La Route du Rock, Le Rock Dans Tous ses Etats, Rock en Seine et autres Eurockéennes :  un esprit singulier pour des artistes et des festivaliers, une musique dénominateur commun entre juteux calculs mainstream et solution(s) de l’équation indé. Rock partout, Rock nulle part, Rock Ad Hoc ? Entre éclectisme vulgaire, putassier et vulgarisé, l’embarras de la programmation.

Été 2010, on prend les mêmes et on recommence : de plus en plus de lieux pour une offre de moins en moins variée, les festivals français se clonent plus qu’ils ne se reproduisent. -M-, Izia et Diams nous refont le Tour de France version musicale avec gobelets éco-cup et sac de couchage sur plus d’une quinzaine de dates chacun en deux mois. Certains misent sur l’exclusivité comme les Eurockéennes avec The Specials et Jay-Z, d’autres sur un line-up rétro 1990 comme Rock en Seine avec Skank Anansie, Blink-182, Queens of the Stone Age et Underworld. Des stratégies payantes qui ne permet pourtant pas d’éviter les doublons :  Foals, Two Door Cinema Club, Massive Attack et LCD Soundsystem sont programmés pour les deux événements. Sans oublier le Main Square d’Arras qui est devenu une usine à tubes où les Black Eyed Peas, David Guetta ou bien Pink ont été élus employés de l’année 2010. Dans un pays où les festivals se suivent et se ressemblent, la concurrence et l’exigence de rentabilité ont-elle vraiment standardisé nos festivals ? Réponses avec les grands manitous des Eurockéennes (Belfort) et de la Route du Rock (St Malo).

« Tous les groupes qui jouent chez nous ont été sélectionnés en toute liberté ». Contacté par téléphone, Jean-Paul Roland, le directeur général des Eurockéennes depuis 2000, est le premier à se risquer à un bilan hexagonal :

Les Eurockéennes sont devenues un des plus grands rendez-vous des festivaliers européens. Comment vous êtes vous imposés ?

La concurrence n’est pas aussi contraignante qu’on pourrait le penser. Les Eurockéennes par exemple font partie de De Concert !, une association créée en 2007 qui a officiellement pour but de « favoriser les échanges, la mutualisation des expériences organisationnelles et de programmation, des outils de communication, la création et le développement artistique, l’étude de l’évolution du secteur des festivals ainsi que leur représentation au sein d’organismes professionnels ». C’est une  sorte de « think-tank » où 19 responsables de festivals européens se voient régulièrement, échangent leur point de vue et partagent leurs idées. J’en suis actuellement le co-président avec Paul-Henri Wauters du festival bruxellois Les Nuits Botaniques. Nous organisons entre 6 et 7 réunion par an. L’association publie un magazine une fois par an sortie annuelle, le plus souvent en supplément dans Télérama ou Libération.

Les membres de l’association doivent-ils donner leur accord pour les différentes programmation ?

Oui en partie, mais on fonctionne surtout au coup de cœur en live, avec nos deux programmateurs. Nous sommes un festival généraliste, mais ce n’est pas une raison pour aligner n’importe quel groupe. Tous les groupes qui jouent chez nous ont été sélectionnés en toute liberté.

Même Mika ?

À propos de Mika, nous avions détesté son premier album studio de sous Queen mais nous avons apprécié son show live. Ma ligne directrice est l’édition 1996 où le public a pu voir aussi bien David Bowie, Lou Reed, les Red Hot Chili Peppers que NTM, Miossec et Sépultura. Nous ne nous présentons pas comme un organisme anti-Live Nation (géant mondial du booking, NDR) mais nous essayons de donner accès à notre événement à des groupes en devenir. Pour cette édition nous avons sélectionné 18 artistes, locaux et internationaux et nous avons voulu partager certains artistes avec d’autres festivals comme Gablé qui a joué aussi au Danemark.

Et il n’y a aucun artiste que vous n’avez pas réussi à programmer cette année ?

Si, Pavement. Ils ont préféré jouer une date au Zénith avec The National. Ce sera pour une autre fois, j’espère. Un de nos rêves reste de programmer un set acoustique de Neil Young.

Un festival ayant l’envergure des Eurockéennes représente également un enjeu économique important pour la municipalité, le département et la région. Ont-ils leur mot à dire ?

