Le 7 Février dernier a démarré aux States la quatrième saison de « Community ». Considérée comme un bête sitcom type « Friends », la série est négligée en France. A tort, car elle a tous les ingrédients pour devenir culte. Et pour cause, elle vise en priorité un public de fans… de télé.

Force est de constater en cette deuxième décennie du millénaire que notre référent culturel a shifté. La TV qui était le média de masse des années 90, copiait et parodiait le ciné ; puis vint le rayonnement du web, copié, récupéré, voire ciblé par les studios. Le raid conduit par Showtime, ABC et AMC a inversé le courant : on regarde principalement le web mais on veille de nouveau la télé. Amis des écrans, bonjour.
Cet état de fait, la série Community l’a assimilé, et digéré, à l’inverse de tous ses concurrents prime-timers de 40 minutes + générique. Réfléchissez, que vous matiez Walking Dead, Game of Thrones ou Big Bang Theory, vous vous abreuvez d’une sous-culture déjà puisée par d’autres pompes. Zombies, geeks, heroic fantasy, autant de niches devenues mainstream avec l’avènement du haut-débit. True Blood arrive après l’œuvre d’Anne Rice (Entretien Avec un Vampire) de même que Dexter est enfant d’American Psycho et Necropolis. Même How I Met Your Mother pioche chez Sandra Bullock et Ally McBeal alors… Si ça vous va de boire dans le même verre que les autres, allez-y ; sinon il y a Community qui a fait de 50 ans de tube cathodique son bol de sangria. Je vous en mets une louche ?

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Community = Toy Stories

Indispensable présentation. En gros, la série démarre sur le retour en fac de Jeff Winger, avocat contraint de retourner passer le diplôme de droit sans lequel il exerçait. Une fac oui, mais une fac publique, un Community College bien moins onéreux et donc rendez-vous obligé des losers et cas sociaux ayant raté le coche de l’intégration. Disons cela : le community college est à l’université ce que le national hospital est à la clinique : un mouroir. N’empêche Jeff y rejoint un groupe d’étude disparate avec lequel il finit par sympathiser malgré lui. En plus de notre gossbo WASP il y a : Shirley, une big mama black lassée d’être housewive, Britta, une activiste libertaire tellement humaniste qu’elle est associable, Pierce, un sexagénaire rentier plus réac qu’un amish du KKK, Annie, une nubile complexée et hyperactive pathologique, Troy, un quaterback black naïf, et Abed, un autiste arabe plus-nerd-tu-reboot.

Alors oui, Community est un pur sitcom avec des persos stéréotypés évoluant dans un contexte ultra-balisé : le campus. Mais il s’en sort en oubliant rapidement tout ça. La fac devient un décor, une usine dirigée par un doyen très extravaganza où les cours débiles (poterie, yachting, anthropologie par Youtube) alterne avec d’improbables festivités qui feraient baver d’envie John Landis et Belushi dans American College. Nos sept élèves sont des prétextes, les jouets avec lesquels la série va construire de toutes autres histoires. Un peu comme quand dans Toy Story le dinosaure devient justicier et le cochon-tirelire devient braqueur de banque…

L’existence d’un mystérieux module de cours sur les « Théories conspirationnistes américaines » amène notre club des sept à se méfier chacun des autres. On tire au dé qui descend ouvrir au livreur de pizza, et voilà un épisode en multiple timelines potentielles comme dans Cours Lola Cours. Enfermés à l’intérieur d’un van ? Envoyez l’ambiance catastrophe aérienne ou Apollo 13. On vole le DVD collector de Dark Knight et c’est parti pour un épisode où rendre la justice nécessite d’enfiler le costume de Batman… La force motrice de ce groupe ne tient nullement par les trames sous-jacentes que chaque personnage pourrait apporter à l’intrigue (d’ailleurs inexistante). Non, on a dépassé les flash-back de LOST et les héritages psychodramatiques de Game of Thrones. Ici chaque situation est une perche tendue pour pasticher tel film, telle série. Hommage collatéral.

