Après avoir consacré notre dernier numéro à Johnny, on continue dans les monuments culturels français en s’attardant sur Danièle Graule, dont le père était marchand de chaussures. Une muse qui a marqué le milieu musical aux côtés de Claude François, Gainsbourg, mais aussi le cinéma avec Truffaut et Depardon, la mode et même la peinture.

Du coup, on a profité de sa présence au MaMa festival (où elle intervenait en tant que marraine) pour la rencontrer alors qu’elle a récemment publié un livre de mémoires La nuit ne dure pas et un album éponyme. Entre quelques verres de rosé et les couloirs du lycée Jacques Decour on a discuté rock yéyé, Eurovision ratée, bonne came et bien sûr, Johnny Hallyday.

Qui est Dani ?

Je m’appelle Danielle, je suis du midi, je suis Catalane. J’ai eu un parcours de femme assez joli, parfois avec des épreuves. La musique m’a toujours accompagnée, depuis que je suis toute petite chez mes parents, j’adore ça.

Votre premier passage sur scène c’était à l’Alhambra avec Tom Jones et Ronnie Bird, le premier français à chanter avec des cheveux longs. C’était comment ?

Il me semble que, vers 20 ans, et même un peu plus tard des fois, et même toujours d’ailleurs, on a un peu l’inconscience de vivre des situations incroyables. Les chansons que je chante, pour moi, sont des choses magnifiques. À ce moment-là, j’avais juste quatre chansons. On ne peut pas faire un bilan quand on commence quelque chose.

Ce sont les premiers émois.

Oui, après on se dit : “Qu’est-ce que je fais là ?” Bref, je me suis fait jeter ce jour-là à l’Alhambra, j’ai pas compris, ça m’a interpellée et j’ai quand même eu un frisson. J’ai adoré aller sur scène. Je pense que c’est une question de partage, les gens, même quand ils ne vous connaissent pas, vous applaudissent, vous envoient des bonbons, il y a une réaction. La première fois c’est toujours une émotion particulière. Soit elle reste la première fois et on fait rien derrière, soit on continue, en se demandant ce que cela représente, d’être un peu dans des bulles. La musique c’est ça, comme quand on vit les concerts, on est dans une bulle.

« Je n’ai jamais changé de style.« 

Pour vous, quel est le rapport entre yéyé et rock ?

Ce sont des mots, qui correspondent peut-être à des décennies, des influences sociales, des mouvements de musique. C’était le peace & love, yéyé, on fume des pétards, on a des fleurs dans les cheveux, on s’habille presque à poil, on est doux, on ne fait plus la guerre – évidemment que tout le monde n’aime pas la guerre, ça c’est clair – mais la musique parfois, provoque des engouements et des rassemblements positifs. Après, il y a eu le mouvement punk, je fais un raccourci. Le rock, c’est une attitude dans la vie. La musique rock, c’est trois accords de guitare, donc après il s’agit de la façon dont c’est provoqué. Le basique et le simple, il est forcément en référence toujours. Après il y a eu le mouvement punk, dont on a toujours l’héritage, cette provocation intellectuelle, visuelle et médiatique.

Vous avez déjà changé de style ?

Ah moi, j’ai jamais changé de style.

Intemporelle, alors ?

Je ne sais pas comment je suis restée. J’ai eu un accident de voiture à 23 ans, j’ai commencé à mettre des blue jeans parce que je ne voulais pas montrer ma jambe abîmée. Après c’est une attitude, suivre la mode moi ça ne m’intéresse pas du tout. L’univers, oui, ses créations, ses artistes. Peut-être que pour les gens c’est du luxe, mais toutes les femmes, tous les mecs, en ont besoin pour rêver. C’est un univers exceptionnel, qui emploie beaucoup de monde, d’artistes : les femmes qui font les ourlets, celles qui cousent les paillettes…

L’artisanat.

Un artisanat de haut niveau, c’est comme dans la musique, il y a des ingénieurs du son, des auteurs, des compositeurs. Yéyé, c’était un mot à la mode, comme on disait “t’es zazou” en 1930. Tous les dix ans il y a des mots à la mode.

L’Eurovision, comme vous l’avez vécue, ce que ça représentait, et qu’est-ce que ça vaut aujourd’hui ?

