Toutes les semaines, la Gaîté Lyrique et Gonzaï vous proposent le double G, soit l'association de deux lettres au service d'une même cause: la découverte des plaisirs enfouis, entre un accent circonflexe et le tréma. Cette semaine dans notre point G, une interaction artistique avec Christophe Chassol, avec quatre œuvres commentées par ce musicien passionné par le minimalisme et les 'Ultra Scores'.

Christophe Chassol travaille la vidéo comme une matière au service de sa musique. Ses concerts jouent sur cette hybridation entre une musique qui guide l’image et une image qui donne forme au son. Ne faire que parler de son travail serait réducteur, aussi s’est mis en place avec lui un entretien d’un genre particulier. Plutôt que des questions nous lui avons soumis des images. Ces films et ces vidéos-objets étranges, historiques ou contemporains, ont surgis comme des reflets au contact de « Nola Chérie« , un film musical que Chassol mixe autant qu’il le projette. Échange.

« BROADWAY BY LIGHT » (William Klein) 


Je suis ravi que « Nola Chérie » ait pu évoquer ces magnifiques « photographies en mouvement » de Klein. J’imagine que c’est surtout grâce à la seconde séquence en noir et blanc « The Troup » et sa transformation graduelle en lignes abstraites. Je me sens proche de « Broadway by light » parce qu’il est je trouve paradoxalement très français :

– La musique de Maurice LeRoux bien que peu tonale et plutôt sous influence Messiaen me parle énormément car elle est proche de la complexe contemporanéité pop des scores de séries US 60’s et 70’s, même si j’aurais aimé une pulse continue chère au minimalisme (pour plus d’allant),.. Ce n’était pas l’époque.

– Les noms de Chris Marker et Resnais au générique – bien que crédités pour rien, continuent de rapprocher ce film d’un certain esprit français.

Ensuite, ce qui peut rapprocher mon boulot de ce film, c’est sans doute cette idée que le cinéma est une vision fugitive, à l’inverse de la photo et de la peinture (dans lesquelles on peut plonger le temps qu’on veut). Ici, ce sont donc des photos en mouvement…comme dans mes vidéos où la répétition permet d’observer à fond une image différemment à chaque  fois. « Broadway by light » est en tous cas magnifique… et pour ce qui est de Chris Marker, je conseille le visionnage de son sublime « Sans Soleil ».

« TELEPHONES » (Christian Marclay)

J’adore Marclay, et je suis content d’être sur d’avoir commencé mon boulot vidéo avant de connaître le sien. Héhé J’aime beaucoup « téléphones » et sa construction, mais sa masterpiece est sans doute « The Clock » présentée à Venise l’année dernière, et qui a gagné le Lion d’Or. Une pièce de 24h montrant des extraits de films où l’heure qu’il est en train d’être (dans la réalité) apparaît à chaque fois à l’écran dans une pendule, une montre, une horloge, un radio-réveil etc… C’est direct, c’est clair, c’est brillant. Merci Marclay.

« BEATLES ELECTRONIQUE » (Nam June Paik) 

Je devrais aimer, m’y intéresser, mais cela me saoule. J’ai l’impression de connaître depuis assez longtemps, via Fluxus qui m’intéresse par principe plus que réellement.
John Cage me passionne beaucoup plus et il parle justement des installations, du fait contemporain, de la vidéo et de cette musique expérimentale en disant : « Il y a les gens qui ne la prennent pas assez au sérieux, ceux qui la prennent trop au sérieux et ceux qui la jouent « just right !!!!… »… Il dit cela en s’esclaffant et cela me plait quand il y a soit de l’humour, soit de la tonalité ou de la narration dans l’expérimentation. Je n’aime pas que l’on cherche à perdre les gens, ça m ‘emmerde. Je trouve cela beaucoup plus dur d’arriver à rester radical sans avoir peur de la musique ou de la narration. Bon heureusement grâce aux clés des portes de la perception, je peux encore regarder des vidéos expérimentales un peu chiantes… et même à l’envers.

« PASSAGE À L’ACTE » ET « PIÈCE TOUCHÉE » (Martin Arnold)

Là, il y a déjà beaucoup plus d’humour. Le procédé d’augmentation de la loop peut être très proche de ma façon de travailler. Cependant, J’aime travailler l’harmonie et la verticalité, lorsqu’ici je sens qu’Arnold ne joue qu’avec le rythme et l’horizontalité. Mais j’aime beaucoup et cela me fait penser à la réflexion que m’a faite mon ami critique d’art, Renaud Faroux, parti filmer New Orléans avec moi lorsque je travaillais au montage de « Nola Chérie ». Il me disait : « joue avec tes images, jusqu’à casser la machine ! »…

Le procédé d’Arnold peut aussi évoquer le minimalisme en ce qu’il est un procédé très graduel de transformation: en partant d’une chose à laquelle on en rajoute d’autre, on arrive progressivement à tout à fait autre chose. Et tout cela peut être énorme, gigantesque, minimal signifiant simplement le fait que ces changements soient graduels, progressifs. C’est ce que font Reich, Glass, Riley etc…Cette pièce peut d’ailleurs ressembler à Proverb, ou Come Out, les premières pièces sur bande de Reich.
Je pense aussi à Ghérasim Luca et ses poèmes minimalistes grossissants et se transformant de mots en mots dont j’ai d’ailleurs harmonisé le fameux passionnément dans mon disque  « X-pianos », sur le titre La Négacra. J’aime la tonalité, et elle n’est pas assez souvent présente dans l’expérimentation vidéo, comme si on n’en avait peur, comme si le sucre ou ses accords putes de 7ème allaient corrompre la grande avant-garde.… Foutaises !! Il y a encore des tas de tueries à écrire en Do majeur sans beat électro vulgaire à plaquer sous un superfilm. Il ne faut pas avoir peur de la musique et cacher cette trouille avec des sons concrets, électroniques-gadgets, du silence ou des images cheloues !!!… Si on en a peur, il faut alors s’y confronter en collaborant par exemple…

En partenariat avec La Gaité Lyrique, papier à retrouver sur la Gaité Live.

1 commentaire

  1. Christophe, il faut voir le troisième et dernier film de Martin Arnold : « Alone, Life wastes Andy Hardy », même principe que les deux qu’on voit ici, mais sur une scène chantée (par Judy Garland !)
    Du coup, le résultat est beaucoup plus proche de ton propre travail, et beaucoup plus, comme tu le dis très bien, accessible, tonal, harmonieux, plaisant, accueillant, plus beau, plus touchant, en un mot plus musical.

    Il est là :
    http://whistletaste.blogspot.fr/2010/05/alone.html

    (les trois films à la suite, faut avancer direct à 26:45 pour voir le 3e)

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