Industrie culturelle et viennoiserie industrielle entraînent-elles une musique industrielle ? Je dois bien avouer que le dernier album de Fujiya & Miyagi m’a laissé un goût de croissant pâteux sous la voûte palatine. En ce mardi 25 janvier 2011, j’avais choisi d’aller les voir showcaser à la Fnac Saint-Lazare. Let’s get critical.

A peine ai-je ramené mon autre pied sur la marche de l’escalator qu’une voix douce m’invite à monter à l’étage du Forum Café pour assister au showcase de Fujiya Miyagi (devenus pour l’occasion, et par l’opération du Saint-Esprit, Fujiya Miyagi sans esperluette).
D’abord, un mot sur ces deux mots – Forum Café hein, pas Fujiya Miyagi qui est un assemblage de « Fujiya », marque de lecteur de disque, et de « Miyagi », nom d’un personnage dans Karaté Kid. « Forum » signifie, étymologiquement parlant, « place publique ». Quant au café, il désigne un lieu de vie, et plus que tout, le lieu public par excellence. Notons la présence par deux fois du mot public/publique dans sa relation mâle/femelle et passons, si vous le voulez bien, au passage narratif de mon papier, qui vous tirera qui un sourire, qui un gloussement, qui une larme, qui sait ?

Un employé hilare serre la main aux entrants. J’imagine logique ce comportement, après un certain nombre d’années au service du gilet vert. Soit on se suicide, soit on rigolol. Je n’aurais pas fait le même choix mais peu importe puisqu’il vient m’entourer d’un bras qu’il veut ami parce qu’il tient, je cite, « à m’accompagner en personne dans ce moment unique ». C’est probablement un moment unique, oui, pour ses collègues qui, un court instant, ne l’entendent plus se poiler. Son regard pénètre alors le mien, et hélas, il m’en donne pour mon argent : le renflement de sa paupière commence à tomber, je me dis qu’il ne va pas oser, oh là là, si, on dirait qu’il va…

– Mec, voilà l’Amérique ! invoque-t-il, en m’enjoignant d’entrer sans plus attendre.

Pourquoi ce cérémonial ? D’accord, un peu de galanterie ne messied jamais, mais là, qu’y a-t-il, hein, derrière la porte ? Un secret ? Evangeline Lilly à poil prête à me servir une eau de coco au son de Knickerbocker ? Tout ça, comme d’hab’ je dirais, c’était much bado for nothing. Soit ce mec est fort, plus fort que Nicolas Ullman dans la plus baroque de ses présentations Cabarock, soit ce mec est fou.

De l’autre côté du miroir, le lieu est sans vie. Si toi, âme qui vive, oses entrer dans salle de conférence aux murs de liège où seuls les attachés de presse de PIAS savent convertir faits et gestes à affectation mécanique de circonstance, âme en peine tu finiras. Première interrogation : a-t-on envie de vivre quelque chose d’inédit, et éventuellement de fort émotionnellement parlant, dans pareil lieu ? Non, assurément. Va-t-on entendre le live le plus désincarné qui soit ? Oui, c’est fortement possible. Dans ce grand bureau kafkaïen, on s’attend à un concert exécuté entre deux affaires courantes à régler. On se paie la tête de l’artiste avec une tête de gondole, voilà la vérité.

Impersonnel oblige, on a notre quota d’informaticiens aux lobes gras et cavités encroûtées, importés directement de La Défense et cachés par de gros casques audio Sennheiser PXC 450. On a nos deux lolitas fashionistas, venues exprès parce que, tu comprends, elles ne pourront pas voir les Fuj’n’Miy’ au Primavera, pas cette année, la totale lose. On a nos muffins gonflés à l’hélium dans la bouche de mamie, qui n’a rien d’autre à faire depuis la mort (suspecte) de son mari que de venir tous les après-midis durant squatter l’étage restauration rapide. On a moi qui pleure déjà ma mère. Entre autres.