Ils nous font confiance et c’est très bien comme ça. Ce sont des partenaires importants. Leur subvention représente 16% du budget total, qui avoisine les 5 millions d’euros pour 2010. 60 % du festival est financé par les Grands Mécènes, comme le Crédit Agricole, avec qui nous travaillons depuis deux ans. Les Eurockéennes est un festival qui est lié avec son territoire puisque 40 % du public est composé de Franc-comtois mais qui se prépare aussi avec d’autres collègues : la Laiterie à Strasbourg et la Vapeur à Dijon.

À part celle de votre festival, quelle est selon vous la programmation la plus intéressante cette année ?

Il y en a plusieurs : j’apprécie celle des Rockomotives, de Rock en Seine, de Mars Attack, et des 3 éléphants. Pour moi, le cadre compte énormément : la programmation du Primavera est alléchante mais le site est placé dans le quartier le moins sympa de Barcelone.

Avez-vous de nouveaux projets pour les Eurockéennes ?

Oui ! Nous voulons travailler en dehors du cadre musical en organisant par exemple des forums de discussion axé sur le camping et son animation. À l’échelle locale, nous organisons des concerts en prison, des résidences dans les salles de musiques actuelles. Nous envisageons d’étendre le festival dans d’autres salles, des bureaux, des appartements et pourquoi pas des crèches ou des superettes. Un peu comme les Concerts à emporter.

« La concurrence va se poursuivre à coup de milliers d’euros entre festivals européens, sans pitié, mais sans nous. » Après ses déclarations dans Musique Info n°54 (Février 2010), François Floret, co-programmateur de la Route du Rock et grand défenseur du festival à la bonne franquette, s’est lui aussi exprimé par téléphone :

La Route du Rock a une réputation de bon élève avec une programmation éclectique, une taille humaine. Comment lutter face à la concurrence ?

La Route du Rock est un tout petit festival qui s’est développé grâce au bouche-à-oreille. Nous sommes vraiment heureux de son succès mais le but n’est pas devenir le plus gros festival de France voire d’Europe. Les Terreneuvas avait cet objectif en tête et ils se sont plantés : ils voulaient programmés uniquement des valeurs sûres, et proposer un best of de la musique FM en alignant la même année Raphaël, Tryo, Patricia Kaas et Corneille. Nous proposons des artistes que nous aimons, tout simplement.

Vous devez votre succès à la seule fidélité de votre public ?

En grande partie, même si n’oublions pas le soutien des collectivités. Nous avons la chance d’avoir un public très respectueux, qui sait à la fois danser et écouter avec attention. Il y a peu de pogos, de slams ou ce genre de chose. C’est une grande famille qui se rejoint chaque année que nous devons rendre fière à chaque édition. Mais je pense  que c’est la formule proposée par notre festival qui garantit notre succès : à la Route du Rock, contrairement aux grands festivals européens et aux grosses machines comme Glastonbury, on peut tout voir sur une seule scène, et il n’y a pas d’hésitation à rater tel ou tel concert.

Comment se déroule l’organisation de la programmation ?

On choisit au coup de coeur avec Alban (Alban Coutoux NDR). Il s’occupe plus du versant communication du festival. On a de la chance de pouvoir faire ce qu’on veut, sans pression des maisons de disques ou des tourneurs. Si un jour nous décidons d’inviter Yannick Noah, ce serait pour une exhibition de tennis en warm-up, pas pour jouer sur scène. (Rires)

Quel est l’artiste de votre programmation dont vous êtes le plus fier cette année ?

The Flaming Lips. Je les ai vus à New York cet hiver, c’était hallucinant. J’espère qu’ils obtiendront les faveurs du public cette année.

Quel est l’avenir de la Route du Rock ?

Il n’y a pas de projet particulier. L’édition hivernale est une formule qui connaît un succès croissant depuis ses débuts, il y a cinq ans, et nous souhaitons poursuivre dans cette voie en proposant des têtes d’affiches aussi attrayantes qu’en été. Tant que l’on peut continuer à travailler en toute liberté, nous sommes heureux.

Keep on Rockin’ in a free world disait Neil Young. Un combat encore d’actualité…

http://www.eurockeennes.fr/
http://www.laroutedurock.com/

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