Il fut un temps où les Anglais faisaient encore de la musique. Mais ça, c’était avant « Violence », qui porte bien son nom.

Certains groupes marquent parfois votre adolescence au point que leurs premiers albums s’impriment dans votre tête comme du papier peint. Parfois ces groupes grandissent avec vous ; d’autres fois ils enchainent les albums sans que plus jamais vous ne prêtiez attention à leur musique, et vous vous étonnez même que votre amour de jeunesse soit encore actif, quinze ans plus tard. Vous pensiez que le leader était mort d’une overdose au gluten free ou que le limogeage du guitariste mal coiffé avait entrainé la dissolution d’un groupe qui, fidèle à son serment fondateur, avait préféré se tuer plutôt que de faire carrière pour des mauvaises raisons ; vous aviez tort.

C’est à ce moment précis que, poussé par une curiosité malsaine, vous vient l’idée d’aller consulter la page Wikipedia dudit groupe pour vous assurer que contrairement à tous les autres, lui n’a pas été assez con pour vous mettre un gros doigt d’honneur dans l’œil en poussant sa discographie un peu trop loin ; que contrairement à tou(te)s vos ex, lui ne vous a pas trompé dix fois de trop avec des albums trop grand public qui contrediraient tout ce qui vous avait séduit au départ. Puis, la bave aux lèvres, vous cliquez.

Maintenant que le sentiment de trahison a lentement infusé dans votre corps et vos souvenirs, vous êtes fin prêt(e) pour « Violence » d’Editors, sixième album permettant de tirer un trait entre le chef d’œuvre « The Back Room » (2005) et ce qui semble être le pire des retournements de veste, de ceux qu’on pourrait enseigner à la faculté Win Butler si Arcade Fire était une matière assez riche pour être expliquée à des enfants de plus de 5 ans. Passons sur l’absence de chansons ; l’album est une variation sur le vide en neuf actes qui n’est finalement pas plus criante que la majorité des albums de rock achetés par des consommateurs qui « écoutent un peu de tout ». Le crime, le vrai, est ailleurs.

On ne sait pas qui est responsable de ce massacre mélodique; le groupe ou un directeur artistique victime d’une vangoghisation de ses deux oreilles amputées au cutter. Dans tous les cas, c’est un renoncement artistique où l’auditeur sera invité à taper dans ses mains à contretemps pour meubler tous ces roulements de batterie dans un stade vide qui donne à Tom Smith et ses copains des airs de sous-fifres égarés dans un vortex cinématographie où Bono serait diffusé sur des écrans géants comme dans un film de propagande nazi. Le crime, le vrai, c’est cette production réalisée avec des moufles par un ancien joueur de casino ayant eu la mauvaise idée de vouloir appliquer les molles recettes marketing ayant vaguement fonctionné avec Foals ou Alt-J. « Un son plus ample pour que ça fasse moins niche ». Comme s’il suffisait de diluer l’alcool pour faire boire plus de monde. Vouloir remplir des stades condamne souvent à se vider la tête, et le racolage est, on le rappelle, pénalement condamnable.

On ne vous fera pas l’affront de citer qu’une seule des chansons de « Violence », c’est une boucherie. Un veau gonflé à l’hélium à qui on aurait greffé le visage sanguinolent de Robert Smith pour lui chanter des bruits de pets. Certes oui, c’est gazeux, voire aérien, mais dans le mauvais gastrique. Et si « Violence » est réussi, c’est presque parce qu’il parviendrait à lui seul à rendre la trajectoire d’Interpol défendable.

Il n’est rien de pire qu’un disque composé pour payer les factures. Le groupe de votre adolescence a vieilli, et sa plus grande faute, c’est de vous rappeler que vous aussi. Prochain groupe à prendre place sur le banc des accusés : The Kills.

Editors // Violence // PIAS
http://www.editorsofficial.com/

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