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Comment marier les aspérités d’action physique  avec le progrès machiniste toujours plus serviable, toujours plus stérile? Pour faire revivre la musique électronique sur le déclin, une bande de geeks se perd dans la quête d’un accident musical heureux qui ferait muter la machine vers des aspérités plus anarchiques, plus incongrus : le circuit bending.

Pendant que la révolution électrique se complait dans les post-genres, l’électronique moribonde cherche ses nouveaux Kraft-AphexTwin. La solution : délaisser les instruments usinés, se faufiler dans les interstices d’une technologie dominatrice. Inspiré par Reed Ghazala, inventeur du circuit bending depuis le summer of love de 67, des milliers d’enfants de l’horrible village global rachètent des synthés Bontempi, des guitares en plastique, pour les opérer à circuit ouvert. Une fois la plastique ouverte, ils lui greffent de nouvelles prothèses (interrupteurs, potentiomètres, photo-résistances) qui dérèglent les paramètres initiaux pour un résultat bordélique et aléatoire.

« Waouh, hier j’ai désossé et customisé la batterie numérique que mon grand frère avait laissé dans le garage, ça sonne comme une danse de Saint Guy ». En faisant un tour sur le net, on tombe sur de gros gugus aux t-shirts Space invaders et des travellers fans de D.I.Y en mode recyclage sonore qui s’extasient devant leur bonne vieille Dictée magique qui a chopé la Parkinson: 8 Bit, Chiptunes, Micro music et IDM-Breakcore… Casquettes et lunettes fluos à gerber, la grande majorité de ces « game boys » restent souvent ancrés dans la nostalgie régressive. Pas de quoi nous faire monter au rideau de la déviance sonore.

De l’autre coté du blip blip, Arius Blaze et Ben Houston, fondateurs de Folktek, habitent Portland et montrent la voie royale vers l’artisanat pure et dure.

A la frontière entre l’électronique et l’électroacoustique, ces circuits benders sont les disciples lointains de Schaeffer, Bob Moog et surtout du futuriste Luigi Russolo et de son manifeste l’Art des bruits écrit en 1913. Cent ans plus tard, Blaze et Houston voient plus loin que la déviance techno. Des heures à construire leurs propres circuits, à donner vie à des instruments expérimentaux dignes des machines électroacoustiques fabriquées par des savants en blouse blanche dans les années 50. Parce qu’au fond, faire de la bonne musique électronique c’est avant tout traquer la belle imperfection, les sons cradingues rétro-futuristes tout droit sortis de la tête d’un schizophrène fan de SF. Ne cherchez pas plus loin, l’île du Docteur Moreau pour les robots, c’est bien ici, à Portland. Ou Poetland, comme les adeptes de Folktek l’ont depuis rebaptisé.

Pour ne rien gâcher, Blaze et Houston décident d’enfermer leur circuits artisanaux dans des carlingue en bois noble, comme un cercueil pour le supplément d’âme musical. Mais pas de méprise, chez Folktek on assure aussi sur le côté sauvage du rendu : pas de boum boum, pas de eightiseries simplistes, juste des vibrations crus et quasi incontrôlables, tels ces  larsens qui sortent du computer pour donner vie au blues high tech.  A vous de dompter la bête et d’en sortir quelque chose de potable, pendant que le mojo hurle à la mort, tapi dans sa cage métallique.

Un synthé de chez Folktek, c’est la beauté d’une belle gratte vintage et le design d’une œuvre d’art qui produirait des déflagrations soniques. On a soudain l’envie d’y mettre les doigts pour s’électrocuter.

Chez Folktek, pas de claviers pour les Jean Mimi Jarre et les Ricounet Wright du dimanche. Ici tout s’opère en triturant des boutons, en se servant de ses mains sur des plaques ultra sensibles aux effluves de recherches acoustiques terroristes. L’avenir de cette musique est peut être là, sur un établi jonché de câbles et de pièces de bois. Lachez vos laptops et ressortez les fers à souder; le Born Again, c’est aussi possible pour les machines.

http://folktek.blogspot.com/

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