Un disque s’écoute t-il mieux en apnée ?

Un disque s’écoute t-il mieux en apnée ?

Athènes, 7 juin 2008. Tom Sietas bat le record de Mifsud. Dix minutes et douze secondes. Je me demande bien à quoi peut-il penser, s’il en est encore capable, quelques secondes avant de relever la tête. Et de réaliser que malgré la performance, il reste un homme dont les poumons n’ont pas encore été remplacés par des branchies.

Avec mes poumons de fumeur, j’ose à peine m’imaginer plus d’une minute trente la tête sous l’eau. N’essayez pas à la maison, ces records sont effectués sous la houlette rigoureuse de professionnels de la santé. Par contre, il semble bien que Luke Temple et Here We Go Magic souhaitaient me pousser à dépasser mes capacités. @Ici, j’avais juste eu besoin de mettre mon casque pour la sécurité. Ne pas être dérangé, ne pas risquer l’accident cardiaque par une frappe malvenue à la porte. A la fin des trois premières chansons (pour ceux qui ont le goût du classement, des noms je t’en balance : Only Pieces, Fangela, Ahab) j’avais déjà passé la douzaine de minutes (compte, compte et recompte : 3.48 + 5.30 + 3.06) sans vraiment comprendre. Ou plutôt en ayant trop bien compris, je n’étais plus dans la chambre mais à trois chansons sous les mers, happés par la nappe d’eau chaude synthétique qui se profilait à quelques mètres de là.

Rythme tribal, j’avais bien eu envie de plonger. Je pensais aussi bêtement que j’aurais droit à la douceur de l’eau entre mes cuisses et mes oreilles jusqu’au bout, que tout se passerait bien et que je remonterai sans problème en me foutant de ma cage thoracique s’écrasant contre mes poumons. Non vraiment, j’étais détendu. Et c’est pas l’enthousiasme qui manquait. J’étais descendu le sourire béat la gueule contre le hublot, heureux d’entrer dans un monde inconnu, de pouvoir observer ce qui avait bien pu attirer mes oreilles jusque là. Pas grand-chose en fin de compte, un poisson chien avec des yeux de cockers jouait de la guitare en imitant Patrick Juvet. Ca correspondait moyen à son physique mais bon, poissons sur ce détail. Un signe de tête, j’étais en train de jouer du tambour sur les coquillages pour essayer de chopper un peu de nourriture à me mettre sous la dent. Ou ce qu’il en restait, plop plop plop.

Ce qui compte, c’est que je me suis essoufflé après le record du monde d’apnée. Dans un sens j’avais déjà gagné quelque chose, la satisfaction garantie d’avoir repoussé mes limites avec plaisir. 12.54, merde ! La suite s’annonçait pas mal, j’avais eu envie de continuer, me persuadant que l’ennui qui pointait son nez était dû à la profondeur. Plus assez de sang pour irriguer le cerveau, ça laissait plus trop de place à l’imagination. Tout était permis, continuer à pousser encore à demi-conscient ou remonter à la surface. Je suis redescendu encore, pour savoir ce qu’avait pu ressentir ceux qui ne sont jamais remontés. Quel con ! Juvet ne chantait plus qu’en sourdine et des sons stridents, puis graves en rotation me donnaient l’impression de flotter à la surface. Sans le savoir, je m’étais évanoui et étais remonté à la surface sans m’en rendre compte. Avec juste l’impression de m’être fait un peu avoir sur les deux derniers tiers du voyage. Luke Temple flottait à la surface et jouait du piano pour m’accompagner jusqu’au bout. C’était bien sympa mais y’avait plus rien à faire, c’en était fini pour moi.

Si seulement ces salauds avaient sorti un single, si seulement il n’y avait pas tant de chansons de trop, peut être j’aurais pu vous raconter. Ce que ça fait de remonter la tête juste avant la seconde de trop.

http://www.myspace.com/herewegomagic

HERE WE GO MAGIC // Here We Go Magic // Western Vinyl

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