Fatigués des trop nombreuses interviews aux questions basiques ("âge / sexe / ville", "et ça fait quoi de chanter en anglais sur les scènes françaises ?", etc.), les Bordelais de J.C. Satàn veulent se détendre et parler musique avant tout. J'étais prévenu par l'attaché de presse et ça tombait bien : j'avais plutôt envie de déconner avec cette bande de musiciens ni grosses têtes, ni grandes gueules, mais surtout gros fans de musique.

Petite discussion tranquille dans les coulisses du Point Éphémère après l’intense concert sauvage donné devant un public mi-fan mi-néofan (nos meilleurs ennemis de The Drone y ont tourné une belle vidéo). On se raconte nos vacances et on fouille dans un bac à vinyles. La vie d’un groupe de rock, en somme.

Gonzaï : On devait se voir au Baleapop cet été pour une interview, mais impossible de vous avoir tous en même temps dans un état de lucidité nécessaire. Qu’est-ce qui s’est passé ?

J.C. Satàn : Le Baleapop, c’était comme des vacances ! Le truc vraiment cool de l’été, même si on y a perdu nos âmes…

Vous êtes souvent programmés avec les mêmes groupes rock, pour la plupart devenus vos potes. Partager l’affiche avec des groupes électro ou pop, ça vous fait quoi ?

Ali (basse) : C’est cool, ça change !

Arthur (chant, guitare) : Connan Mockasin au Baleapop, c’était bien, mais je ne me rappelle pas du reste…

Paula (chant) : On a joué avec Sergent Garcia à côté de Perpignan, au festival La Pelouse. Ça, c’était vraiment cool !

Pardon ?

Romain : Si, sérieusement ! Du coup, c’est la plus grosse scène qu’on ait faite de toute notre vie, devant 3000 ou 4000 personnes.

Dorian (clavier) : On dansait sur Sergent Garcia pour se préparer à jouer, complètement bourrés.

Romain (batterie) : C’est un festival qui programme de la variété et du garage… Un concept assez dingue !

Ali : Y avait Feeling Of Love aussi, heureusement !

C’est cool, les festivals au bord de l’eau ?

Paula : Ouais, ça permet à Arthur de s’acheter un maillot de bain pour filles !

Arthur : Bon, ça va… Il y a avait un distributeur de maillots de bain à la piscine de Perpignan. J’avais besoin d’un petit truc en taille M pour mecs, et la machine voulait pas me laisser acheter ça. Seb de Crash Normal est venu m’aider, il a choisi un maillot de bain pour femmes, et forcément, ça a marché ! Je l’ai porté, et je ressemblais aux Monsieur Muscle des années 30 avec la moustache…

Romain : Ça change pas de ton look habituel !

Dorian : J’ai d’ailleurs une superbe vidéo de ça sur mon téléphone…

Selon Technikart, vous faites partie des 40 personnalités les plus influentes de l’année… Du coup, vous êtes en photo avec l’acteur de Bref dans le prochain numéro (n° 168 de décembre)…

Le groupe : « Les 40 personnalités les plus influentes de l’année », on se demandait vraiment ce qu’on foutait là. Y avait aussi Sébastien Tellier, Lescop, Orelsan…

Arthur : C’est un mag qui est censé parler un peu de musique, donc ça doit valoir le coup. Mais c’est vrai que ça n’a aucun sens qu’on y soit. C’était marrant : personne ne nous connaissait, à part le gars qui a écrit l’article [Benoit Sabatier, NdlR].

Paula : D’ailleurs, Cyprien [de Catholic Spray, NdlR] a dit que c’est grâce à lui, parce qu’il a parlé de nous à Technikart.

Dorian : C’est donc Cyprien l’homme le plus influent de l’année.

Arthur : Exact. Tu peux rectifier dans ton interview ? L’homme le plus influent de l’année, c’est Cyprien.

Un sacré honneur, cette sélection, non ? Vous avez déjà lu Technikart ?

Arthur : Ouais, j’en avais un spécial sexe avec une nana hyper canon à poil dedans. Je l’avais acheté rien que pour ça.

Vous êtes cinq personnes sur cette photo : après avoir commencé à deux, J.C. Satàn est devenu un groupe ?

Arthur : Il y a deux choses bien différentes. Quand on enregistre, c’est Paula pour les paroles, et moi pour la musique. Mais en live, c’est nous cinq, et ça n’est plus du tout pareil. On va continuer comme ça pour l’enregistrement des albums, mais j’aimerais quand même qu’on sorte ensemble un 45-tours live.

