Il a la démarche peu assurée et le corps étrange, une silhouette aux allures d'accident et la carcasse qui se balade de ville en ville comme une feuille volante. Fort logiquement, ap

Il a la démarche peu assurée et le corps étrange, une silhouette aux allures d’accident et la carcasse qui se balade de ville en ville comme une feuille volante. Fort logiquement, après le fantasme de l’ailleurs (A place where we could go, 2008, Los Angeles), la frénésie des danses rapprochées (Slow Dance, 2009, Paris), Jeremy Jay s’installe à Londres pour un Splash qui se lèche comme un bouquet d’orties.

Chez Jeremy Jay, difficile de savoir ce qui émeut, au premier regard. Ses mélodies mal assurées? Sa dégaine d’homme-enfant malhabile? Ses postures de crooner sous Valium? Le romantisme, il en déborde; on pourrait presque écrire que c’est son fond de commerce, qu’il en aura tombé des groupies avec ses popsongs de boule à facettes pour serrer les petits culs du haut de ses deux mètres bien tirés. Mais sortir des albums une fois par an (sa constance, depuis 2007), ça ne comble pas forcément son homme; alors Jay déménage souvent, pose au jardin du Luxembourg pour son troisième essai, prend des poses à la Dorian G(r)ay pour les touristes, se tire le portrait sur un bout de guitare presque deux fois par jour. Compulsif l’américain. Pour sûr, le grand dadais aurait aussi pu faire le bonheur de quelques thérapeutes, si Pitchfork ne l’avait pas sauvé des chambres de bonne et des gratouillages en fa dièse.

A bien des égards, l’air de Londres peut-être, Splash est un brouillon, du papier mâché moins flambant que Slow Dance. Moins « rétro-vintage », pour reprendre l’expression des friperies du quartier. Etrange album dénué d’émotions, Slash fait pourtant vaciller par instants. Just dial my number, sa mélodie du bonheur et son piano qui roucoule sec, It happened before our time et ses riffs pompiers pour éteindre l’incendie des 90’s, tout s’écoute d’une oreille, ressort par l’autre, vibrant comme une corde à linge distendue à l’intérieur du cerveau. Oublié les Gallop, les In this lonely town et autre Breaking the Ice, ces pépites qui peuplaient le monde glacé de Slow Dance. Un an plus tard, Jay délaisse l’artifice, baisse le volume des synthétiseurs, replace les guitares au premier plan. Plus consensuel, plus anglais, moins étonnant. Après l’hiver, c’est l’automne frileux. C’est bien connu ma bonne dame, « y’a plus de saisons ».

Puis tout se dérègle, en filigrane. En mélangeant les chansons de Splash (l’objectif final, vu le titre) comme du linge sale, certaines couleurs reprennent finalement leur éclat. A Silver of a chance, entonné sur un claquement de doigts et un bout de mélodie en arpège espagnole, s’enfonce lentement vers un refrain imparable, soutenu par une ligne de basse à la Sunday Morning de qui vous savez, sorte de road to Venus tiré par des chiens de traîneaux. Deux galaxies plus loin, c’est Out of the highway qui fait taire les hésitations, meilleure chanson du disque, indéniablement, riff étouffé comme un otage, voix lointaine et distante, brillante et pédante, moins évidente. Parce qu’en seulement trois albums, Jeremy Jay a imposé son style: un chant fatigué en réverb’, des accords efficaces au nombre de quatre sur le manche, une nappe de synthétiseurs pour jouer la nostalgie. En clôture, Wild Orchids ouvre l’horizon comme un générique de fin inachevée, mais que faire… on ne peut pas demander tous les jours l’impossible aux superhéros.

Dans une autre époque, on l’aurait imaginé gondolier ou chantre des balcons vénitiens, mais aujourd’hui, Jeremy Jay est simple chanteur à l’eau de rose, inconnu à cheveux longs parmi les petits, constant dans l’inconstance à hésiter entre poésie et colère. Peu importe me direz-vous, l’américain reste encore largement au dessus de la mêlée, car en amour comme en musique, c’est bien connu, la taille ne fait pas tout.

Jeremy Jay // Splash // K Records (Differ-ant)
http://www.myspace.com/jeremyjay

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