Les années 80. Plus on prend de recul – c’est-à-dire plus les années passent – plus la perspective devient effrayante. Et ne venez pas me dire « oui, mais y avait quand même des truc

Les années 80. Plus on prend de recul – c’est-à-dire plus les années passent – plus la perspective devient effrayante. Et ne venez pas me dire « oui, mais y avait quand même des trucs biens ». Évidemment. Le problème n’est pas là. Le problème, c’est que les années 80 c’est maintenant. Partout. Tout le temps. Et ce constat est plus que flippant : il donne envie de vomir. D’ailleurs, voilà que ça remonte.

S’essuyer le menton avec l’avant-bras, mais avec tout le panache possible. C’était quand la dernière fois ? Le temps passe, pas facile de se souvenir. Se dire que putain, on croyait cette époque révolue, quelque chose comme de l’accoutumance, le corps qui s’habitue, et les mauvais souvenirs… des souvenirs. Noyés dans le passé. Et noyer, c’est mourir. Fini au revoir, non, mieux que ça : adieu, les souvenirs !

Sur le chemin du bar, des jeunes filles partout. Avec posé sur la tête ce casque de Dark Vador version XXL sponsorisé par Jacques Dessange. En guise d’armure, une chemise à carreau. Mes oreilles se remettent à fonctionner. Ce son. Un verre, et plus vite que ça. Le barman. Cravate spaghetti, col étriqué. Et encore, c’est le plus distingué ici. Mais soyons francs : si la vulgarité n’est pas née avec Like a virgin, elle était comme un poisson (pané) dans l’eau, au milieu de cette décennie. Je me retiens de vomir sur la Dark Vador / Belle des champs qui commande un coca light à côté de moi.

Direction le dancefloor. Le Dj est un malin : il a ses entrées dans les maisons de disque. D’où la petite exclu de la soirée : il a réussi à avoir le nouveau Au Revoir Simone. Aussi nouveau que mon premier pin’s smiley. Des pouichs pouichs éthérés en veux-tu en voilà, où viennent se poser des voix qui se voudraient diaphanes, reflet du romantisme de l’époque : j’te kiffe, tu m’offres une coupe de champagne, je te suis dans les toilettes et puis je me reprends, m’effarouche et m’excuse d’avoir un texto important à envoyer ; Bret Easton Ellis, avec 20 ans de moins, vous le raconterait beaucoup mieux que moi. Le mot buzz a été inventé pour promouvoir des trucs comme ça. «Jeune homme, je reprendrais bien un whisky. Sans glace».

Vous me direz, ce n’est pas la première fois qu’on nous vend un truc sensationnel qui une fois glissé dans les oreilles s’évapore.

Mais justement, j’aurais préféré. On en serait pas là. Je n’ai plus qu’une manche propre. Et il me reste tant de trucs à vous dire.

D’abord. Que le temps des icônes est, sinon révolu, en tout cas, plus très loin de la date de péremption (en terme d’idole, on a tout essayé, non ?). Alors à quoi bon leur ressembler ? Un jean et un t-shirt feront l’affaire – allez, un pull pour les lecteurs groenlandais, je suis beau joueur – plus la peine de se cacher. Tant que j’y suis on a qu’à se foutre à poil ? Et mon iPod ! je l’accroche où ? Taisez vous maintenant, ça suffit. Comme il suffit de se faire matraquer à longueur de bios par des artistes inutiles qui finissent par croire, les échos tordus aidant, qu’ils ont vraiment du talent. Je n’ai rien contre « Les trois grâces de Williamsburg (qui) nous reviennent avec un second album » mais alors que ce dernier soit qualifié de « chic et léger comme un chemisier de créateur new yorkais », c’est un peu l’aveu déguisé. Et c’est surtout un peu trop pour moi. Alors voilà, ça aurait pu tomber sur n’importe quel autre groupe actuel, du moment qu’il sonnait eighties. C’est tombé sur elle. Mais avouez que le coup du chemisier, ça ouvrait des perspectives…

Ensuite. Dire que le futur importe. Un p’tit coup d’œil dans le rétro, de temps en temps, histoire de se remettre à jour, je dis pas. Mais tout télécharger d’un coup, sous prétexte que l’époque le permet, non. Mille fois non ; et ce coup-ci, ce n’est pas une image. Et que si l’horizon est actuellement bouché, j’amputerais volontiers ce début de XXI siècle de cette nostalgie qui sort de sa boîte à chaque fois que le monde manque d’imagination ; cris et hurlements dans la salle d’opération, l’anesthésiant était périmé. Désolé.

