On les croyait disparus, dissous dans les vide-greniers après une réhabilitation gay-friendly. Mais les génériques de ces dessins animés méritent qu’on tende l’oreille à nouveau. Voici un top 5 des grandes madeleines proustiennes qui, contrairement à vous, n’ont presque pas pris une ride.

Au milieu des années 80, coincé entre le Top 50 de Marc Toesca et les pires mélodies qu’ait jamais enfanté la variété française, on pouvait entendre une petite musique synthétique, à la fois désuète et foutrement ambitieuse, rangée dans la honteuse catégorie des génériques de dessins animés, catégorie elle-même cachée au placard comme un enfant mongolien qu’on aurait eu peur d’afficher en public. Très bien. Mais alors qu’une génération de trentenaires semble s’être emparée des synthétiseurs pour rejouer en moins bien les chansons de notre enfance, ne devrait-on pas en conclure que les génériques de dessins animés sont les grands gagnants, gnan-gnan, de l’histoire ?
Avouons-le, on a tous, à un moment ou à un autre, été tenté de chercher sur Youtube si tel générique de Musclor, telle envolée magistrale sur le refrain d’Ulysse 31 valait encore le coup maintenant qu’on était en âge de payer des impôts et si, au bout du compte, on n’aurait pas l’air moins con en chantant une musique de dessin animé plutôt que le dernier single de Fauve ou de Breakbot.

« Le problème avec notre époque est que le futur n’est plus ce qu’il était ». La citation n’est pas des Daft Punk – encore qu’avec leurs casques à la X-Oron se doute bien qu’eux aussi ont été bercés trop près de la télévision des 80’s – mais bien de Paul Valéry. Comme le philosophe français est mort en 1945, on en conclura que le rétro-futurisme ne date pas d’hier et que les nostalgiques d’époques révolues ne sont pas nés de la dernière pluie; et du reste le (no)no futur rime somme toute assez bien avec les années 80, décennie historiquement connue comme étant la dernière à avoir su inventer quelque chose d’un point de vue mélodique pour les dessins animés. Franchement, vous imaginez deux secondes qu’un gamin de la génération Y puisse siffloter le générique des Teletubbies ou de Pokemon, en 2030 ? À toute époque, son droit d’inventaire. Celle des années 80 mérite qu’on s’y attarde en longueur, une bouteille de Yop à la main.

#1 – Les mystérieuses cités d’Or (1982)

Composé par la doublette Haim Saban/Shuky Levy, équivalent des Lennon/McCartney appliqué à la musique de dessins animés, le générique des Mystérieuses Cités d’Or reste le must have, le parangon de la musique, ce sommet d’harmonies synthétiques que continuent aujourd’hui d’escalader en vain des artistes comme Koudlam ou Zombie Zombie, tous ébahis par la profondeur de champ imposée par la série dès les premières notes. Mélange des chants traditionnels aztèques, de flûtes et d’accords plaqués sur synthés – pour les ambiances futuristes – le générique n’est pas la seule des merveilles cachées de la série, puisqu’au final ce ne sont pas moins de 17 morceaux composés pour illustrer les aventures d’Esteban. Mention spéciale au titre Les Dieux des Incas sur lequel un groupe comme Château Marmont n’aurait certainement pas craché.

#2 – Les Chevaliers du Zodiaque (1988)

Cas atypique dans l’histoire des génériques de dessins animés, le thème des Chevaliers du Zodiaque a atrocement mal vieilli. Quelque part, c’est un peu comme retrouver un vieux disque de Genesis ou Supertramp, on a beau imaginer qu’il y a certains passages à sauver, il reste que l’ensemble est absolument insupportable de mièvrerie et bourré de cuivres joués au synthétiseur – la marque de fabrique des Musclés. N’empêche, des esthètes comme Alexandre Chatelard, lui aussi issu d’une génération qui a beaucoup regardé la télévision, ont été marqué par l’ensemble de ces dessins animés japonais, pas tant pour la qualité des mélodies que pour le sentiment de puissance qui s’en dégageait : « J’ai aimé le lyrisme des Chevaliers du Zodiaque, tout son romantisme de pacotille. En fait j’aime les grands sentiments purs avec des mélodies épiques ». À l’auditeur qui sait lire entre les lignes de partition, on recommandera l’écoute du dernier album de Sébastien Tellier avec cette grille de lecture. Variation sur le même thème avec celui de Capitaine Flam, pétri d’un héroïsme à mi-chemin entre Star Trek (la quête spatiale, les blip-blips pour illustrer le bruit des rayons laser) et Saez (les insupportables paroles au premier degré). Oui je sais, dit comme ça, c’est étrange.

