Souvent à force d'illusion qui ne vont bien qu'au teint de quelques-uns (le merchandising via twitter, la méthode Reznor... ce genre), on en oublie ceux dont le but se trouve à l'exa

Souvent à force d’illusion qui ne vont bien qu’au teint de quelques-uns (le merchandising via twitter, la méthode Reznor… ce genre), on en oublie ceux dont le but se trouve à l’exact opposé des labels et de n’importe quel business model.

Ces considérations, David Chazam semble en être près, parce que justement très loin. Une poignée de secondes plus tard, j’écoute sa dernière production disponible pour rien. From Nothing, un disque gratuit qui ne sort pourtant pas de nulle part.

J’ai rencontré David Chazam trois fois. Il a presque le double de mon âge, et la faute à Manu Chao, je l’aurais bien vu avoir fait parti de la scène alternative. Des concerts bordéliques, quelques chansons en espagnol, une obsession à insulter son président, c’était presque plié. C’était avant de le rencontrer: « Pour moi qui suis un vieux gars, la scène parisienne des années 80 ne me convient pas du tout, j’étais pas du tout là dedans. Dans les années 80 j’écoutais les Residents et mon background musical, c’est ça. Mon choc primordial c’est d’avoir vu les Residents en 83. Cela dit j’ai des parents qui m’ont aussi emmené voir plein de concerts. Je me suis rendu compte plus tard que le fait d’avoir vu John Cage quand j’avais onze ans m’avait aussi fortement marqué, avec le recul. »

Dans le panthéon de ce mélomane aux cravates bariolées, on trouve aussi bien Jello Biafra que Lizzy Mercier Descloux, Arvö Part, Phillip Glass, ou encore Yellow Magic Orchestra « à la limite de faire des trucs péraves mais en fait c’est hyper bien ». Dans le même genre, il parle aussi de Was Dog A Doughnut de Cat Stevens. « C’est impeccable, super morceau. Et ça, c’est Cat Stevens, le folkeux ringardos. J’suis fan de Europe aussi. Alors que j’écoutais que les Residents ou Neubaten je me disais: fait chier, c’est hyper bien ». Il passe son adolescence à Poitiers, Chazam a alors quinze ans et y apprend le Do It Yourself. Ceux qui ont fondé l’Oreille est Hardie à Poitiers, le Confort Moderne, ce sont des gens qui étaient ultra ouverts, le contraire de villes comme Bordeaux qui ne comprennent pas un groupe qui n’a pas de guitare. »

Un principe qu’il applique toujours comme certains portent une croix. Pour se permettre de jouer de l’Orgadoigts, un synthé qui se joue à 4 mains comme pour mieux applaudir. Lorsqu’on fabrique ses propres instruments, personne ne se soucie de savoir si on sait en jouer.  « C’est du bidouillage, du pré-circuit bending. J’ai fait du circuit bending sans savoir que ça allait exister quelques années après ! Y’a aussi une nécessité de fabriquer ses instruments. Un clavier midi, y’a rien de plus ennuyeux, c’est l’instrument anti-scénique au possible. C’était une solution visuelle. Comme avec la mandoline, ça fait toujours un choc d’avoir un mini-instrument. J’ai toujours détesté la guitare, c’est l’instrument ultra ringard des années 90, c’est comme le saxophone dans les années 80, un truc minable. »


Plus tard au début des années zéro, il organise des soirées au Batofar, fait jouer The Chap. Mais surtout, il collabore avec Jean-Jacques Perrey avant que son nom ne réapparaisse sous les stroboscopes des french-toucheurs. En achetant le volume I du RE/Search consacré à l’Incredible Strange Music, il tombe sur son adresse, tout bêtement.  « Il fut un temps où la scène électronique avait besoin de trouver des pionniers pour justifier sa propre existence. J’ai eu la chance de trouver son adresse et de lui écrire de manière très simple. Je lui proposais une nouvelle collaboration, 6 mois avant que son nom ne reparaisse par miracle. A l’époque je connaissais seulement son album E.V.A, Perrey ne représentait rien en Europe alors qu’il était très populaire aux U.S grâce à Walt Disney et Gershon Kingsley. Par chance, c’est devenu mon pote de 80 ans, on s’envoit désormais des mails toutes les semaines. C’est un vrai vieux monsieur. On a fait quelques démarches pour faire produire l’album (Eclektronics), mais les têtes de nœuds parisiens n’en ont pas voulu, les mecs de Source et autres connards de cet acabit. Les autres, Dimitri From Paris et cie, ont croisé Perrey par hasard et ont fait mousser ça à mort alors qu’il n’y avait rien eu. »

Avec Jean-Jacques Perrey, l’internaute peut être sûr de ne pas tomber sur une crevette animée par un manchot qui imite Lady Gaga avec son cul.

En tapant « Chazam + Perrey » dans la barre de recherche du site Youtube, l’internaute tombe sur l’extrait d’une conférence datée de 2006 à Boulogne-Billancourt. En quelques mots, Jean Jacques Perrey y synthétise son parcours : « Monsieur Schaeffer m’avait bien prévenu que ce genre de sons en boucle était réservés à la musique contemporaine, sérieuse. Et je lui ai quand même dit: vous savez j’ai une idée, je voudrais utiliser cette technique pour faire de la musique humoristique. « QUOI »?!? ». Seulement 1387 vues, c’est peu, mais cela apparait comme une évidence.

Chazam n’est pas viral mais est loin d’être malade, car « avoir un train de retard, c’est peut-être le meilleur moyen de prendre de l’avance sur le prochain ». Bingo sur le plan du support comme sur le plan de la logique économique implacable, pour revenir à sa dernière production, From Nothing. «Le CD était déjà mort avant d’exister, j’en ai plein mais j’aime pas. Par contre j’aime bien mes mp3, ça me rappelle mes vieilles K7, le côté échange. Le son est pourri, mais bon ça va, on s’en branle »

Sur ce disque, on entend l’esprit de Perrey qui plane par-dessus le fantôme de Nino Ferrer circa Métronomie. Un piano qui pleure (Les belles et les bêtes), une basse qui ronronne sur orbite (Blue Mars), et de l’humour (Le Sponge). Un disque foutraque par un homme seul qui se fout bien des nostalgiques. Question d’éthique, finalement. « Je les file, mes disques. Tu vas sur mon site et tu les trouve. Le calcul est simple, je n’ai jamais gagné un centime sur mes disques, maintenant je les file et je gagne la même chose. » 

http://david.chazam.free.fr/

Concerts :
21 mars 15h au Mac Val Vitry sur Seine
22 mars Espace autogéré de Lausanne
29 mai Café Central à Bruxelles/St Gery

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