Le son d’une éponge gorgée de sang rincé dans un évier en inox, c’est ce qui ressort de l’écoute du « Lost Themes II », deuxième épisode de cette bande-son sans film à l’intérieur duquel Carpenter rampe vers la porte de sortie. Trop lentement.

Nos demandes successives d’interview ayant été comme pour 99,99% de la presse française rejetées par un service promo qu’on imagine submergé, nous avons été contraints d’écouter l’album qui suit en entier afin de juger de ce que nous avions raté. Une fois mis de côté les regrets, à vrai dire, pas grand chose. Hormis peut-être le fait d’apprendre :

– que « Lost Themes » est à ce jour l’album le plus vendu depuis les débuts de Sacred Bones il y a huit ans.

– que le maître de l’horreur est encore une fois accompagné par son fils Cody et que comme à chaque fois qu’un gamin aide papa à descendre les escaliers, ce n’est pas une bonne nouvelle.

– qu’un autre fils célèbre est encore de la partie en la personne de Daniel Davies, fils de Dave (oui, le guitariste des Kinks). Pour en arriver à cet improbable casting de film qui verrait Véronique Genest croiser le fer avec Sylvester Stallone, il faut lire une encore plus étonnante interview du Billboard où papa Davies explique ses liens d’amitié avec John Carpenter, du temps où les deux étaient voisins à Hollywood, à une époque où le Kinks avait tellement le moral dans les chaussettes qu’il confia l’éducation de son ado au célèbre moustachu ; cette perdition parentale expliquant certainement à elle seule les pires moments de « Lost Themes II » et ses envolées guitar-heroïques tellement abominables qu’à côté, même du Joe Satriani 8-bits sonnerait comme du Tchaïkovski.

– qu’on peut être vieux, chauve, avoir fait carrière dans le Z avec le Chuck Norris de l’épouvante (Kurt Russell) et orchestrer à 68 berges un comeback international grâce aux bandes playback d’un disque goth de Mylène Farmer.

Voilà. Vous savez tout ou presque sur « Lost Themes II ». Non, je déconne. Enfin…

Si « Lost Themes » avait au moins le mérite de dissimuler une perle (Vortex) parmi les galets, sa suite prend le relai, en pire. Outrageusement pyromane, au point qu’on se demande si ce n’est pas Carpenter qui fait cramer la forêt de L.A. tous les étés, « Lost Themes II » est un tel condensé de clichés que cela en devient un soap opera version Bouffie contre les Vampires. Quelqu’un dans le studio – un jeune certainement, Cody ou Daniel – a eu cette merveilleuse idée de rajouter de vraies parties de batterie façon Phil Collins à ce qui faisait jusque-là tout le charme de cette musique bricolée (sans batterie donc). Sur des bravades mélodiques de l’acabit de Hofner Dawn, ce sont les chevaliers de l’apocalypse au grand complet qui débarquent avec un Michael Oldfield de Prisunic en croisade ; là où ces gens passent, le bon goût ne repousse pas. Et ainsi de suite pour toutes les pistes, toutes plus minuscules les unes que les autres ; petites vignettes sépia d’un monde où Carpenter faisait trembler les genoux avec un pot de sauce tomate. Un massacre, pour résumer, tellement bien réussi qu’écrire sur « Lost Themes II » donne l’impression de s’acharner sur une grand-mère coincée sous un caddie.

Restons positif. Prévue pour une sortie la veille du Disquaire Day, cette boucherie restera une bonne opportunité pour les jeunes parents qui achètent un disque par an de tenter de faire chialer leurs gosses avec ce vestige de la musique d’horreur du 20ième siècle. Il y a pourtant de grandes chances que ces derniers ne se foutent de la gueule de leurs ainés tant « Lost Themes II » fait l’effet d’un coussin péteur pour homme-tronc.

John Carpenter // Lost Themes II // Sacred Bones (Differ-Ant)
http://www.theofficialjohncarpenter.com/

À ce prix, autant se jeter sur la récente réédition sauvage de « Sentinel », bande-son composée par Carpenter en 1998 pour le célèbre jeu Playstation. Preuve que pour faire peur, l’Américain a toujours eu besoin d’images sur lesquelles s’appuyer.

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