Life-size screener

De nombreux épisodes rejouent carrément Pulp Fiction, Alien, ou les Romero en costume. On n’évite pas la classique mise en abyme du tournage de tournage, ni les running gags (généralement sur Robocop, Will Hunting et Inception). Il y a même un one-shot en stop-motion de pâte à modeler et un en pixel art 8bits. Ce qui devient génialement absurde c’est ce module de cours sur la série Madame est Servie (oui oui !), ou ce diorama du Temple Maudit d’Indiana Jones. En fait Community entretient à chaque réplique la confusion entre réalité et script filmique. Par exemple en jouant le placement de produit décomplexé (merci KFC et Subway). Ou lorsque nos persos se comparent ouvertement à tel comédien ou tel film (Glee, Breakfast Club…). Comme dirait Jeff : « Abed ! ça met notre groupe mal à l’aise quand tu parles de nous comme si on était des personnages d’une série que tu regardes. » Enfin, aboutissement de la méta-vanne: Community fait largement usage de l’auto-parodie. Chaque épisode se termine par un vrai-faux talk show en pull boléro et mug à la main, comme dansTroy & Abed in the Morning où les concernés se convainquent de tenir une émission sans caméra ni public. Quand les persos font allusion à des faits concernant leur acteur lui-même (parcours, religion). Et surtout, chaque fois qu’Abed confirme que peu importe les résultats des examens, leurs études vont forcément durer #Sixseasonsandamovie. Quand ta vie devient un screener

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De par sa nature, la série est un mème perpétuel et en tant que tel récupéré par nombres de Tumblr de gifs animés (Vie de consultant par exemple en met 2 par page). Elle attire également quelques célébrités dont John Goodman, personnage récurrent de la saison 3, ou Richard Ayoade (IT Crowd). Mais son plus beau touchdown reste un curieux miracle hollywoodien : alors que son personnage Abed fait régulièrement référence à la série Cougar Town, l’acteur Danny Pudi a été invité dans un épisode de cette dernière où il jouait… Abed. Epic WTF.

Vu à la TV !

Pour réussir un tel projet, il faut une équipe de génies de l’acting ; là encore la série se démarque par une distribution surprenante : un présentateur d’émission TV satirique, un rappeur qui fait du stand up, un danseur de formation également habitué des vidéo-blogs comiques, une transfuge de Mad Men ayant un passif chez Hannah Montana, une reine de la pub officiant aussi dans la série Malcom, et rien de moins qu’un des piliers fondateurs du Saturday Night Live, monsieur Chevy Chase (influence majeur de Mike Myers et Will Ferrel). Oh, à l’occasion il y a aussi le chinois à poil de Very Bad Trip, si c’est votre truc.

Aux USA, c’est NBC qui assure la diffusion, la chaîne des séries classiques, de Santa Barbara à Urgences en passant par K2000, Alerte à Malibu et plus récemment (quand même) The Office. Logique finalement. En France par contre c’est Numero 23. Malaise : menée entre autres par M. Pigasse et X. Niel, la chaîne autoproclamée des « diversités » offre sur le câble des émissions pour les ethnies minoritaires, les handicapés, les homosexuels et les familles homo ou monoparentales. Déjà cette description fout la nausée mais le rapport avec le show est encore plus trouble. Communautarisme quand tu nous tiens…

Tout ça pour quoi ? Well, tout n’est pas engageant dans le monde de la télé : une audience qui baisse, une saison 4 écourtée et repoussée d’octobre à février, l’éviction de son fondateur et le départ de Chevy Chase… Il y aurait de quoi flipper. Ou pas : passé du sitcom estudiantin à une grande centrifugeuse cinématique, Community gagne en profondeur et en imprévisibilité à chaque saison et n’a aucun intérêt à rester comme elle était. Soit tout va partir en bouquet final sous peu, soit on trouvera des coffrets deluxe edition de Community à Noël prochain dans les grandes surfaces spécialisées en nature morte. N’empêche le plus gros du boulot est fait : on a ri, on a revu défiler devant ses yeux 50 ans de tube cathodique, et voilou. Play it again Sam !

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