Après avoir atomisé le dernier Sharon Van Etten, je ne pensais pas devoir aussi vite enfiler ma vieille combinaison de ghostbuster, bien cramponné à mon proton-pack et prêt à lâcher la purée cosmique. Autant vous le dire d'emblée, le dernier album de Claire Boucher alias Grimes donne la nausée avec ses Visions plates noyées dans les vapeurs d'un éther d'extrême-orient frelaté au speed.

Une fois de plus, la tache est ingrate. Elle va même se transformer en horreur car la soi-disant presse spécialisée la porte déjà aux nues, aidée par les vingt mille ectoplasmes répandus sur sa page FaceBook. Moi qui ne crois plus aux fantômes depuis longtemps, je reste prostré, écœuré. Comment la canadienne a-t-elle fait pour berner son monde ? Menons l’enquête. Ça fait déjà deux ans que la sauvageonne est apparue comme ça, brimée par une éducation catholique stricte qui l’a poussée à s’encanailler – comme des milliers de petites bourgeoises colériques en manque de reconnaissance – dans un ésotérisme boutonneux et une fausse culture de la musique étrange, Enya. Elle glane sans rien y comprendre, sur Internet – musique traditionnelle africaine et musique médiévale européenne – mais aussi dans le J-Rock et autres musiques traditionnelles écoutées par ses camarades de classe asiatiques de Vancouver. Au lieu d’essayer d’approfondir, son ego surdimensionné l’amène à se croire possédée par la sainte toile, comme si elle avait été touchée par la grâce de sa génération « post-internet ». Cette génération qui ne sait plus lire et qui croit fort que l’intelligence et la culture se façonnent dorénavant au gré de surfs chaotiques sur de l’info fast-food que Claire n’a pas appris à décortiquer. Arrivée à Montréal, fascinée par la blog-hype, elle arrête ses études dans on ne sait quelle école d’Art pour se lancer dans la musique.

Poudre aux yeux, grimés noir

Grimes voulait être libre, peindre des toiles obscures à base de squelettes qui n’expriment pourtant pas le millième de souffrance d’un Frida Kahlo ou l’angoisse existentielle d’un Cri d’Edvard Munch. Poudre aux yeux, rimel dégoulinant de la fausse petite sorcière qui fait son apprentissage de la musique sur un ordinateur dans sa chambrette, speedée à mort. Elle enchaine avec des jam sessions au Lab Synthèse avec son chevalier Chris d’Eon dans des soirées où elle s’étonne que des gens puissent danser sur ses œuvres. La petite bourgeoise ne veut pas travailler, ni vivre le quotidien des autres. Payer un loyer, ça l’indispose, parler avec les gens de la rue la déprime. Alors Claire s’invente un personnage d’artiste influencé par les préceptes d’Hildergard Van Bingen. S’impose alors le jeûne et l’isolement pour augmenter un pouvoir créatif qui prendra toute sa substance dans l’absorption régulière d’amphet’.
Cette fille là n’a décidément rien pour me plaire. Ma petite enquête terminée je dois encore m’infliger le supplice de l’écoute de son premier album « Halfaxa », subir ses vocalises vaporeuses sans tripes sur fond de motifs mélodiques et percussifs cycliques t’amenant doucement à l’ennui le plus total. Une diarrhée sonore que l’on retrouve dans ses « Visions » cauchemardesques de pop asiatique fadasse. Sorte de musique pour LadyBoys sous speed, grimées en Lady Gaga, rimel dégoulinant et exposant en ricanant leur petit sexe atrophié fraîchement opéré dans un bocal de formol. Je devais réagir et passer tout ça au laser à proton. Ce que je fais sans grand espoir, l’ectoplasme Grimes est déjà devenu trop imposant. Il n’y a plus qu’à compter sur un sursaut d’orgueil d’un monde pour qui la culture a encore un sens. Raccrocher la panoplie de tueur de fantômes et attendre dans le noir qu’une âme bienveillante frappe à la porte. Mmm, if you’ve had dose of a freaky ghost, baby. You’d better call Ghostbusters !