En attendant, Still Night, Still Light continue de ne rien me faire, hormis me donner l’envie de découvrir un nouveau Rimbaud à guitare qui viendrait nous titiller avec son « Il faut être résolument moderne », jusqu’à nous brûler la chair, pour les plus téméraires d’entre nous (perso, un coup de pied au cul suffira). Et comment faire ? Je vous l’ai déjà dit : un jean et un t-shirt suffiront. Tout ceci vous paraît obscur ? Pierre Desproges, qui n’était pourtant pas un grand mélomane, l’avait pourtant déjà expliqué : « Marche pas dans la mode, ça porte malheur ».

Enfin. Quitter le club. En déchirer sa carte. Et prendre rendez-vous avec son ORL. Oui, là au milieu de la nuit, les deux manches souillés. Pour un SERIEUX nettoyage auditif. Et pas la peine d’aller au pressing lundi, pour cette chemise foutue et qui sent la gerbe froide. Vous n’en aurez plus jamais besoin.

Au Revoir Simone // Still Night, Still Light // Moshi Moshi

myspace.com/aurevoirsimone

24 commentaires

  1. Cher Sandor Mirovolan,

    Comme tu peux le constater sur ma photo, l’acné me sort de partout. Sinon, j’ai bien rigolé en lisant ton comment.

  2. Ton : « nouveau Rimbaud à guitare qui viendrait nous titiller avec son « Il faut être résolument moderne », jusqu’à nous brûler la chair, pour les plus téméraires d’entre nous (perso, un coup de pied au cul suffira). »,
    il existe : Cheval Blanc (demande donc à SF).

  3. Merci à toi Vernon,

    A l’instar de Jourde et Naulleau, tu me feras économiser un temps précieux. Temps que j’utiliserais pour d’autres univers musicaux.

    Après avoir lu ton article, j’ai souhaité me forger une opinion personnel. J’ai donc, par des procédés aux antipodes d’hadopitre, écouté leurs trois albums.
    J’ai perdu un peu moins de trois heures de ma vie. Toutefois, l’affaire « Au revoir Simone » étant classé, je n’en userais pas plus et pourrais les consacrer plus utilement à l’avenir. Encore merci.

    Vous m’excuserez, mais les fameuses « nappes rêveuses », si elles ne manquent pas d’Air (post-Moon Safari), elles sont en papier jetable. J’en fais 15 par jour. Pas besoin de clavier, FruityLoops suffit amplement.

    L’éternel come-back des 80’s m’est également difficile. Pourtant, ces années-là n’ont pas été les plus horribles. Le problème est que l’on a en tête uniquement le pire des années 80 (Top 50, synthés dégoulinant de « nappes rêveuses », etc.) parce qu’il nous a été martelé à grand renfort de publicité, radio, télé et que nous étions, pour certains, à un âge où ce champ musical balisé était le seul que nous connaissions, ignorant l’existence d’une autre scène plus jouissive.
    Et c’est là tout le problème : Au revoir Simone a les mêmes références que nous. C’est-à-dire le pire. Pour ce groupe, comme pour nous, les années 80, c’est l’accouplement sordide entre Yamaha et Korg qui enfante un son Bontempi. Cependant, elles, elles aiment ça.

    J’ai repensé à ton article il y a quelques jours en découvrant sur scène les Curry and Coco. Et j’ai fait un parallèle avec les Black Diamond Heavies (dont Gonzaï a parlé il y a quelques temps).
    D’un côté, un duo batteur+clavier, le blues énervé, le Fender Rhodes saturé, un chant sortant des tripes, pas d’accoutrement particulier. L’impression de voir la scène comme une personne physique, de ne faire plus qu’un avec elle.

    Dans l’autre coin du ring, un duo du même acabit, une batterie pouvant être remplacées par une boîte à rythme, des synthés Korg imbitables, un look 80’s (short en jeans moulant, grosses lunettes à monture noire, tennis blanche), une voix policée, passe-partout. Flash-back des répét’ entre copains dans le garage, simplement pour passer un moment ensemble à faire « Tout juste un peu de bruit pour combler le silence, tout juste un peu de bruit » comme à la radio, pas l’intention de faire un album et encore moins un concert, humilité et feedback. Retour au concert, la bulle du souvenir éclate. Soudaine envie de rien, ou alors de partir, ou de se bourrer la gueule, ou de retourner pisser parce qu’en cet instant la fraicheur et le calme inhérent aux latrines sont le seul réconfort que l’on puisse trouver.

    Au revoir Simone offre ce même sentiment de déjà-entendu repoussant les limites de l’ennui sidéral en recyclant les déchets des années 80.

  4. Quand Rimbaud dit qu’il « faut être résolument moderne » c’est d’une antiphrase qu’il s’agit. La tournure « il faut » dénote toujours, chez lui, l’ironie.
    Bref évitez de manier des références littéraires que vous ne maîtrisez pas dans le seul but d’enluminer de la sous-culture bas de gamme.
    Rien de plus antinomique que rock et Rimbaud qui aurait également conchié cette antipoésie qu’est la pop qu’elle fût des 60’s, 70’s, 80’s ou 90’s.

