Les Rage, ça avait été quelque chose quand même. Rage against the machine. En 93 tout le monde avait ce nom à la bouche. Ça et l'expression tellement répétée qu'elle se vidait

Les Rage, ça avait été quelque chose quand même. Rage against the machine. En 93 tout le monde avait ce nom à la bouche. Ça et l’expression tellement répétée qu’elle se vidait de son sens comme une vessie à la St Patrick : « l’union du rap et du rock ». Lamentable mantra. Faut reconnaître que le rap à l’époque hein, on en connaissait plus IAM qu’Assassin, plus MC Solaar que Dee Nasty. France ingrate.

Vous vous souvenez, à ce moment-là on nous parlait de Fuzzion, style musical plus bâtard qu’un chien espagnol dont le chef de file devait être Suicidal Tendencies. La plus grosse fouine du nouveau continent, gavée de coca, enrobée dans un bandana huileux, couinant sur du hardcore à roulettes. Brrr, ça fait flipper en y repensant. Alors c’est sûr, qu’après avoir bouffé les trente rotations quotidiennes de Everybody Hurts et I Will Always Love You, il y’avait de quoi s’étonner quand a éclaté la guitare de Ron Asheton par dessus la basse d’Infectious Groove, avec au micro un geignard aux cheveux tortillés qui évoquait plus Speedy Gonzalès que les basketteurs au crâne luisant qu’on associait à du rap US. Nageant dans son T-shirt d’Ice-T, surexcité, plus moraliste que deux barils de Joe Strummer et un timbre de voix à vous laisser croire que votre tatie Josette, institutrice de son état, pouvait se mettre au rap. Tous les chanteurs en cuirs ont ravalé leur beignet. A spanish rain a-gonna fall.
Voilà ce qui arrivait à ceux qui n’avaient pas eu la chance d’écouter les Beastie Boys, ceux qui ne voyaient en Public Enemy qu’une cravate capable de sonner le matin, et qui pensaient que la musique black du moment était Arrested Development.

Wu Tang c’est loin. Claude M’Barali, c’est près.

Benny Be à Jacques Martin. Du moins c’est comme ça qu’on voyait le rap – hip hop ? Désolé je n’ai jamais su faire la différence – depuis les fenêtres de mon lycée. Simple Et Funky ; Ring Ring Ring, De la Soul… Beurk. Et puis tout est tombé d’un coup, Rage, Bodycount, Urban Dance Squad. Je me souviens de ce type devant moi en cours d’Eco, teint mat et pantalons larges. Il portait un T-shirt de Cypress Hill. Lettres gothiques glauques. Merde ! Y’a plus de crânes sur ce Black Sunday que sur mes vieux Iron Maiden (oui, je sais, j’ai fait un long chemin). Et comme la courageuse émission Best Of Trash d’un M6 que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître diffusait Insane In The Brain entre deux Dog Eat Dog et un Tool, la transition s’était faite en toute quiétude. Rapidement il apparu que les après-midi all stoned et pas immaculate se passaient mieux avec Cypress Hill qu’avec Nirvana ou Alice In Chains. Je ne dis pas que tout a été facile – Dr Greenthumb fut une épreuve douloureuse. Mais quand les chambres des pensionnaires résonnaient de Pass Pass Le Oinj j’avais déjà fait ma route. Il fallu qu’ils attendent Eminem pour comprendre la bombe qui était enterrée là, tandis que je brûlais déjà les doigts sur Limp Bizkit. Par bonheur il n’y a pas une guitare chez Cypress ; juste un DJ et deux MCs. Mais les samples de Dusty Springfield, Ben E. King et Black Sabbath faisaient le travail just as well.
Les guitares finirent par arriver, suites aux longues tournées lollapaloozesques où ils durent partager les loges avec les Smashing Pumkins ou Nine Inch Nails. Ce fut lamentable. Une parodie. Le latino groove de la ganja céda sur le migraine beat du crack. Ils avaient bouffé la feuille.

So you wanna be a rock superstar / live in large big house / (with) five cars ?

Comme on se réveille d’une méchante cuite à la sangria, l’emballement rap à guitares avait bouché la cuvette. Les Rage étaient au bouillon, Mike Shinoda se faisait imprimer des cartes de visite de producteur-arrangeur, Eminem à Hollywood, Joey Starr en panthère… Who gave the shit ? Les platines avaient changé de mains, lent cross-fade, et la fête était de retour. Last night a duo of french DJ saved my life. J’aurais plus parié pour reprendre la discographie de Chuck D dans le sens du poil que retomber sur un Cypress Hill qui me file la banane. Rise Up a ceci de commun avec une première gorgée de tequila douze ans après la dernière cuite téq-paf, la surprise et le sel qui remonte aux lèvres. Bloodshot eyes…
Ce beat oldschool (It Ain’t Nothing) et un flow de B-Real cent fois meilleur, il fallait bien ça puisque le timbre nasillard des débuts s’est envolé avec vingt ans de bongs et loyaux services. Les titres kitcho-chicanos vous ferait presque réécouter les Fugees et certains loops laissent pensif quant à l’afrobeat (qui est plus longue, c’est de notoriété publique). La participation de Tom Morello efface l’ardoise d’une décennie paresseusement profitable pour RATM, haut la main. On ne peut pas en dire autant du RP de Linkin Park qui ferait bien de retrouver les ghettos pour que gangsta rime avec rap et non plus paradise. B Real a grossi mais depuis The Shield, les latino-american me font plus peur que tout harlem un soir de pénurie d’herbe. Cypress rallume la douille sans vraiment la foutre dans le barillet mais ce n’est pas très grave: ce matin j’ai racheté des citrons verts.

Cypress Hill // Rise Up // Hostile Records (EMI)
http://www.myspace.com/cypresshill

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