Le set commence. Leur album s’appelle Ventroliquizzing. Encore une association (malheureuse) de deux mots ? Je ne sais pas, à vrai dire, à l’heure qu’il est je m’en fous, 40 minutes plus tard j’aurai oublié de me souvenir. Si vous saviez combien j’aurais aimé que vienne s’asseoir à côté de moi un Paki avec une kippa, ou n’importe quoi de H.U.D.G.E. si vous voyez ce que je veux dire, pour que cet article ne soit pas aussi fadasse que le jus de chaussette que j’aurais pu m’offrir si j’avais eu 4 euros à foutre en l’air au Forum Café…

Jus de chaussette, vous avez dit ? Saint-Lazare est un labyrinthe d’Escher. Pour un good old jus de chaussette qui remonte le moral, comme chez Léon, rue de l’Isly. Un bar, n’est-ce pas l’archétype, que dis-je la quintessence, du lieu public ? En tout cas, un lieu vivant, un vrai. Chez Léon, tu trouveras ta came… et même plus (révélation), puisque s’y trouve chaque soir vers 18h le plus connu de tous les zinccrochés, j’ai nommé l’aveugle de la gare Saint-Lazare. Je soupçonne que la population parisienne empruntant le métro voit de suite de qui je parle : gabardine beige, Rintintin dépenaillé et lecteur k7 avec face A Les plus beaux succès de Georges Brassens, face B Les plus beaux succès de Charles Aznavour. J’en profite pour dire au passage, qu’en boucle toute la journée, j’opte définitivement pour Aznavour.

Je n’ai pas fini, messieurs dames. Je me garde bien de vous dire ce qu’il m’est arrivé en allant aux water-closets, espace privé par définition même si le loquet joue du chapeau. Donc je vais aux gogues et tombe nez à nez avec çà, stabilobossé à même le crépi :

Poème pour Arnaud Lagardère

Je ne sais pas qui tu es
Peut-être un enculé
Car force est de constater
Que beaucoup de mes amis veulent te mettre la misère
Méfie-toi, Arnaud Lagardère
Tu pourrais prendre cher

Ni une ni deux, je reviens à ma table et paraphrase mon confrère poète :

Poème pour Alexandre Bompard

Je ne sais pas qui tu es
Peut-être un gros bâtard
Car force est de constater
Que mes intentions à ton égard sont tournées vers la bagarre
Méfie-toi, Alexandre Bompard
Tu pourrais voir noir

3 commentaires

  1. Bon papier, mais je vois pas de quoi tu te plains. T’aurais pu tomber sur un showcase de Yannick Noah, Soan ou n’importe quel trou du cul de la France d’en bas. Fujiya & machin chinois, c’est déjà pas si mal, non?

  2. Bah, je n’ai pas d’actions à la FNAC mais dans le genre organisation d’événementiels débats et autres ils se bougent quand même je trouve. J’ai assisté, à l’époque où je représentais mon canard « musique classique » à un débat (FNAC étoile) sur la musique contemporaine animé par un pote journaliste forcément spé du domaine. Y avait le fleuron, Escaich, Tanguy et Dusapin excusez du peu si vous vous y connaisez un peu. C’était vraiment bien ficelé, suffit de réunir les bonnes personnes et qu’elles participent efficacement. Y avait Clayderman dans la salle, il a posé une question, je n’ai jamais compris ce qu’il foutait là … Comme quoi on peut composer de la merde et s’intéresser à ce qui se fait de plus pointu … Il y avait une vingtaine de pelés dans la salle, le plus dur est de faire bouger les gens. Et avec la musique classique contemporaine en thématique on ne peut pas leur reprocher d’avoir fait dans le commercial.

  3. @Charly Loulou: je n’aurais pas choisi d’aller Yannick Noah.
    @Le Poulpe: pour écrire un papier, c’est très manichéen chez moi, mais il me faut soit être enthousiaste, soit être déçu. Si ce showcase avait été « bien »/ »juste bien »/même « bien sans plus » (cad « on en a pour notre argent » en gros), je n’aurais probablement pas écrit là-dessus, ça ne m’aurait pas inspiré. C’est justement le fait que cela se soit mal passé, en ce qui concerne ma propre et petite personne, qui m’a inspiré. Et puis je ne critique pas la prog’, je critique le déroulé de cette prog’… l’évènementiel de l’évènement…

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