    Comparer « rock » et « poésie » comme l’écrivait le très visionnaire Léon Bloy : « Autant dire qu’un mendiant dîne mieux d’un étron que d’un poulard farci. »

  5. Cher Courageux Anonyme,

    Vous m’avez l’air d’en connaitre un rayon de plus que moi sur Rimbaud, je m’incline. Ce « slogan », resté gravé dans mon disque dur, me paraissait et me parait toujours d’une importance capitale. Après, je l’ai peut-être compris de travers, ce qui ne serait pas la première fois, mais enfin, un Rimbaud à guitare qui aurait tout compris de ce qui se joue actuellement nous enverrait sûrement dans les oreilles une purée moins indigeste que les trois filles à frange qui ont inspiré mon laïus. Enfin pour ce qui est de ma sous-culture bas de gamme, je vous emmerde un peu : ma culture est très bien comme elle est, merci.

    Enfin comparer rock et poésie, n’en déplaise à Léon Bloy (c’est qui celui là ? ma sous culture ne le connaît pas mais ne demande pas mieux que de changer d’avis), ça ne me pose aucun soucis. La poésie, c’est la création, non ? Si les poils de mes avants bras se dressent à l’écoute d’un riff, c’est de la poésie.

    P. S : Vérification faite, la punchline exacte de Rimbaud c’est :  » Il faut être absolument moderne ». Mais pas de quoi se faire de mauvais sang, hein…

  6. Bof, ce truc mou du bulbe ça me rappelle plus les années 90 que les années 80. Quand il s’agissait d’abord d’avoir l’air cool et branché avant même de se poser la question d’une chanson. Dans les années 80, la plupart des orchestrations étaient certes horribles (et je vais classer les Dogs et les Fleshtones comme groupes 70s pour être en paix avec moi-même) mais il existait encore de ci de là l’idée qu’il restait encore des nouvelles chansons à écrire, avant de sampler celles des autres en diluant une ou deux bonne idées. Indigeste et insipide comme si on m’avait forcé à avaler du concentré de noyau de pêche réhydraté, mais sans même le plaisir de ce dire que ça aurait une chance d’être toxique.

  7. Est ce parce que mes oreilles avaient fait leur pic de croissance ? Mais quand même, je préfère de loin les 90’s au 80’s. Y a guère que ces putains de chemise à carreau pour être raccord avec les NIneties. Est -ce que toutes ces gonzesses à frange ont la moindre idée de qui était Kurt Cobain ?

  8. Heureusement que des Cobain, des Oasis/Blur/Supergrass, voire Greenday ou PJ Harvey ont permis à plein de plus jeunes que moi de survivre au début des années 90… Mais pour moi, les 90s pris dans leur ensemble, de 90 à 99, c’est d’abord le triomphe de l’électro-tchic-tchac, de la branchitude à la Beigbeder qui a quand même moins d’allure que celle à la Fabrice Emaer (toute vacuité égale par ailleurs), du triomphe des open bars à la con au moment précis où tous les vrais bars rocks crevaient les uns après les autres (le New Moon pour n’en prendre qu’un).

    Bref, de même que le garage rock a été florissant en même temps que la daube top variété ritale 50 des 80s, tout n’est évidemment et heureusement pas à jeter dans les 90s.

    Ce que je voulais dire c’est que les Simone truc sont plus dans le synthé branché façon électro 90s que dans l’usage des 80s de la chose qui était soit très plouc (le top 50), soit lyrique (Simple Minds, Depeche Mode), ce qui revient au même.

    Je dois admettre que les deux seuls claviers que j’ai toléré dans les 80s, une fois Jeannine décédée, étaient les farfisa des Fleshtones et de Joe King Carrasco. Et que je dois être le seul au monde à préférer ce que faisaient les Maracas à Rînôcérôsê, mais j’assume.

  9. les années 90, c’est surtout l’arrivée de dEUS, qui aurait dû régner sur la galaxie pop rock… Après, je vois ce que tu veux dire avec les Simone mais on est d’accord sur le fond : leur musique est ennuyeuse, point.
    Sinon, joli banane, Omer

  10. Homer te remercie de la part de sa banane, Vernon, et on est effectivement en phase. Je m’auto-édite juste pour dire que dans le duel 80s vs 90s, je préférais aussi les Lolitas à StéréoTotal. Même dichotomie que pour les Maracas, belle illustration de surf sur les tendances (que j’auto-qualifierai « à la con »).

  11. (et même si je respecte l’envie légitime des artistes d’évoluer avec leur temps, qui si ça se trouve est sincère avant d’être, par le plus grand des hasards, possiblement vaguement alimentaire)(alimentaire en musique = un carambar offert à la fin du set au Gibus)

  12. Merci Dugosier de prendre le temps et la peine d’écrire ce que je pense aussi.

    Au revoir Simone = Curry & Coco = poubelle.

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