Et il n’y a pas de disputes sur les droits d’auteur ?

Arthur : On s’en fout, pour le nombre de disques qu’on vend… Donc non, pas de disputes, et on est tous inscrits comme auteurs.

Et ça se vend bien, les disques de J.C. Satàn ?

« Faraway Land » est sorti il y a un mois et on a déjà vendu 350 disques sur les 500 pressés, alors que pour Hell Death Samba [paru sur Slovenly, NdlR], on a mis un an à épuiser les 500 exemplaires. C’est simple : si tu veux vendre des disques, il faut faire de bons concerts.

Le garage est devenu une étiquette fourre-tout, et les journalistes paresseux vous mettent dans ce créneau. Ça vous évoque quoi, ce terme ?

Arthur : D’abord, J.C. Satàn, c’est pas du garage ! Parce que le garage n’est pas un style de musique, mais c’est une sauce que tu mets dans ta musique. Pour moi, avec J.C. Satàn, on fait du gros rock ricain. C’est de la pop !

À ce propos, Arthur, dans tous tes projets depuis 2005 (Polar Strong, Hoodlum, J.C. Satàn), sous les couches puissantes de guitare, on sent l’influence de la pop au niveau de l’écriture et de la composition. Quand je bossais pour la Démothèque du promoteur bordelais Allez Les Filles il y a sept ans, j’avais écrit un court texte sur Polar Strong et j’avais cité Supergrass dans les influences. Tu revendiquerais encore cette référence ?

Arthur : Ouais, sans problème. J’adore leur deuxième album, « In It for the Money ». Et puis, tu sais, j’écoute plein de trucs que les puristes du garage ne sont pas censés aimer. Quand un groupe écrit des méga chansons, je préfère les entendre avec un son propre et hyper bien produit. J’adore les premiers Queens of the Stone Age. Et si tu me demandes ce que j’aime le plus, je te répondrais les Beatles.

Transition parfaite pour l’instant musique. J’avais apporté de chez moi une vingtaine de vinyles (idée pompée sans honte sur l’émission TV Tracks), et j’ai demandé aux cinq de J.C. Satàn de choisir un disque qui leur correspond, et de m’en parler. Après cinq longues minutes de fouille, d’hésitations et de changements*, leur choix est fait.

Ali (elle choisit « Fire of Love » – 1981 – du Gun Club) : C’est un des premiers disques que j’ai écoutés, à l’âge de 14 ans avec mon meilleur pote. On a commencé à jouer ensemble et je jouais de la basse et de la guitare par dessus ce disque. Je trouve que Jeffrey Lee Pierce est un génie, et que la bassiste Patricia Morris est super bonnasse et super cool. J’ai aussi rencontré Kid Congo [guitariste fondateur puis intermittent du Gun Club, NdlR] et je lui ai fait ma déclaration d’amour. Sex Beat est un des morceaux les plus cools jamais enregistrés.

Arthur (il choisit « Satan Is Real Again Or Feeling Good About Bad Thoughts » – 1996 – de Country Teasers) : Parce qu’il y a sur cet album la chanson la plus géniale du monde : Black Change. Je l’ai découverte en version live sur YouTube où ils sont sept sur scène. Le son est dément, les musiciens sont fous, et c’est trop beau à voir. C’est pour ça que J.C. Satàn a commencé à trois guitares, mais c’est vite devenu ingérable. Je suis fan aussi de la façon de composer de Ben Wallers : il empile des couches de guitares très simples, et l’ensemble est génial. J’essaie de faire la même chose.

Romain (il choisit « Slanted and Enchanted » – 1992 – Pavement) : Parce que c’est trop cool, et que Stephen Malkmus est lui-même le type plus cool du monde. J’ai une photo du groupe au bord de mon lit, circa 1992, avec le batteur bourré qui fait le poirier sur scène [Gary Young, viré du groupe quelques mois plus tard, NdlR].

