Purple, The Jam, The Who, sans parler de Téléphone, qui aurait misé un kopeck sur des noms aussi cons ? Une fois passé le jeu de mots pourri, si la galette n'est pas à la hauteur de l'accroche rock'n'roll, ça reste un nom perdu dans le cimetière des internets. Peut être que ce sera la pénitence des bien-nommés King Gizzard & the Lizard Wizard. Ou le contraire, qui sait ?

Le doyen Dwyer

Tout a commencé grâce à John Dwyer, le leader de Thee Oh Sees. Voilà un groupe au nom aussi sympathique que cryptique. Pour la petite histoire, en 2009, Jim Jarmusch sortait The Limits of Control. Pas son meilleur film mais bien mieux que la marche arrière d’un Droopy Murray vissé sur son canap’. Bref, invité à La Fondation Cartier pour une masterclass, le cinéaste aux tempes grises avait invité ses potes californiens Thee Oh Sees. Au seul nom de ce groupe étrange, les quelques présents ont alors pris la foudre. Ca couinait, ferraillait, ça s’étirait et bourdonnait dans tous les sens. Dwyer poussait ses cris féroces et sa six-cordes lui claquait le bec comme s’il était la réincarnation d’un Donald Duck halluciné. Depuis, Thee Oh Sees, on connaît l’histoire, s’est fait plus qu’un nom sur le circuit. Ajoutez à cela que John Dwyer a enfanté du diablotin Ty Segall, qu’il s’avère être le grand gourou de la meilleur scène garage des années 2000, et vous obtiendrez, selon la formule consacrée : « ce qui est arrivé de mieux au rock’n’roll depuis que votre mère porte des Converse ® ».

Mais Dwyer, entre deux aprèm passées à se défoncer devant des séries B martiennes, est aussi l’heureux propriétaire d’un label, Castle Face Records. Le catalogue, en dehors de Thee Oh Sees et Coachwhips (le premier groupe de l’homme tatoué) réunit les artistes les plus doués de la scène garage californienne. Ces mecs-là, cela n’a pu vous échapper, s’appellent Ty Segall, White Fence, Warm Soda, The Fresh & the Onlys… Ils font la joie de tous les festivals psyché qui poussent un peu partout. Car oui, le psychédélisme est à la mode. Qui aurait pu imaginer qu’à l’époque de la barre à selfie des individus rationnels et quelque peu conditionnés se lancent dans des voyages intergalactiques aux confins de leur psyché humaine? Sommes-nous tous devenus martiens connectés à des satellites uber-cool ? Peut-être aussi que la musique psyché n’a jamais cessé et que le psychédélisme, en dehors de Grateful Dead et compagnie, n’a jamais dérogé à sa mission trans-frontalière, à savoir : exploser les carcans et vous faire atteindre cette fameuse O-mind chère aux Stooges.

Fuzz à tous les étages

Quoi qu’il en soit, John Dwyer à bord de son vaisseau Castle Face Records a signé en 2014 un groupe australien répondant au doux nom de King Gizzard & the Lizard Wizard. L’album en question s’appelle I’m In Your Mind Fuzz et a tous les atours d’une riante et rutilante chevauchée psychédélique. Certes, ce n’est pas le premier essai d’une bande qui dénombre cinq albums en quatre ans et pas moins de sept cavaliers chevelus dans ses rangs. Mais c’est bien cet édifice qui fera date. Construite comme une odyssée fuzz prompte à vous secouer l’occiput, la face A enchaine sans répit des assauts monstrueux : voix brouillée, harmonica branché sur courant alternatif, papillonnements synthétiques, foudroiements réverbérés, ce geyser de couleurs est un puissant coït sonore. Ecouter Cellophane, c’est redécouvrir la 3D sans James Cameron. Or, ce qui, pour les pisse froid, ne pourrait être qu’une pale copie de Thee Oh Sees se transforme sur la face B en grand-huit coloré. Le tempo ralentit, la descente vous fait traverser des territoires inexplorés. Sur Hot water, on suit, perché, les échos d’une flûtine traversière, perdue au milieu d’une caravane sub-saharienne. Am I in Heaven ?, folle cavalcade sous perfusion Thee Oh Sees, invite à l’insolation au troisième degré avant un pique-nique avec des aborigènes affamés. Slow Jam 1 est le genre de potion que cette équipe de sorciers (deux batteurs, trois guitaristes) sait faire jaillir de sa marmite bouillonnante. Après un Satan speeds Up bien hippie freak, l’album se clôt sur Her & I (Slow Jam 2), rêverie low-tempo magnifiée par un groove envoutant et secouée d’étranges spasmes.

Bref, parce qu’il ne ressemble à rien, I’m In Your Mind Fuzz est sans doute l’un des meilleurs albums du cru 2014. Depuis, King Gizzard a sorti un EP répondant au doux nom de Quarters ! On pourra l’expérimenter live pour la première tournée française des gars de Melbourne au Paris International Festival of Psychedelic Music début juillet. Et si tout va bien, après ça, King Gizzard & the Lizard Wizard sera un peu plus qu’un nom qui claque.

http://kinggizzardandthelizardwizard.com/
En concert le 3 juillet à la Machine du Moulin Rouge

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