#3 – Les Mondes Engloutis (1985)

Loin du tintamarre imposé par les génériques de Cosmocats ou Mask, celui des Mondes Engloutis possède ce petit quelque chose d’universel en vogue à l’époque, du We are the World de Michael Jackson au charity rock imposé par Bob Gedolf pour lutter contre la fin dans le monde. Bon, tout ça ne nous rendra pas l’Alsace et la Lorraine, mais reste une chanson aux hymnes écologiques avant l’heure, et le tout composé par Vladimir Cosma, excusez du peu ! Sans dire qu’on conseille cette chanson à EELV pour accompagner ses spots anti-pollution, le titre reste comme un parfait contrepoint à toutes les autres niaiseries en vogue à l’époque, à tel point que Cosma – inconsciemment ou non – ira même jusqu’à planquer un clin d’œil à Stevie Wonder, sur cette étrange partie d’harmonica… À noter que le dessin animé, qui rappelle par ailleurs l’univers cher à Moebius, devait à l’origine être accompagné d’une musique signée Didier Barbelivien, voire chanté par Herbert Léonard. Ce sera finalement le groupe des Mini-Star qui sera retenu au casting. Quant aux autres, leur monde a – dieu merci – depuis été englouti.

#4 – Jayce et les conquérants de la lumière (1985)

Quel autre chanteur que Bernard Minet pouvait mieux cristallier la décennie reaganienne, ses excès capitalistes et ce déploiement guttural décomplexé ? Certainement personne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on retrouve le leader des Musclés sur nombre de génériques repris, dans la deuxième partie des années 80, de Goldorak au Collège Fou, Fou, Fou en passant par Jayce et les Conquérants de la Lumière, mythique série où le premier prix 1974 de percussion du Conservatoire National – véridique – en fait des tonnes pour incarner la tension dramatique des combats avec les Monstroplantes. Dans le plus pur style « Rock FM » digne de Dire Straits période « Bandana et Calvitie », le Phil Collins d’AB Productions rêvait sans doute d’une autre carrière. Reste cette chanson épique et symptomatique des années 80, imaginez un peu Bonnie Tyler en train de chanter le générique des Popples et vous saisirez le choc que fut Minet pour toute une génération de gamins. En comparaison, la musique de la voiture jaune Boumbo avait piètre allure… À noter que les copains du Minet n’étaient pas en reste au rayon des collaborations improbables, puisque Framboisier a travaillé avec Fleetwood Mac, le moustachu Eric comme guitariste pour Johnny Hallyday et René, le saxo récemment décédé, avec Trust et Magma. Eh oui, les Musclés c’était pas que de la gonflette.

#5 – Ulysse 31 (1981)

Comme Les Mystérieuses Cités d’OrUlysse 31 est ce mythique dessin animé franco-japonais inventé par Jean Chalopin et décliné un peu partout à travers le monde. À tel point que si le petit Gregory n’a pas eu la chance de s’en souvenir, on a tous en nous quelque chose de cette musique, visionnaire – en extrapolant un peu – de ce que seront les nappes de la B.O. de Blade Runner, voire des pires titres de Giorgio Moroder pour le cinéma au milieu de la décennie. Composée à la manière de la Library Music, ces habillages sonores libres de droits, le générique d’Ulysse laisse aussi entendre la voix de Nono le petit robot au Vocoder. Trente ans avant les glapissements digitaux de Kanye West, une grande première qui rappelle évidemment les expérimentations vocales de Kraftwerk, alors à peine sorties de Computer World qui annoncera quant à lui le règne de Steve Jobs, Bill Gates et… des Daft Punk. La boucle est bouclée, le loop pas loupé.

6 commentaires

  1. Pardon mais je crois bien que Jayce (de même que Mask et Pole position entre autres) étaient chantés par Nick Carr et non Bernard Minet, sur des paroles et musique de H. Saban / S. Levy / J. Chalopin.

  2. Et ensuite tu considères le dernier Poni Hoax comme trop kitsch. Bester mon ami revient sur terre. Loin de moi la moindre velléité de contester tes goûts mais sois juste un peu plus cohérent.

  3. De plus dire que les gamins de notre temps regretteront les musiques de leurs jeux vidéo actuels. As-tu déjà entendu les BO de certains jeux vidéo actuels (je te laisse googler) et comparer cela avec le « chef d’oeuvre » « Les sept cités d’or », cela me laisse coi.

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