Vivre à Austin au début des années 90, faire de la musique et traîner comme dans "Slacker", le film culte de Richard Linklater, c'est une certaine idée d'un paradis perdu que Ethan Azarian, musicien de presque 60 ans, a vécu et tente de prolonger. Qu’est-il devenu 25 ans plus tard, dans cette ville qui essaye de se ressembler mais qui se fait grignoter par la Sillicon Valley, les informaticiens et les Californiens.

Il y a ce CD qui traîne dans la voiture et cinq heures de route. Je l’enfonce dans l’autoradio et je me dis que j’ai rarement vu une pochette aussi moche. Le premier morceau passe, je ne fais pas très attention, il y a du monde, des camions et puis arrive le deuxième morceau, j’appuie sur repeat.

https://www.youtube.com/watch?v=UlhnSd3OlG8

Cela fait une semaine que j’écoute ce disque de folk lo-fi. Certains morceaux me font penser à un croisement entre Sufjan Stevens et Daniel Johnston chantant des textes à la fois ironiques, sages et fantastiques. Il est vieux, personne ne le connait, il n’existe pas sur le net et pourtant j’ai envie de rencontrer cet homme et d’écouter ses histoires.

Un mois plus tard, Ethan m’invite à passer chez lui. Il me reçoit en pyjama, tablier et pantoufles. Il a un bonnet péruvien sur la tête. Il vit de ses peintures et c’est dans son petit atelier tout juste refait à neuf qu’on s’installe. Il me parle de son enfance dans le Vermont avec un père musicien et de son envie de voyager. Mais pas trop loin. « Austin n’est ni le début ni la fin mais je voulais vivre quelque part où il ne faisait pas trop froid« . Il débarque donc au Texas en 1986 car les grandes villes du nord comme New-York ou Boston lui fonttrop peur. Ici il se sent à l’aise, il ne se passe pas grand chose, Austin c’est encore comme une toute petite ville de province.

Il y a pourtant eu les annés 80 et les groupes comme Scratch acid, Poison 13 ou les plus connus, Butthole surfers, l’une des grandes références de Kurt Cobain. Ils ont depuis accédé à une certaine notoriété et jouent beaucoup, ailleurs, et surtout plus ici. Peut-être est-ce le fait d d’avoir trop écumé les clubs de la ville, mais dès qu’un groupe se met à tourner et à vendre quelques disques, ils ne jouent plus chez lui.

De nos jours, restent quelques chanteurs texans comme Butch Hancock, Willie Nelson ou Asleep at the wheel, mais la scène folk est quasi inexistante. Pour Ethan, c’est la rencontre avec son comparse de toujours, Jeff Johnston, qui va s’avérer déterminante. Au début des années 90, ils montent leur premier groupe, Orange Mothers. Il y a déjà tout cet univers surréaliste et fantastique dans les textes, un mélange d’invasion extra-terrestre, de méduses et d’histoires d’amour.Après 10 albums, ils sont devenus une sorte d’institution et on peut les voir jouer tous les mois dans un des plus vieux clubs de la ville The hole in the wall, sûrement un des seuls endroits d’ailleurs pour acheter leurs albums.

Je ne résiste pas à lui poser la question qui me démange mais non, Jeff n’a pas de lien de parenté Daniel Johnston. Par contre Jeff et lui ont enregsitré chez la mère de Daniel lorsque celle-ci était encore vivante. Ils ont même plusieurs fois partagé la même affiche.

Cet album, ça lui a pris trois mois pour le finir. Ethan n’a pas de maison de disque; il a du échanger des peintures en échange de jours en studio. « Quand on est jeune, on a envie d’être célèbre, maintenant cela n’a plus d’importance. Faire de bonnes chansons me rend heureux« . On finit sur Bernie Sanders qui vient d’atteindre les deux millions de donations pour sa campagne présidentielle et même s’ il ne s’intéresse pas trop à la politique, le chanteur se rappelle qu’en 1983, avec son premier groupe Hollywood indians, et alors qu’ils écumaient les radio crochets, c’est Bernie Sanders, maire de Burlington qui étaiet venu les encourager.

Je pensais repartir pleine de ces histoires folles de singes sur le dos, d’oeufs qui cuisent au soleil, de frères et soeurs en cavale mais Ethan les a toute gardé pour lui – hormis le fait qu’il avoue avoir bu un peu trop de whiskey la veille. Malgré tout ça, je suis heureuse de savoir que ce slacker existe toujours, gentiment déconnecté, et qu’on ne peut toujours pas acheter son disque sur iTunes.

 

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