Grimes // Visions // Beggars
http://www.myspace.com/boucherville 

15 commentaires

  1. C’est marrant car l’autre soir une pote me disait qu’il fallait que j’écoute ça, que c’était le dernier truc à l’avoir scotché. Et là toi tu le dégommes. Résultat j’ai plus qu’à me faire mon propre avis ! (M’est avis, en tous cas, qu’indépendamment de la musique, c’est le personnage de la nana elle-même qui te gave, non ? Le côté je me positionne sur l’échiquier bullshit des petit perso à la con de la pop ?)

    Sylvain
    http://www.parlhot.com

  2. Hello Sylvain,
    Oui ! Je prends le risque de me faire haïr par au moins 20 000 fans et de me faire huer par une certaine presse – qui raconte d’ailleurs tout un tas de conneries surfaites sur la speedée que c’en est consternant mais on en a l’habitude.

    Et encore j’aurais pu être bien plus dur mais bon, je suis un gentil.

    Non mais si je n’aime pas ce truc c’est surtout que :
    1 les vocalises asiato enyaesques à deux balles ça ma toujours surgonflé, les chinoiseries de restau servies avec les nems et les baguettes qui marquent le rythme, beurk. la culture asiatique mérite bien plus
    2 sa personnalité est ridicule enfin d’après ce que j’ai pu en lire à droite à gauche, j’aurais pu en balancer plus mais à quoi bon … Tu as raison, elle me gave, ç’aurait été un mec, j’aurais écrit la même chose.

    Le morceau incrusté par la rédaction est le plus catchy de l’ensemble bien que je le trouve déjà pauvre à souhait.

    Moilà, un début de réponse qui te suffira peut-être. Je n’empêche pas les gens d’aimer ça, ça me consterne, c’est tout.

  3. Bon… j’ai essayé, très fort, de chercher un truc pour vous faire mentir ta chronique et coms associated mais je dois me résigner à trouver ça complètement pourri. Je fais la même en 30 minutes sur Garage Band. En mieux même, si ça s’trouve… C’est qui la certaine presse?

  4. la certaine presse c’est aussi les Inrocks, je cite : « Une sauvageonne aussi charmante que marginale, aussi obsessive que passionnante, qui a fini par être signée sur 4AD pour un nouvel album bizarre mais plus pop, Visions, qui restera peut-etre comme l’un des disques les plus intéressants de l’année. »

    Pfffff, no comment

  5. 8,2/10 la vache ! bon ça va si ce ne sont que Pitchfork et les Inrocks, tout est (presque) normal. Ce qui aurait été embêtant, c’est les trois 7 de Télé 7 jours, là t’aurais pu avoir des problèmes Poulpe.

  6. Putain, bande de réacs amers! Elle est adorable, cette petite puce! Et sa voix est assez sexy, ses chansons plutôt catchy. Faut pas pousser dans l’extrême inverse non plus. OK, les Inrocks sont pitoyables dans leur quête obsessionnelle du prochain artiste ultra-branchouille, mais quand de votre côté vous mettez en balance Grimes et Frida Kahlo ou Munch, j’ai envie de vous exhorter au calme. Il faut comparer ce qui est comparable: on est dans le domaine de la pop! D’accord, la petite fait référence à Hildegard von Bingen, mais c’est plutôt mignon, non? Restons légers.

  7. désolé jeter ald jetter ;-))

    ps : je m’en bats de la personnalité d’un artiste pourvu que sa sic soit bandante

  8. Yes ! Enfin un article sensé sur Grimes. Je ne comprends pas du tout le foin qu’on fait autour d’elle et sa musique de lutin des forêts qui a trop pris d’acides et qui a des croûtes aux genoux. C’est crade et pas dans le bon sens du terme.
    A peu près tous mon entourage est tombé dans le panneau et je suis la seule à trouver ça moisi. Ton article est précis et argumenté. Merci, vraiment

  9. @Batti : Bah Pékin est rempli de restaus Thaï. Sinon oui j’aurai pu écrire canard laqué mais c’était trop long. On reste dans l’asie quand même et chinoiserie est un terme universel.

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