Paula (elle choisit l’album éponyme de Suicide, 1977) : Parce qu’à l’époque où je faisais des Dj sets, Ghost Rider était un des premiers morceaux que je passais, et parce que Alan Vega est assez cool. En revanche, j’ai lu une interview de lui aujourd’hui, et il est devenu horrible, avec un style de merde. Le jour on est comme ça avec J.C. Satàn, il faut qu’on arrête le groupe ! Sérieusement, ce disque et celui d’après sont vraiment bien. Mais quand même, Alan Vega a hyper mal vieilli, merde !
Et puis il y a Attenberg, ce film grec que j’ai adoré, avec du Suicide dans la B.O. Ça me rappelle aussi des soirées, des bons films…

Dorian (il choisit « Pet Sounds » – 1966 – des Beach Boys) : Parce que j’ai beaucoup grandi avec les Beatles et que je pensais que les Beach Boys étaient des gros nazes avec leur image de surfeurs. Je les ai découverts sur le tard, et cet album est génial. Brian Wilson l’a écrit en réaction au « Sergent Pepper » des Beatles [Rectification : c’est « Rubber Soul » qui a inspiré l’écriture de « Pet Sounds », NdlR] et je le préfère largement. Tous les morceaux se finissent en fade out, ce qui est très frustrant parce que je suis certain qu’ils ont trippé à la fin des morceaux, et on ne l’entendra jamais.

Voyant les J.C. Satàn plutôt joueurs et contents de parler musique, on poursuit la discussion avec des questions sur le mode « quel disque choisirais tu pour telle occasion ? » Classique mais intéressant, à mes yeux.

Le disque que tu apporterais sur une île déserte ?

Arthur : Si je n’avais qu’un seul disque, je me suiciderais : ce serait mon disque préféré, et je le détesterais sans doute au bout de trois semaines. Donc plutôt un disque des Beatles : on les écoute toute notre vie, et on n’en est jamais saoulés. Peut-être « Magical Mystery Tour », parce qu’il y a Blue Jay Way dessus.

Ali : Je crois que j’apporterais « Let Love In » de Nick Cave & The Bad Seeds, et je finirais par me suicider de tristesse. Ou plutôt « Amazon Hunt » de Catholic Spray ! Il est cool, pas trop triste, et tu peux même boire des mojitos avec.

Paula : Ça change tout le temps, mon disque préféré… En ce moment, je dirais « Goo » de Sonic Youth parce que je l’écoute en boucle.

Romain : Là je dirais le dernier disque de Mac de Marco, mais dans six mois c’est clair que ce ne sera plus mon disque préféré.

Dorian : Je ne sais pas vraiment, mais en tournée je n’ai pas arrêté d’écouter Reigning Sound dans le van, et j’ai pris une grosse claque. Quand tu penses qu’au début, je me disais « putain, mais c’est quoi cette musique à papa ! »…

La chanson que tu aimerais qu’on joue à tes funérailles ?

Arthur : La version « desert sessions » de You Think I Ain’t Worth a Dollar, But I Feel Like a Millionnaire (mieux que celle de Queens of the Stone Age). Ou un truc de Scott Walker, pour faire chialer tout le monde (genre ça).

Dorian : Boards of Canada, tout l’album « Music Has The Right To Children« .

Romain : « Spiderland » de Slint, le disque en entier.

Ali : Your Funeral My Trial de Nick Cave & The Bad Seeds. Ah non, mieux : Sacrifice de Motörhead.

Paula : Moi je mettrais Pepito de Los Machucambos !

J.C. Satàn // « Faraway Land » // Teenage Menopause
En concert le 11 janvier 2013 à la Maroquinerie (soirée Gonzaï) avec La Terre Tremble et Catholic Spray
http://www.jcsatan.com/

Crédit photo: Cécilia Sparano

9 commentaires

  1. Mc Carthney a fait robber soul, brian wilson a fait pet sound en reponse a rubber soul et ensuite les beatles ont fait st pepper et brian wilson a fait smile en meme temps et il a ecouté st pepper et il est devenu fou …. c est ça qu on voulait dire kino … et pour marc de marco j en ai rien a branler c etait pour de rire … et puis le premier de supergrass c est I should Coco … bisou

  2. Yep pour Supergrass c’est une erreur de ma part : Arthur a juste dit « y a un album que j’adore vraiment : In It For The Money ». Mea culpa je corrige.

    Pour Pet Sounds, Dorian s’est planté, et je n’ai pas vérifié ses dires. Mea culpa bis !

    Enfin pour Mac de Marco j’avais bien compris que c’était la blague récurrente, et je laisse aux lecteurs le soin de s’en rendre compte… ou pas !

    Bisous aussi Romain !

  3. Ahah ! J’avais pas vu les deux derniers commentaires…!
    Merci Martial, et merci Bester !
    A noter que Martial est le meilleur vendeur de Gonzaï Mag en province.

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