Avec « Vortex », les Rennais sortent un troisième album solide comme un trapèze d’haltérophile ouzbèque et foutent un Front-kick en pleine gueule à l’album de la maturité. Entretien. 

La dernière fois que j’avais rencontré les Kaviar Special, ils venaient tout juste de sortir « #2 ». On avait taillé le bout de gras autour d’une galette complète, d’une boîte de pâté Hénaff et d’une bouteille de Guigal. Ils racontaient que l’accouchement de l’album s’était un peu fait aux forceps et que le début de la promo se passait doucement. La classique de tout groupe de garage français des années 2010. Mais bizarrement, après une ou deux grosses dates, les programmateurs avaient commencé à les faire jouer et avaient très vite compris qu’ils n’étaient pas seulement là pour couper les oranges en début de plateau. Et puis, les Kaviar ont tellement tourné qu’ils sont devenus intermittents. L’histoire pas classique d’un groupe de garage français des années 2010.

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Mais alors que certains se seraient touchés la nouille en se remémorant leurs succès passés, eux ont préféré bosser comme des dératés. Le résultat, « Vortex », prend l’allure d’un bouquet final de feu d’artifice du 14 juillet et de ses infinies ramifications. Certains riffs de l’album sont de ceux qui réveilleraient Claude François et décrocheraient son téléphone en même temps. Si l’on vivait dans un autre monde, on serait tenté de dire que « Vortex » contient une tripotée de tubes. De Run Away et son synthé façon essorage 1 200 tours à la ballade pop-psyché Back To School, il y a tout ce qu’il faut dans ce disque pour vendre 1000 vinyles.

Pis cette production, cousue main. Paraît-il que ce n’est que du temps et des idées. Elle instaure une tension dans ce disque, quelque chose de sous-jacent, de quasi imperceptible et qui pourtant te porte presque mystiquement, du début à la fin. Entre grippe, Brian May de Redon et idées, rencontre avec les fils spirituels du garage français de Michel Sardou et Thomas Pesquet.

C’est le premier de vos albums qui porte un véritable nom. Mais alors, c’est quoi le « Vortex » Kaviar Special ?

Vincent (guitare) : En fait, je suis très fan de Brian May de Queen. Et je ne sais pas si tu es au courant mais il a un diplôme d’astrophysique. Ça m’a beaucoup inspiré lors de la composition du disque, dans lequel j’essaye de faire pleins de solos à la Brian May.

[Pour être honnête, je me suis fait trimballer pendant deux minutes et ce n’est que le lendemain matin que j’ai compris la supercherie. Mode crédulité OFF]

Cet album, c’est un énorme saut qualitatif par rapport aux précédent, avec un son monstrueux. Qu’est-ce qui a changé ?  

Adrien (basse) : On a utilisé un truc juste ouf qui s’appelle… le temps. Pour l’album précédent, on avait tout enregistré en une semaine. Pour celui-là, on a fait deux sessions de trois-quatre jours chacune, mais espacées de trois mois. On a pu prendre le temps d’enregistrer comme on le souhaitait. Par exemple, pour les parties de basse/batterie, on a été dans un autre studio qui résonnait un peu plus, pour davantage chiader la prise de son.

« Les mecs qui vont dans des studios hors de prix, ce sont des branleurs ! »

Et ce son, vous le recherchiez dès le départ ?

Léo (guitare) : Dans la mesure où l’on n’a pas tout le temps les mêmes idées sur les chansons, il n’y a pas vraiment de vous au départ. En fait, cet album, c’est le consensus entre les Kaviar Special et l’ingé son.

Adrien (basse) : Sur cet album, on voulait vraiment progresser. Quand certains optent pour un changement artistique radical, nous, on voulait s’améliorer dans la définition du son, que ce soit juste…

[Interruption par le départ du batteur grippé et pris de mouvements de troupes intestinaux]

Ce son traverse l’album et semble être son terreau. Une sorte de concept-album acoustiquement parlant.  

Léo : J’aimerais bien te dire qu’il y a eu un truc secret, une machine des années 1960’s sortie de derrière les fagots mais pas du tout. A part un plus grand studio, c’est quasiment la même recette que ceux d’avant. La chose qui a changé, ce sont les idées, la tête. Les mecs qui vont dans des studios hors de prix, ce sont des branleurs ! Il suffit juste d’avoir des idées et des personnes capables de les retranscrire.

Et d’ailleurs, qui l’a produit ?

Léo : C’est Dane Rapaïe du studio Pygmée, qui avait aussi travaillé sur le précédent.

Même au niveau des arrangements, c’est très fin. Je pense à Run Away, sans doute votre plus belle chanson jamais composée.

Léo : On voulait faire quelque chose de différent. Mais le secret, c’est le coté Os Mutantes avec le synthé et la guitare acoustique.

Car cet album, c’est aussi l’arrivée du synthé.

Adrien : Pour l’autre album, on était 7 jours en studio et tu n’as pas le temps de chiader certains trucs.

Léo: Tu sais très bien que tu as fait un pet’, mais t’as pas le temps.

Vincent : L’autre paramètre à prendre en compte, c’est qu’on a enregistré avec trois batteurs différents.

Léo : Le fait d’être intermittent nous a permis d’avoir de la thune et d’aller au bout de nos idées.

« Dès que tu es français, tu n’existes pas. »

J’ai cru comprendre que le titre Roadhouse était un hommage au film du même nom avec Patrick Swayze. Peut-on s’attendre à un prochain album des Kaviar « Special Cinéphilie » ?

Vincent : Un ciné-concert peut être !

Léo : En fait, dans ce film, Patrick Swayze est videur mais il jarte les gens en mode peace. Et la dernière des règles, c’est « Tu restes cool ! » Ce film a beaucoup inspiré Vincent qui en a fait un titre.

Est-ce qu’avec ce disque, vous avez l’impression d’avoir marqué la scène garage contemporaine ?

Léo : Ce n’est pas à nous de le dire. La réalité est qu’on a fait le disque qu’on a voulu et ça, c’est génial. Quand je réécoute le deuxième, je me dis « putain, j’aurais bien aimé refaire ma prise de voix ». Mais on n’avait pas le temps. Accoucher d’un album, surtout quand tu es en indé, c’est émotionnellement très fort. Après, on a voulu s’exporter un peu, on s’est pris des énormes vents. J’ai l’impression que dès que tu es français, tu n’existes pas.

Vincent : Je sais que sur « #2 », il y avait des choses que je n’assumais pas vraiment, là, j’assume tout.

Adrien : Et en fait, il n’y a que le temps qui peut te permettre ça.

Par hasard, vous n’auriez pas déjà un album en préparation, façon King Gizzard ?

Léo : Non non mais ce serait bien qu’on compose plus rapidement, on a sans doute un peu trop tardé entre les deux albums. Peut être utiliser des moyens de production plus home made. Sinon, tu ferais bien de ne pas arriver en retour à notre concert car il se pourrait bien que notre première chanson ne soit pas sur l’album…

Kaviar Special // Vortex // Howlin Banana
https://howlinbananarecords.bandcamp.com/album/vortex

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