Un auteur-compositeur qui a une chanson à l’Eurovision, il est très content parce qu’en huit jours, assis dans son fauteuil, il gagne plein d’argent.

C’est une reconnaissance.

Je suis en admiration devant les gens qui écrivent des chansons, moi qui ne suis qu’interprète. Le concours de l’Eurovision, pour moi c’était un supplice (mot accentué) : 3 minutes pour se défendre. Pour être exact quand tu rentres sur scène, faut que tu sois concentrée à 1000%, c’est un exercice. Après tous ces concours, je trouve ça génial qu’ils existent, ça met en lumière des gens inconnus la veille, des auteurs-compositeurs qui peut-être ne continuent pas dans la voie, mais ça leur ouvre des portes. Moi je l’ai pas fait, Pompidou est mort, la France était en deuil, et l’année d’après, les gens qui s’occupaient de l’Eurovision en France n’ont pas aimé la chanson de Gainsbourg Comme un boomerang. Donc : je l’ai pas fait. C’est bizarre vous voyez, les choses de la vie !

Vous aimez quoi en ce moment en musique ?

Je suis assez bonne cliente et midinette, donc j’écoute assez tout. J’ai mis un peu de temps à écouter des bons rap, des bons rappeurs, après là le dernier disque que j’écoute, c’est le disque de Raphaël que je trouve sublime. Je suis bonne cliente de ma garde rapprochée : Étienne Daho, son prochain album, il est magnifique. Après j’écoute des trucs bizarroïdes, du reggae, Bob Marley, mes vieux classiques à moi : le Velvet, Lou Reed, mon Mozart, mon Beethoven.

Première génération à avoir la drogue en vente libre, c’était comment ?

En vente libre ? On en parlait, c’était plus médiatisé. La drogue existe depuis que le monde est monde. Mais moi je ne peux pas raconter, je ne peux pas faire l’apologie de la drogue. J’y ai laissé des plumes parce que j’étais dans un milieu privilégié, là où il me semble qu’on avait de la bonne. Mais je ne veux pas employer le mot…

De la bonne came, donc.

Oui, d’un seul coup ça a émergé dans tous les milieux. Forcément c’est la musique qui en a pris le plus, ou le cinéma, parce que quand les gens sont dans la lumière, on parle plus d’eux sur tous les sujets. Vous savez bien : quand une bonne femme est enceinte dans ce milieu-là, on dit qu’elle attend un bébé alors qu’en même temps il y a plein de gonzesses qui attendent des enfants ! C’est pas un exploit. Dans le monde dans lequel on vit aujourd’hui, quand vous me parliez de la mode tout à l’heure, suffit qu’il y ait une gonzesse qui se teigne les cheveux roses pour qu’il y en ait 10 000 qui se fassent les cheveux roses. Bien sûr que dans dix ans il y a des gens qui vont se droguer, pour “créer”, pour “exister”. C’est terrible ça, après chacun ses béquilles, moi j’ai des étoiles au-dessus du ciel qui m’ont aidée à sortir de là. Il faut beaucoup d’amour, c’est le plus important.

C’est un mot à la con ça, “icône”.

Vous avez fait la première partie de la tournée de Claude François en 1975, c’était comment ?

Comme j’étais une femme et que les têtes d’affiche c’étaient que des garçons quand j’avais 30 ans : Claude François, Johnny Hallyday, Dutronc, Julien Clerc, Sacha Distel, Adamo. Les spectacle c’était : la première partie “vedette américaine”, on faisait huit chansons avant le chanteur ou la chanteuse et avant il y avait des gens qui faisaient de la magie, etc. Ça s’appelait des “galas”, c’est rigolo ! J’ai beaucoup appris, je ne prenais pas beaucoup de risques parce que les gens venaient pour Claude, pour Johnny, pour Dutronc, pour Bashung et moi je faisais la première partie, ça s’appelait “vedette américaine”. Vous voyez, je vous en apprends des choses. [Dani fait tinter nos verres de rosé, ndlr] Tchin à vous, ça me fait rire cette interview.

Vous étiez partout, avec Gainsbourg…

Au-delà de Gainsbourg, il y a aussi des gens qui écrivent et qui ne sont pas dans la lumière. Mais Serge…

C’est une icône.

C’est un mot à la con ça, “icône”. Ce sont des gens que j’ai rencontrés, qui étaient sur ma route, on a passé de grands moments ensemble jusqu’à la fin, grâce à Jane, aux enfants, à cet univers qui était incroyable, où il y avait un peu moins d’interdits et où on pouvait oser des choses. Serge c’est quand même un mec qui a un talent de folie, un visionnaire. Quand je lui ai dit : “Il faut que tu me fasses une chanson pour l’Eurovision” ; il m’a répondu : “Ça fait dix ans que j’ai fait Poupée de cire, poupée de son, on va faire l’Eurovision !” Et quand on s’est fait jeter, il était plus dégoûté que moi.

Qu’a-t-il dit ?

“C’est tous des connards !” Comme un boomerang est une chanson sublimissime, au-delà qu’elle ait été écrite pour moi, j’espère qu’elle restera dans le patrimoine français. Après, les chansons, c’est fait pour être chanté par d’autres et revisité.

« Je ne réfléchis jamais à ma carrière.« 

Lorsqu’on regarde votre biographie, il est difficile de vous assigner à une période. Depuis les années 1970, vous êtes un peu indémodable.

On va dire que je suis en marge. J’ai fait des choix, chaque fois ça me faisait plaisir. Parfois ça me faisait plaisir, ça marchait, et d’autres fois ça a été très douloureux.

C’est quoi pour vous, être une muse ?

Vous aussi vous êtes une muse pour les gens qui vous côtoient au quotidien. C’est avoir une relation humaine, normale, simple avec des gens qui savent faire, qui savent écrire des chansons, des notes de musique, qui composent.

Il n’y a rien de magique ?

C’est une alchimie indicible. Pour moi c’est un coup d’amour artistique. Vertige de l’amour, tu écoutes ça, je ne sais pas pourquoi ça me vient là, mais c’est juste simple : il faut trouver le bon phrasé, le bon do, le bon mi, ou le sol ou le fa, et que ça fasse ça, parce que ce sont des mots qu’on emploie tout le temps et d’un seul coup ça devient magnifique. Non mais là je vais très loin, j’ai bu du rosé un petit peu, excusez-moi.

Est-ce que vous réfléchissez à votre carrière ?

Jamais. Je ne suis pas dans le rétroviseur. Je suis droit devant. C’est un capital aussi, d’avoir vécu des choses, d’avoir l’âge. Après je ne me prosterne pas tous les jours en disant : “Eh bah putain t’as fait ci, t’as fait ça.”

Vous n’y repensez jamais ?

C’est vous qui m’y refaites penser !

Je voulais vous parler de l’Aventure…

Ah non, pas maintenant. Vous m’appelez si vous voulez mais là, je ne vais pas vous raconter ma life. Quand je vous parle là, j’ai les chansons, j’ai les accords dans la tête, je ne suis pas à 1000%, je suis là-bas.

Vous êtes déjà sur scène. (La dame devait faire ses balances après l’interview)

Oui.

Juste une petite dernière. J’ai cru comprendre que vous étiez proche de Johnny et le dernier numéro de Gonzaï lui est dédié. Comment réagiriez-vous si, comme lui, vous aviez droit à des concours de sosies ?

Il me semble que ça fait plaisir, c’est touchant. Ils n’ont pas accepté leurs personnalités, ils l’ont investi chez quelqu’un d’autre. Ça veut dire que les artistes, les gens qui sont dans la lumière, ça fait du bien aux autres. Après, comme tout ce qui est poussé à l’extrême… Vous voyez ce que je veux dire ? Moi je voulais être comme Marilyn Monroe, blonde avec des seins comme ça, des machins comme ça. Quand tous ces gens-là sont fans, que ça les fasse rêver, que ça les aide à vivre leur quotidien… Les excès, je suis d’accord c’est un peu… Ça me fascine, ça veut dire que c’est un refus de se voir aussi, ça veut dire que… C’est compliqué, je ne suis pas psy.

On parlera de l’aventure une prochaine fois alors ?

Oui, prenez mon téléphone et on refait un rendez-vous.

3 commentaires

  1. Bester est débordé! Plus le temps de relire. C’est quoi ces questions mal branlées? Il manque une bonne couche d’éditorial, on croirait lire un papier de débutante sur les internets. Ooooops

Répondre à Bricet. Annuler la réponse

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